Céline MARTIN : « Montanus et les schismatiques : la reprise en main d’une périphérie hispanique au début du VIe siècle »
Une nouvelle lecture des lettres de Montanus de Tolède à Toribius et aux clercs de Palencia (v. 531) suggère que Toribius est un grand personnage devenu abbé qui appuie l’ancien évêque, déposé de son siège. En tant que métropolitain, Montanus tente de dénouer les solidarités traditionnelles de la région avec le reste de la province de Galice, aux mains des Suèves. Cette affirmation de la hiérarchie ecclésiastique sert le roi goth, qui peine à s’affirmer dans ces marges éloignées de Narbonne.
Espagne – Barbares – Pouvoir – Priscillianisme – Province
Yves-Mary VERHOEVE : « Le royaume lombard et les duchés : formes et moyens d’une intégration progressive »
En 584, le territoire contrôlé par les Lombards est éclaté en de multiples duchés. Ceux-ci, autonomes, sans réelle cohésion entre eux risquaient d’être absorbés par leurs puissants voisins francs et byzantins. C’est dans ce contexte qu’il faut envisager la restauration de la royauté lombarde.
Tout au long des VIe, VIIe et VIIIe siècles les rois lombards se heurtent aux velléités autonomistes de leurs ducs, qui mettent en péril la cohésion du royaume. Ces derniers sont en perpétuelle compétition avec le pouvoir royal, dont ils refusent les tentatives de centralisation. Les rois lombards d’Authari à Liutprand tentent d’asseoir leur autorité sur le regnum, mais aussi d’établir leur primauté à la tête de celui-ci. Cette entreprise passe notamment par la prise de contrôle progressive des duchés les plus turbulents, en y installant des membres de leur parentèle ou des fidèles. Cependant, cette stratégie conduit à de nombreuses révoltes, qui fragilisent le pouvoir royal. Cette étude propose donc d’envisager la construction du royaume lombard sous l’angle de la lutte entre les duchés et le pouvoir royal, en mettant en lumière les réseaux de soutiens ou de contestations de la royauté, et la manière dont celle-ci parvient s’imposer face aux duchés.
Duché – Regnum – continuité dynastique – Bénévent – Agilolfing – Théodelinde – parenté efficace
Alban GAUTIER : « Manger et boire à la mode étrangère : adoption, adaptation et rejet des pratiques festives continentales dans la Grande-Bretagne du VIIe siècle »
L’étude de la vaisselle d’importation (verre et céramique) offre une fenêtre privilégiée sur la compréhension des phénomènes d’interaction culturelle, économique et parfois même politique. Entre les deux modèles anthropo-archéologiques couramment utilisés (interaction entre entités politiques de statut similaire et interaction entre un noyau et sa périphérie), l’étude de quatre régions de la Grande-Bretagne du VIIe siècle (Cornouailles, Dalriada, Kent, Est-Anglie) permet de mettre en évidence tout un « dégradé » de situations d’interaction, soit entre elles, soit avec le continent européen, de l’influence pure et simple à la quasi-autonomie culturelle et symbolique.
Échanges – importation – archéologie – modèles d’interaction – consommation – Grande-Bretagne – vaisselle – céramique – verre
Rodolphe DREILLARD : « La fission du noyau : anciens et nouveaux centres dans l’espace alpin (fin VIIe-début Xe siècles) »
Le problème de la réorganisation de l’ensemble politique carolingien après le traité de 843 a pu être étudié sous divers angles mettant en valeur ou bien la manière dont chaque royaume se structure ou bien la façon dont, sur les marges, naissent de nouvelles entités organisées autour d’identités culturelles antérieures à la conquête franque et historiquement inscrite dans ces espaces. Ces principautés périphériques sont le fruit d’une dialectique entre les anciens centres du pouvoir franc, entre Loire et Rhin, et les marges. Il s’agit ici d’étudier ce rapport et son évolution à travers un cas limite : l’arc alpin central et occidental, qui tout en étant au centre géographique de l’Europe carolingienne, et sur une voie de passage essentielle reliant le centre carolingien à Rome, se trouve en position de périphérie politique entre les royaumes nés du partage de 843 et de ceux qui suivent. Il s’agira donc de comprendre comment les aristocraties ont pu exploiter cette position spécifique pour y développer des réseaux, bases de la construction de pouvoirs autonomes à la fin du IXe siècle.
Carolingiens – centre/périphéries – Alpes – réseaux – Relations internationales
Thomas LIENHARD : « À qui profitent les guerres en Orient ? Quelques observations à propos des conflits entre Slaves et Francs au IXe siècle »
Pour expliquer les conflits qui opposèrent Slaves et Francs au IXe siècle, l’historiographie incrimina généralement le processus de consolidation des peuples d’Europe centrale, qui aurait amené ces derniers à rejeter l’influence franque avec une violence croissante. Or plusieurs éléments encouragent à proposer ici une autre hypothèse. En particulier, si l’on examine le rôle des délégués francs près des frontières, on s’aperçoit que, par le monopole d’information dont ils disposaient, ils étaient largement en mesure de définir comme rebelles des populations qui souhaitaient au contraire la préservation de l’échange ; or un tel discours correspondait par ailleurs aux intérêts de ces informateurs. C’est pourquoi on propose d’admettre que les conflits naquirent d’une opposition personnelle entre les Slaves et les seuls agents francs qui agissaient en périphérie, et non d’une opposition envers le monde carolingien ou d’une évolution ethnique dans ces secteurs.
Identité ethnique – Slaves – Carolingiens – Archéologie – Moravie – Information
Paul BERTRAND, Charles MERIAUX : « Cambrai-Magdebourg : les reliques des saints et l’intégration de la Lotharingie dans le royaume de Germanie au milieu du Xe siècle »
La documentation narrative, diplomatique et liturgique permet de mettre en évidence l’existence de plusieurs translations de reliques de Cambrai et de ses environs vers la Saxe à la fin des années 940 ; elles concernent les saints Aubert, Géry, Madelberte, Maxellende et peut-être aussi une énigmatique sainte Saturnine. Contrairement aux translations de reliques de l’époque carolingienne qui manifestaient l’intégration de la Saxe dans l’empire franc, les translations du Xe siècle sont révélatrices d’un mouvement inverse : l’ancrage très net de la Lotharingie dans l’espace politique ottonien.
Translations de reliques – Lotharingie – Cambrai – Saxe – Otton Ier
An SMETS : « “Poux, vers et vermine” : étude sémantique sur les parasites des rapaces dans les traductions cynégétiques françaises »
On connaît le rôle des traductions médiévales dans le développement du lexique scientifique, et l’article analyse ce phénomène pour les noms des parasites des rapaces à partir d’un corpus composé de 11 textes cynégétiques français ayant un modèle latin et traitant ce sujet. Ce choix s’explique par le fait que les parasites (ecto- ou endoparasites) sont les maux les plus fréquents dans ces traités. Dans le domaine latin, le vocabulaire se limite à tinea et pediculus pour les ectoparasites, et aux termes généraux vermis et lumbricus pour les endoparasites, complétés par quelques occurrences d’aculeus, acus et anguilla. La diversité lexicale est plus riche en français : surtout peoil et teigne pour les ectoparasites, mais aussi vermine, lente et migne, tout comme le maintien du latin, et ver, lombrice, filandre, esguille, … pour les endoparasites. Les traducteurs utilisent surtout des termes déjà existants, mais le traducteur de Moamin semble être le premier à employer les noms ver et lombrice dans le sens de « ver ou lombric intestinal ». Enfin, il s’avère que certains termes, comme pediculus, sont toujours rendus correctement, alors que d’autres, comme anguilla, ne le sont jamais.
Lexique – traduction – médecine vétérinaire – littérature cynégétique – parasites – oiseaux rapaces
Julien VERONESE : « La notion d’“auteur-magicien ” à la fin du Moyen Âge : le cas de l’ermite Pelagius de Majorque († v. 1480) »
Pelagius de Majorque, ermite du XVe siècle, est un maillon important de l’histoire de la magie savante, à la croisée des traditions médiévale et renaissante, des mondes oriental et occidental. Cet article pose un premier jalon pour une étude plus poussée de la notion d’« auteur-magicien » forgée par Nicolas Weill-Parot. Si les magiciens les plus autonomes par rapport à la tradition sont souvent des spécialistes de la magie talismanique, le cas de Pelagius, situé dans son contexte, montre que la magie rituelle et la théurgie, bien que se définissant comme des savoirs révélés, ont été le théâtre d’un processus d’individualisation des invocateurs d’esprits. L’étude de l’Ars crucifixi, l’une des œuvres de Pelagius, montre toute la difficulté à situer ce curieux personnage dans une lignée clairement identifiée.
Pelagius de Majorque – auteur-magicien – théurgie – Ars crucifixi