Jean-Philippe ANTOINE
Nancy Shaver : Retail. Invention, valeur, art
Une récente exposition de l’artiste américaine Nancy Shaver, intitulée “Retail” (Vente au détail) juxtaposait à ses installations, assemblages et sculptures des objets en provenance du magasin de brocante qu’elle tient depuis plus d’une dizaine d’années, menant les différences de prix entre les objets proposés à la vente jusqu’au vertige. On s’attachera aux manières de construire la valeur que proposent ses oeuvres, leurs effets critiques sur les concepts publics de l’art et sur la circulation marchande des objets.
Sophie CRAS
De la valeur de l’œuvre au prix du marché : Yves Klein à l’épreuve de la pensée économique
Le 2 janvier 1957, à la galerie Apollinaire de Milan, Yves Klein inaugure l’exposition de onze monochromes bleus parfaitement identiques, qui, prétend-il plus tard, sont alors affichés et vendus à des prix différents. Qui cependant, de l’artiste ou du marché, est le plus arbitraire dans l’attribution des prix ? Deux réflexions s’entremêleront : l’une, théorique, sur le cas d’école que nous livre Klein en matière de valorisation et d’évaluation d’une oeuvre d’art multiple, à l’aune de la pensée économique sur la valeur ; l’autre, plus historique, examinera la destinée réservée par le marché à ces oeuvres en série.
Julie VERLAINE
Bon à jeter, donc inestimable ? Exposer le rebut en galerie dans les années 1960
L’étude des textes de catalogues d’expositions des Nouveaux Réalistes, écrits dans les années 1960 et 1970 par des critiques et des marchands, permet d’observer les arguments fondateurs de la valeur symbolique de ces oeuvres. En avançant la nécessité de créer de nouveaux critères d’appréciation de l’art, les critiques et marchands ont d’abord dissocié la valeur d’une oeuvre de la qualité de ses matériaux, pour ensuite souligner la démarche des artistes comme fondamentale dans la société industrielle et mercantile de ces années.
Jacinto LAGEIRA
Transvaluation et invaluation
Le “capitalisme esthétique” et la “révolution culturelle libérale” prônent un relativisme de la valeur, un “tout se vaut” permettant de transformer toute oeuvre d’art en une marchandise qui s’échange selon un fonctionnement “dérégulé” du marché. Il est désormais nécessaire de penser une axiologie intégrant le concept de valeur dans une acception ouverte, i.e qui retrouve les liaisons entre devoir-être et fait. Il s’agira de poser la valeur de manière pratico-morale qui, tout en introduisant une valeur d’usage utilitaire, ne s’y réduit pas si elle maintient sa valeur immatérielle. Il ne peut y avoir de dichotomie des faits et des valeurs, car les significations que nous donnons aux faits et aux valeurs sont liées par la double entité du sémantique : à la fois matériel et immatériel.
Gabriel GEE
Valeur instrumentale et valeur résistante dans l’art contemporain du Nord de l’Angleterre
Dès la fin de la seconde guerre mondiale, les grandes conurbations du Nord de l’Angleterre ont connu un déclin de leurs industries traditionnelles. Leur réactivation a été pensée par le gouvernement conservateur de Margaret Thatcher comme la mise en valeur de l’entreprenariat, de l’efficacité managériale et des lois du marché. Les pratiques des arts contemporains de ces régions ont été confrontées à ce processus de désindustrialisation et de redynamisation. En partant de l’arrivée des politiques “noélibérales” au début des années 1980, nous chercherons à relever les rapports entre des valeurs “instrumentales” et “résistantes” dans la production et la diffusion des arts du nord de l’Angleterre. Si les années 1990 sont marquées par une hégémonie de la valeur instrumentale sur une valeur résistante, ne peut-on néanmoins relever, l’émergence d’une exploitation plus autonome et régionale de cette valeur instrumentale ?
Marc LENOT
Construction et refus de la valeur : l’exemple du photographe tchèque Miroslav Tichý
Miroslav Tichý, d’abord considéré comme artiste outsider, est reconnu comme artiste contemporain depuis le début des années 2000. L’analyse des textes qui y font référence révèle six paramètres d’élaboration de la valeur de son travail : le personnage, son apprentissage expérimental, le contexte socio-politique de sa pratique, le sujet de ses photographies et son processus de production artistique. Ces six paramètres sont employés dans des propositions différentes, selon qu’il s’agit de situer l’artiste du côté de l’Art brut ou dans le champ de l’art contemporain.
Léo MARTINEZ
Le Rôle de l’exposition dans la valorisation de la photographie, l’exemple du Printemps de Cahors et de la photographie plasticienne
Au début des années 1991 la photographie contemporaine est l’objet d’un regain d’intérêt qui se manifeste par la mise en place d’outil de diffusion, la multiplication et le succès d’expositions, comme le Printemps de Cahors à partir de 1991. Cet exemple permet d’examiner comment le processus d’exposition permet de légitimer et de valoriser non seulement des artistes, mais aussi un ensemble de pratiques, voire un médium. Afin de pouvoir appréhender la photographie plasticienne, il convient de l’historiciser, et donc relativiser le discours légitimant en rappelant qu’il n’a de sens que par référence à un état déterminé du monde de l’art.