Marianne Lanavère : Matières à paysage – Champs d’imaginaires
Michèle Atchadé
À travers un entretien, Marianne Lanavère, aujourd’hui directrice du centre d’art et du paysage de Vassivière, analyse la place du paysage issu du Romantisme, dans le champ élargi de la sculpture et de l’installation contemporaines. Dans ses choix curatoriaux, au croisement de l’art conceptuel, processuel et des œuvres à protocole, le paysage donne matières à certaines pratiques artistiques. Dans leur production, leur échelle, et leur devenir, les œuvres sont autant de cosmogonies ; matérialistes en un certain sens, conscientes de leur inscription dans les cycles de la terre.
La solidification du vide de Rachel Whiteread : l’invisible se matérialise
Pamela Bianchi
À travers une relecture multidisciplinaire de l’œuvre de Rachel Whiteread, cet article s’attache à présenter la valeur objectuelle de l’espace. Ses sculptures, en justifiant l’absence avec une présence, dévoilent matériellement la solidification du vide. La comparaison avec Daniel Libeskind et Peter Eisenman enrichie la réflexion : si dans les années 1960 nous avons assisté à la « dématérialisation » de l’art, maintenant nous faisons face à la matérialisation de l’invisible, ce n’est pas l’art qui se rend invisible, mais c’est l’invisible qui devient art, en prenant forme.
La pensée rematérialisée du projet en design. Normal Studio, Martin Szekely, Konstantin Grcic
Claire Davril
Discipline de la conception, le design semble par définition attaché à un type de pensée en amont de la production. Cet article vise à remettre en question la nature purement idéale du projet, et à questionner la hierarchie, l’ordre, mais aussi la netteté de limites entre moments conceptuels et moments de « mise en matière ». Par le travail emblématique de 3 studios de design, mais aussi par les écrits de François Dagognet, c’est la possibilité d’une part objectivable et « collaborante » de la matière et d’une « pensée par la matière » qui s’esquisse.
L’Art conceptuel n’existe pas
Fred Guzda
Sous le titre — légèrement provocateur — L’Art conceptuel n’existe pas, on posera la question de la matérialité de l’œuvre à partir de ce qui, pratiquement aussi bien que théoriquement, est censé s’y opposer : les œuvres et les textes associés à l’art et aux artistes conceptuels, dont Joseph Kosuth au premier chef. Face à la hiérarchie qui relègue l’œuvre au rang d’une détermination secondaire au profit de sa dimension spéculative supposée autonome et prioritaire, on opposera le rôle majeur de son exposition, afin d’avancer l’hypothèse qu’au lieu d’écarter toute donnée matérielle au profit du concept, de telles œuvres ont plutôt contribué à lui ménager un accès au sensible, dont elles ont corrélativement élargi le territoire.
Bioart et néo-matérialisme
Anna Longo
La dématérialisons de l’art est un phénomène qui partage avec la philosophie des sciences de matrice analytique certaines assomption théoriques concernant le langage et la connaissance du réel. En partant des œuvres de bioart d’Eduardo Kac, Genesis et The eighthday, je souhaite questionner le rapport entre la rematérialisation de l’art et le récent approche scientifique néo-matérialiste qui peut être considéré une solution originale du rapport entre causalité et liberté.
L’Architecture organique de la Gue(ho)st House
Aurélie Michel
L’attention portée à la matière va de pair avec le développement de techniques qui singularisent les formes de l’art contemporain. Le traitement du matériau comme une chair vivante, malléable, effectue de fait, des connexions entre la substance de l’œuvre et la dimension physique du corps. La commande publique réalisée par Christophe Berdaguer & Marie Péjus sur le site du centre d’Art Contemporain La Synagogue de Delme utilise le vocabulaire organique comme affirmation de la singularité d’un lieu. À partir d’une architecture existante, les artistes élaborent une entité dont la membrane blanche épaisse et dégoulinante produit un impact considérable sur l’environnement.
De Dieter Roth à Michel Blazy, le protocole en question
Camille Paulhan
Cet article propose de reconsidérer le travail de Michel Blazy à la lumière de celui de son aîné Dieter Roth, en historicisant la production de l’artiste contemporain à travers les expérimentations de Roth dans les années 1970. La matérialité des œuvres organiques de Blazy sera ainsi discutée à partir de la question du protocole et du rapport que les institutions entretiennent avec de telles créations.
Ce que la reprise fait à l’œuvre chorégraphique / Invention et subversion de la reprise en danse contemporaine.
Marie Quiblier
Si l’année 1993 correspond à un moment décisif où les projets du Quatuor Knust et des Carnets Bagouet mettent en exergue la problématique de la reprise dans le champ chorégraphique français, les années 2000 sont marquées par la recrudescence et le polymorphisme des pratiques citationnelles. De la citation à la reconstitution, en passant par la variation, la recréation et l’hommage, la reprise est récurrente, prolifique et composite. Ni genre, ni style, ni attitude, la reprise est un geste qui offre des résolutions multiples. En revanche, au-delà de sa disparité, elle actualise une mutation substantielle des pratiques dans le champ chorégraphique des années 2000, en termes de création et de diffusion de l’œuvre chorégraphique.
La rematérialisation de la performance poétique, une conception de l’équilibre dans l’appréhension de l’œuvre d’art
Laura Vazquez
La poésie performative permet le dessaisissement de la matière livresque sur la poéticité et incorpore la matérialité consciente du corps et de ses substrats implicites. Au regard de l’œuvre des poètes performers Henri Chopin et Serge Pey, nous rendrons compte d’un retour au matériau primitif dans une approche empirique de l’action poétique. La mise en relation des réflexions de Christian Prigent et d’Henri Dagognet nous conduiront à penser la conception d’un équilibre dans la performance et son dispositif expérientiel.