Ora MATUSHANSKY : “LES ADJECTIFS – UNE INTRODUCTION”
Cet article représente une brève introduction au domaine des adjectifs, leur syntaxe, sémantique et morphologie, ainsi qu’à la typologie des adjectifs. Il discute quelques-uns des thèmes les plus souvent abordés de ce domaine, tels que l’emploi épithète et l’emploi prédicatif des adjectifs; la sémantique et la syntaxe de la dépendance contextuelle y compris la scalarité; la structure argumentale des adjectifs; la syntaxe du syntagme adjectival et son comportement à l’intérieur et à l’extérieur du syntagme nominal; l’existence d’une classe des adjectifs, distincte des noms et des verbes, et les propriétés des adjectifs à travers les langues; et les questions de la morphologie adjectivale (l’accord, les affixes dérivationnels, etc.).
Judy B. BERNSTEIN : “ON THE MORPHO-SYNTAX OF POSSESSIVE CONSTRUCTIONS”
Les constructions possessives de l’anglais, de l’espagnol et du français se distinguent par plusieurs propriétés. Cet article examine les variations concernant l’ordre des mots, l’expression de l’accord ainsi que la présence ou absence d’une préposition. Cet article étend l’analyse proposée pour l’anglais par Bernstein & Tortora (2005) à l’espagnol et au français, reprenant en particulier l’idée que les possessifs prénominaux sont distincts des possessifs postnominaux. Dans les trois langues, on retrouve un possessif prénominal qui est incompatible avec l’article défini, ce qui constitue un argument en faveur de l’idée que les possessifs prénominaux occupent une position interne au DP. Les possessifs postnominaux ont des comportements hétérogènes à travers les langues. Le fait que of apparaisse en anglais est compatible avec l’idée (voir Kayne 1993) que le mouvement postulé est interne au DP. Ce raisonnement s’applique également aux constructions possessives avec des DP pleins en espagnol et en français, qui sont introduites par la préposition de. En espagnol, la préposition n’apparaît pas avec les pronoms possessifs postnominaux, qui se comportent comme des adjectifs prédicatifs. L’analyse proposée ici postule une structure de relative réduite avec un adjectif possessif et un complémenteur supprimé. En français, la préposition à apparaît avec un pronom non-possessif. Cependant, il existe des arguments en faveur de l’idée que la construction du français a la même structure que celle de l’anglais.
Olivier BONAMI & Gilles BOYÉ : “CONSTUIRE LE PARADIGME D’UN ADJECTIF”
On suppose généralement que les adjectifs du français ont un paradigme à quatre cases, leur forme variant en fonction du genre et du nombre. Sur la base d’un examen détaillé des adjectifs irréguliers, nous proposons une structure paradigmatique différente. D’abord, une cinquième case est ajoutée pour la forme de liaison prénominale du masculin singulier, qui a parfois des propriétés qui ne peuvent être déduites de la connaissance du reste du paradigme. Ensuite, nous proposons qu’à chaque adjectif soit associé un ESPACE THÉMATIQUE en plus de son paradigme. L’espace thématique est une entité morphomique au sens d’Aronoff (1994) : un adjectif peut avoir deux thèmes distincts, mais ces thèmes n’expriment pas de propriétés morphosyntaxiques.
Les formes fléchies sont construites à partir de l’espace thématique. Ceci nous permet de rendre compte de manière uniforme des régularités partielles dans la forme prise par le masculin singulier prénominal de liaison, qui ressemble parfois au masculin singulier ordinaire (par exemple sec, féminin sèche, forme de liaison sec), parfois au féminin singulier (par exemple vieux, féminin vieille, forme de liaison vieil). Pour finir, nous montrons comment cette analyse peut être combinée avec un traitement des consonnes latentes et un traitement de la morphologie dérivationnelle pour fournir un tableau complet de la flexion des adjectifs en français.
Hagit BORER & Isabelle ROY : “LE NOM DE L’ADJECTIF”
Nous nous intéressons dans cet article aux adjectifs (supposés) construits comme des expressions nominales. À partir de données de l’anglais, du français, de l’hébreu et de l’espagnol, nous montrerons que ceux-ci appartiennent à deux classes distinctes. Une classe restreinte est constituée de noms véritables homophones avec les adjectifs correspondants, mais dont le sens n’est, bien que relié, pas directement dérivé de celui de l’adjectif. La classe la plus ample et productive est constituée de véritables adjectifs épithètes modifiant un nom nul. La variation des interprétations que le N nul peut recevoir, ainsi que la variation à travers les langues, s’avéreront dépendre des conditions d’identification et de légitimation des noms nuls dans une langue et une structure données.
Denis BOUCHARD : “SÉRIATION DES ADJECTIFS DANS LE SN ET FORMATION DE CONCEPTS”
En français, il y a un ordre préféré pour les adjectifs lorsqu’ils sont du même côté du Nom à l’intérieur du syntagme nominal. Ces adjectifs sont interprétés dans un emboîtement : l’adjectif immédiatement juxtaposé au nom modifie ce nom, l’adjectif juxtaposé à ce groupe le modifie, et ainsi de suite. Les sériations dépendent du sens des adjectifs et du contexte d’emploi : l’adjectif qui est le plus susceptible de former un concept avec le nom selon la situation d’emploi est celui qui se combine immédiatement avec le nom, qui est le plus enchâssé. Les sériations ne représentent que des préférences et non pas des contraintes rigides, et il est presque toujours possible d’intervertir l’ordre des adjectifs. Les combinaisons résultantes ne constituent pas des déviances syntaxiques, mais plutôt des combinaisons sémantiques moins attendues : les expressions sont acceptables si le nom et l’adjectif adjacent construisent un concept provisoire qui est approprié dans le contexte.
Patricia CABREDO HOFHERR : “LES SÉQUENCES DÉTERMINANT DÉFINI + ADJECTIF EN FRANÇAIS ET EN ESPAGNOL: UNE COMPARAISON1”
Les séquences déterminant défini + adjectif en espagnol, et plus généralement les groupes nominaux sans nom introduits par des articles définis, ont fait l’objet de nombreuses recherches en grammaire descriptive et théorique. Àpartir d’une comparaison avec le français, cet article propose une analyse selon laquelle les groupes nominaux sans nom contenant des adjectifs simples sont des ellipses du nom tandis que les groupes nominaux sans nom contenant des adjectifs avec complément, des GP ou des relatives sont des pronoms modifiés. Il est soutenu que l’élément lo, traditionnellement analysé comme un article défini neutre, est en effet un pronom dans toutes ses occurrences.
Norbert CORVER : “DOUBLE COMPARATIVES AND THE COMPARATIVE CRITERION*”
Dans cet article, je (ré)examine des données relatives aux comparatifs et à des constructions apparentées discutées dans Corver (1997a,b). Je propose que les mots comparatifs comme more, ‘plus’, et less, ‘moins’ ne sont pas des têtes fonctionnelles mais des projections maximales XP qui se déplacent à l’intérieur du syntagme adjectival vers le spécifieur d’une tête fonctionnelle qui encode la comparaison. Dans l’esprit des analyses développées dans Rizzi (1991), je propose que cette position de spécifieur est régie par un critère, le Comparative Criterion. Cette proposition s’appuie sur des données empiriques concernant le redoublement des comparatifs, à savoir la co-occurrence d’un morphème comparatif avec un mot comparatif comme dans more safer ‘plus sure-er’.
Louise MCNALLY : “LEXICAL REPRESENTATION AND MODIFICATION WITHIN THE NOUN PHRASE”
En sémantique formelle, l’information encodée dans les représentations lexicales et les règles de composition est traditionnellement relativement limitée; dans ce type d’approche, le contexte joue un rôle considérable dans l’interprétation. Ce type d’approche est justifié si l’on cherche à rendre compte seulement des implications strictes des énoncés. Cependant, une telle répartition des tâches implique une simplification des représentations lexicales, relégant un nombre important de problèmes à la «poubelle pragmatique». Dans cet article, je discute deux types de problèmes liés à la modification du GN qui montrent que des représentations lexicales plus riches, comparables à celles proposées par la théorie du Lexique Génératif (Pustejovsky, 1995), devraient être prises en compte en sémantique formelle.
Roger SCHWARZSCHILD : “MEASURE PHRASES AS MODIFIERS OF ADJECTIVES1”
Dans certaines langues, les syntagmes de mesure peuvent apparaître avec des adjectifs non comparés (165 cm tall ‘haut de 165 cm’). Je traiterai trois questions concernant cette construction : (a) le syntagme de mesure est-il un argument de l’adjectif ou plutôt un adjoint ? (b) quel statut doit-on donner au fait que cette construction est lexicalement restreinte à certains adjectifs (*5 kg heavy ‘lourd de 5 kg’)? (c) pourquoi cette restriction lexicale disparaît-elle une fois que l’adjectif apparaît au comparatif (5 kg heavier ‘plus lourd de 5kg’)? Je propose que le syntagme de mesure est un adjoint qui modifie l’argument de degré des adjectifs, comparable aux adverbes modifiant l’argument d’événement du SV. L’argument de degré lui-même ne peut être saturé que par un élément fonctionnel. Le type sémantique des syntagmes de mesure n’est compatible avec une prédication directe d’un argument de degré que dans les comparatifs. Par conséquent, je propose un changement de type semblable à celui qui se produit dans les comparatifs. Cette règle est ici lexicalement conditionnée s’appliquant à tall mais non à heavy.