Paris 8 - Université des créations

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Collection Extrême-Orient - Extrême-Occident
Nombre de pages : 220
Paru le : 10/06/2014
EAN : 9782842924041
Première édition
CLIL : 4036 Asie
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842924041

Version numérique
EAN : 9782842924928

Mobilité humaine et circulation des savoirs techniques (XVII-XIXe siècles)

N°36/2013

Quel est le rôle de la mobilité humaine dans la dynamique des savoirs en Asie ? Un éclairage nouveau sur la circulation des savoirs au sein de l’espace impérial chinois.

Les études rassemblées ici analysent le rôle de la mobilité humaine dans la dynamique spatiale des savoirs en Asie orientale entre le xviie et le xixe siècles. Que ce soit à l’échelle de l’individu ou celle des groupes professionnels, l’étude de l’itinéraire de savants versés dans des domaines techniques, pris dans sa dimension géographique, apporte un éclairage nouveau sur la circulation des savoirs à l’intérieur de l’espace impérial chinois, à l’échelle régionale et à l’échelle mondiale.

I. Itinéraires dans l’espace chinois

La carrière de Mei Wending (1633-1721) et le statut des sciences mathématiques dans le savoir lettré
Catherine Jami

Les traductions de F.-X. Dentrecolles (1664-1741), missionnaire en Chine : localisation et circulation des savoirs
Wu Huiyi 

II. Relations diplomatiques et circulation des livres

Journey of the Modest Astronomers: Korean Astronomers’ Mission to Beijing in the Seventeenth and Eighteenth Centuries
Lim Jongtae 

Commerce des livres et diplomatie : la transmission de Chine et de Corée vers le Japon des savoirs médicaux liés à la pratique de l’acuponcture et de la moxibustion (1603-1868)
Mathias Vigouroux

 

III. Industrialisation et innovation

Shimomura Kôtarô (1863-1937) and the Circulation of Technical Knowledge Between the United States, Japan, and Belgium
Aleksandra Majstorac Kobiljski

 

IV. Regards extérieurs

Revisiting the Social Theory and History of Science in Early Modern South Asia and Colonial India
Dhruv Raina

La loupe et le miroir
Christian Jacob

Catherine Jami
La carrière de Mei Wending (1633-1721) et le statut des sciences mathématiques dans le savoir lettré

Cet article montre qu’il y eut quatre grandes étapes déterminantes dans l’itinéraire et la carrière de Mei Wending, spécialiste de sciences mathématiques, et analyse ce que ces étapes doivent à certains traits de l’État et de la société des Qing : le système des examens de recrutement, le patronage impérial des savoirs, reproduit par les hauts fonctionnaires et la mobilité géographique de ces derniers. Les liens entre certaines caractéristiques des lieux de savoir où a séjourné Mei et son œuvre— l’écriture et la circulation des ses nombreux traités sont mis en lumière afin de montrer comment il finit par être reconnu comme « un grand mathématicien et astronome » alors même que les disciplines dans lesquelles il se spécialise acquièrent le statut de savoirs lettrés.

 

Wu Huiyi
Les traductions de F.-X. Dentrecolles (1664-1741), missionnaire en Chine : localisation et circulation des savoirs

Cet article propose d’examiner les contributions savantes du jésuite français François-Xavier Dentrecolles – l’un des missionnaires les plus prolifiques et éclectiques qui aient travaillé en Chine dans la première moitié du XVIIIe siècle – en rapport avec son itinéraire géographique. Formé dans la Province jésuite de Lyon, après son arrivée en Chine il travailla pendant vingt ans dans les provinces du Fujian et du Jiangxi, puis pendant vingt ans à Pékin. Son œuvre a la caractéristique d’être essentiellement traduite des sources chinoises, et son itinéraire, celle de n’être jamais passé par la cour impériale. La mise en regard de ces deux éléments permet de réfléchir sur les conditions de production et de circulation des savoirs sur la Chine dans le contexte de la mission catholique, ainsi que les limites de cette circulation.

 

Lim Jongtae
Le voyage des astronomes modestes : la mission des astronomes coréens à Pékin aux xviie et xviiie siècles

Cet article s’intéresse aux astronomes de cour coréens qui se sont rendus à Pékin aux xviie et xviiie siècles. Conditionnés par la hiérarchie politique et épistémique entre les deux pays, les astronomes coréens allaient à Pékin pour y acquérir les secrets des calculs astronomiques détenus par le Bureau de l’astronomie des Qing. Ces voyages, riches en opportunités et en déception, devinrent un élément central dans la construction par les astronomes coréens de leur propre image. Ils se représentaient modestement comme les astronomes d’un « État marginal » qui ne pouvaient être compétents dans leur domaine sans effectuer des pèlerinages à la métropole impériale. Cette rhétorique de modestie reflète la position conflictuelle des astronomes officiels coréens, qui ne pouvaient promouvoir leurs intérêts socio-culturels qu’en niant leur capacité à être compétents par eux-mêmes dans leur domaine.

 

Mathias Vigouroux
Commerce des livres et diplomatie : la transmission de Chine et de Corée vers le Japon des savoirs médicaux liés à la pratique de l’acuponcture et de la moxibustion (1603-1868)

Les archives des entrepôts de Nagasaki et la transcription des conversations entre médecins chinois et coréens d’une part et médecins japonais d’autre part mettent en lumière les différents canaux par lesquels le savoir médical circula de la Chine et la Corée vers le Japon à l’époque d’Edo (1603-1868). Les textes plus que les hommes jouèrent un rôle important dans la transmission des savoirs liés à la pratique de l’acuponcture. Les médecins chinois ou coréens qui se rendirent au Japon ne contribuèrent pas directement à la diffusion de l’acuponcture. Peu de questions portent sur le sujet dans leurs entretiens avec les médecins japonais et leurs réponses font surtout apparaître des divergences sur la manière d’interpréter les classiques chinois ou sur l’emploi des aiguilles d’acuponcture. Plusieurs conservations révèlent néanmoins que certains savoir-faire, tels que la prise des pouls ou certaines techniques de poncture, furent transmis oralement plutôt que par les textes.

 

Aleksandra Majstorac Kobiljski
Shimomura Kôtarô (1863-1937) et la circulation des savoirs techniques entre les États-Unis, le Japon et la Belgique

À travers la carrière du chimiste et ingénieur Shimomura Kôtarô, cet article explore l’intersection entre un itinéraire individuel et les début de la cokéfaction avec récupération des sous-produits au Japon au tournant du XXe siècle. Formé au Japon puis aux États-Unis, Shimomura a adapté au traitement du charbon japonais, à haute teneur volatile, des fours importés de Belgique, conçus pour traiter les charbons extraits en Europe. En analysant la manière dont les savoirs et l’expertise liés à la production du coke ont circulé, on peut montrer que dans ce cas précis le mouvement des techniques s’est accompagné d’une part significative d’innovation. Sur la base d’archives récemment découvertes et inexploitées, cet article s’interroge également sur le rôle des ingénieurs et de l’innovation dans l’industrialisation de l’époque Meiji (1868-1912).

 

Dhruv Raina
Retour sur la théorie sociale et l’histoire des sciences dans l’Asie du Sud de la première modernité et l’Inde coloniale

Les historiographies des sciences en Asie ont connu un changement majeur au cours des trois dernières décennies, changement inspiré par ceux de la théorie sociale des sciences, par un fort contextualisme et par le développement des recherches en histoire locale. Ce changement résulte aussi des interactions entre théorie sociale et pratique historique. En réponse à la question du rôle des « itinérants » —lettrés, missionnaires, fonctionnaires ou savants—, dans la circulation et la transmission des savoirs en Asie orientale, cet essai se tourne vers l’Asie du Sud, et tente d’en esquisser le paysage de la circulation des savoirs dans cette région au cours de la première modernité et de la période coloniale. Dans une seconde partie, la traduction des mathématiques modernes dans l’Inde coloniale est prise comme exemple pour illustrer les différentes stratégies de légitimation de nouveaux savoirs dans différents contextes culturels et nationaux.

 

Christian Jacob
La loupe et le miroir

L’histoire des savoirs est une discipline neuve, qui se développe au carrefour des humanités et des sciences sociales. Aux grandes généralisations et aux paysages diachroniques, elle préfère les études de cas, focalisées sur des lieux, des personnages, des moments particuliers. Les études de cas permettent cependant de réfléchir sur les objets même de l’histoire des savoirs, sur ses enjeux, sur ses formes de problématisation. Ces notes tentent de formuler quelques unes des  questions théoriques découlant des textes réunis dans ce numéro d’Extrême-Orient, Extrême-Occident et d’en souligner les apports pour un historien des savoirs travaillant sur d’autres aires culturelles.

Catherine Jami
Mei Wending’s (1633-1721) Career and the Status of the Mathematical Sciences as a Field of Learning

This paper shows that there were four major stages in the career of Mei Wending, a specialist in the mathematical sciences, and consequently analyses how these stages where shaped by certain features of the early Qing state and society: namely, the civil examination system, imperial patronage of learning, which was itself emulated by high officials, as well as these officials’ geographical mobility. The links between certain characteristics of the sites of knowledge where Mei lived and his work—the production and circulation of his many treatises—are highlighted so as to show how he was finally recognized as “a great mathematician and astronomer” just at the time when the disciplines in which he specialized were gaining the status of scholarly learning.

 

Wu Huiyi
The Translations of F.-X. Dentrecolles (1664-1741), Missionary in China: Locality and the Circulation of Knowledge

This article examines the scholarly contribution of the French Jesuit François-Xavier Dentrecolles—one of the most prolific and eclectic missionaries who worked in China during the first half of the eighteenth century—in relation to his geographical itinerary. Trained in the Jesuit Province of Lyon, he worked for twenty years in the provinces of Fujian and Jiangxi after his arrival in China; he then spent another twenty years in Beijing. His work mainly consists in translations of Chinese sources, and his itinerary did not include the Chinese court. Confronting these two facts enables us to reflect on the conditions of the production and circulation of knowledge about China in the context of the Catholic mission, as well as on the limits of this circulation.

 

Lim Jongtae
Journey of the Modest Astronomers: Korean Astronomers’ Mission to Beijing in the Seventeenth and Eighteenth Centuries

This article focuses on the Korean court astronomers who made their journeys to Beijing in the seventeenth and eighteenth centuries. Conditioned by the politico-epistemic hierarchy between the two countries, Korean astronomers traveled to Beijing with their mission to acquire the secrets of astronomical calculation possessed by the Qing Bureau of Astronomy. In the course of the journeys that offered the Korean astronomers both frustrations and opportunities, the author argues that traveling to the metropolitan center became crucially incorporated into their self-portrait. They presented themselves modestly as the astronomers of a “marginal state,” who could not expect to be competent in their specialty without making pilgrimages to the imperial metropolis. This rhetoric of modesty reflected the conflicted position of the Korean official astronomers, who could promote their sociocultural interests only by negating their ability to be competent in their specialty on their own.

 

Mathias Vigouroux
Book Trade and Diplomacy: The Transmission of Medical Knowledge Related to Acupuncture and Moxibustion from China and Korea to Japan (1603-1868)

The archives of the Nagasaki trade and the transcription of the conversations between Chinese and Korean physicians on the one hand and Japanese physicians on the other provide information about the different channels through which medical knowledge circulated from China and Korea to Japan during the Edo period (1603-1868). Texts rather than men played an important role in the transmission of knowledge related to the practice of acupuncture. The Chinese and Korean physicians who went to Japan did not contribute directly to the diffusion of acupuncture. Only a few questions on this topic were asked in their conversations with Japanese physicians, and their answers mainly reveal differences in the interpretation of the Chinese classics or in the use of acupuncture needles. However, several conversations show that certain know-how, such as pulse diagnostic or some puncture techniques, were transmitted orally rather than by texts.

 

Aleksandra Majstorac Kobiljski
Shimomura Kôtarô (1863-1937) and the Circulation of Technical Knowledge Between the United States, Japan, and Belgium

Using the career of the Japanese chemist and engineer Shimomura Kôtarô as its focus, this article explores the intersection of an individual itinerary and the beginnings of byproduct coking in Japan at the turn of the twentieth century. Trained in Japan and then in the United States, Shimomura adapted coking ovens designed to process coal extracted in Europe to the processing of Japanese coal, which had a higher volatile content. By analyzing the way in which knowledge and expertise of the manufacture of coke traveled, it can be shown in this particular case the circulation of technology involved a signficant degree of innovation. Based on recently discovered and hitherto unstudied archival material, this article seeks to raise the question of the place of engineers and innovation in Meiji period industrialization (1868-1912).

 

Dhruv Raina
Revisiting the Social Theory and History of Science in Early Modern South Asia and Colonial India

Historiographies of the sciences in Asia have undergone a major revision over the last three decades—inspired by changes in the social theory of science, a robust contextualism, and growing scholarship in local histories. These revisions have equally been an outcome of the mutual shaping of social theory and historical practices. Responding to the role of  “itinerants,” be they scholars, missionaries, officials, or scientists in the circulation and transmission of knowledge in East Asia, the present essay synchronously moves to the geographical region of South Asia and attempts to draw the landscape of the circulation of knowledge in early modern and colonial South Asia. In the second part, it briefly instantiates the process of translation of modern mathematical knowledge in colonial India, illustrating the different strategies of legitimation of new knowledge in varied national and cultural contexts.

 

Christian Jacob
The Magnifying Glass and the Mirror

History of knowledge is a new discipline, one which has developed at the intersection of the humanities and the social sciences. Rather than broad generalisations and diachronic landscapes, this discipline works by case studies, focussing on particular times, places, and persons. Case studies, however, enable one to reflect on the objects, stakes, and modes of problematization of the history of knowledge. The notes proposed here attempt to formulate some of the theoretical questions stemming from the studies included in this issue of Extrême-Orient, Extrême-Occident, and to underline what can offer to a historians working on other cultural areas.

Extrême-Orient, Extrême-Occident, 36 – 2013

Introduction

Catherine Jami1

L’étude de l’histoire des sciences, des techniques et de la médecine en Asie orientale reste marquée par l’œuvre fondatrice de Joseph Needham (1900-1995) consacrée à la Chine2. Empruntant une métaphore à la chimie, Needham s’est proposé de travailler à un « titrage » des civilisations, autrement dit une évaluation des contributions de chacune d’entre elles au patrimoine des savoirs scientifiques et techniques de l’humanité3. Non seulement il a ainsi montré la richesse de l’histoire chinoise dans ce domaine, mais il a réfuté l’idée, dominante au milieu du xxe siècle, que la science ait jamais été une caractéristique ou un monopole de la seule Europe. Les conclusions de Needham sur ce dernier point sont aujourd’hui considérées comme un acquis sur la base duquel la recherche continue à avancer. Quant à l’évaluation de « la contribution chinoise » aux sciences, qui prend souvent la forme d’un inventaire de priorités dans la découverte, elle entre dans le cadre d’une historiographie « nationale », voire nationaliste. À cet égard il faut rappeler une évidence : c’est en Chine que travaillent la très grande majorité des historiens des sciences chinoises. Ces dernières années pourtant, le domaine a suivi l’évolution de l’histoire des sciences en général : visant à se situer en dehors de toute querelle de priorité et d’évaluation comparée des nations ou des civilisations, certains historiens ont choisi de concentrer leur attention sur la circulation des savoirs plutôt que sur les découvertes et les inventions. C’est l’un des choix qui président à l’élaboration du présent numéro d’Extrême-Orient Extrême-Occident.

Needham a utilisé une autre métaphore, empruntée cette fois à l’embryologie, raisonnant en termes de facteurs qui ont favorisé ou inhibé le développement des sciences en Chine4 ; il lui semblait en effet nécessaire d’expliquer pourquoi la science moderne ne s’était pas développée de manière endogène en Chine, alors que, selon lui, les connaissances scientifiques et techniques y avaient connu un essor sans parallèle pendant plus d’un millénaire. Cette dernière question a fait couler beaucoup d’encre, surtout en Chine même5 ; aujourd’hui on pourrait la considérer plus comme un « catalyseur » de l’œuvre de Needham – pour emprunter un autre terme à la chimie – que comme un problème auquel il existe une solution pouvant faire l’objet d’un consensus. Cependant, la manière dont la société et la culture chinoises ont, à divers moments de leur histoire, influencé la formation et la circulation des savoirs reste un objet d’étude pertinent. Needham avait notamment suggéré que la structure de la société chinoise, qu’il a caractérisée comme « bureaucratico-féodale », et l’idéologie confucéenne qui aurait dominé celle-ci auraient « favorisé dans un premier temps le développement de la connaissance de la nature », mais par la suite « empêché l’apparition du capitalisme et de la science moderne »6. Sans reprendre ni les termes ni le jugement négatif contenus dans cet énoncé, il reste pertinent de s’interroger sur le rôle qu’a joué la fonction publique dans l’histoire des savoirs scientifiques et techniques, sinon tout au long de la période impériale (221 AEC-1911 EC), du moins dans la forme sous laquelle cette fonction publique s’est constituée à partir de la dynastie Song (960-1279)7. Il est en effet aujourd’hui admis que c’est sous cette dynastie que la bureaucratie a acquis un rôle prépondérant dans l’État chinois. Cette restriction temporelle – qui nous laisse tout de même face à une période d’un millénaire – illustre le fait que l’on hésite aujourd’hui davantage qu’à l’époque de Needham à raisonner en des termes si généraux qu’ils amèneraient à traiter la période impériale chinoise comme un tout homogène.

Au cours des deux dernières décennies, l’échelle spatiale de l’analyse historique a elle aussi changé : les études « locales » se multiplient, et les comparaisons se font entre des entités plus petites que des continents ou des empires. Par exemple, lorsque Kenneth Pomeranz cherche à expliquer la « grande divergence » entre diverses parties de l’Eurasie que représente à ses yeux le développement industriel que connaît l’Europe du Nord-ouest au xixe siècle, il compare notamment l’Angleterre et le bassin inférieur du Yangzi8. Son projet d’une histoire mondiale construite à partir d’entités régionales s’appuie sur un grand nombre de travaux d’histoire locale économique portant sur telle ou telle région de Chine. L’échelle locale, qui occupe une importance croissante pour les historiens, a été encore peu explorée par les historiens des sciences travaillant sur l’Asie orientale, en dehors de certaines études portant sur la médecine9. Pour les autres domaines, notamment celui des sciences mathématiques, les comparaisons entre diverses régions du monde s’appuient encore rarement sur une localisation géographique fine des sources. Pour la période ancienne, la langue dans laquelle sont écrites les sources issues de la tradition textuelle (chinois classique, sanskrit, arabe classique, grec ancien, latin…) est souvent prise comme caractérisation de leur provenance ; et dans bien des cas, c’est en effet le meilleur, voire le seul indice disponible en la matière10. Pour les quatre derniers siècles, en revanche, l’abondance des sources se rapportant à des localités particulières permet de situer de manière beaucoup plus précise la production et la circulation des savoirs. L’enjeu de cette localisation n’est pas seulement affaire de coordonnées cartographiques : la structuration de l’espace est politique, culturelle et sociale.

Prenant acte de ces évolutions historiographiques, et s’inspirant de la réflexion sur la géographie des savoirs menée dans le premier volume des Lieux de savoir11, le projet « Itinéraires individuels et circulation des savoirs scientifiques et techniques en Chine moderne (xvie-xxe siècles)12 » s’est donné pour objectif d’étudier le lien entre les parcours de divers acteurs et la circulation des savoirs. En effet, à partir d’une réflexion sur le rôle de la bureaucratie dans la circulation des savoirs techniques s’est imposé le constat d’une mobilité spécifique des élites, liée au système de recrutement et de nomination des fonctionnaires impériaux : ceux-ci se rendaient d’abord au chef-lieu de leur district natal, puis à la capitale de leur province, et enfin à Pékin pour les examens successifs ; il étaient ensuite nommés à des postes dans d’autres provinces que celle dont ils étaient originaires, et changeaient en principe d’affectation tous les trois ans. Le rôle de ces fonctionnaires dans la diffusion de certaines connaissances, notamment dans le domaine de l’agriculture, est bien connu13. Cependant, dans les derniers siècles de l’empire, ils ne représentaient qu’une minorité des élites lettrées, lesquelles n’étaient d’ailleurs pas les seules porteuses de savoir. Il a donc paru pertinent, et même nécessaire, d’étendre l’étude au-delà du seul groupe des fonctionnaires, l’élite la plus « visible » à travers les sources historiques, à plusieurs groupes socio-professionnels. Cela devait permettre à la fois d’éviter l’écueil d’une histoire des savoirs qui ne prendrait en compte que cette élite et de donner une place plus large à certains savoirs dont la dynamique spatiale pouvait obéir à des logiques différentes de celle des carrières des fonctionnaires impériaux.

Portant sur une période au cours de laquelle certaines personnes et certaines connaissances ont circulé à une échelle intercontinentale, laissant de nombreuses traces dans les sources historiques, le projet s’est d’abord centré sur des acteurs dont l’itinéraire est situé au moins en partie dans l’espace impérial chinois14. Au cours du travail, il est cependant apparu que la problématique méritait d’être étendue à l’Asie orientale, pour deux raisons : d’une part, deux autres pays de la région, la Corée et le Vietnam, possédaient des administrations modelées sur celle de la Chine ; d’autre part, la mobilité à l’échelle régionale doit logiquement être prise en compte entre les échelles locale et globale. Les articles rassemblés dans le présent numéro d’Extrême-Orient Extrême-Occident donnent ainsi à voir des acteurs ou des connaissances qui ont circulé à travers des frontières politiques et linguistiques. Le pari est ainsi de construire, à partir d’un trait qui caractérise non seulement la Chine impériale tardive mais aussi certains de ses voisins, une problématique qui puisse être pertinente à des échelles multiples. Cela permettrait notamment d’intégrer, à partir du terrain familier aux spécialistes de l’Asie orientale, l’étude des échanges régionaux et celle des contacts suivis qui s’établissent entre celle-ci et l’Europe à partir du xvie siècle, notamment par l’entremise des missionnaires jésuites. Envisageant ces contacts sur tout le spectre qui va des croyances religieuses aux connaissances techniques en passant par les représentations du monde et les arts, les historiens ont longtemps pensé ceux-ci à la même échelle que les études comparées évoquées plus haut. Beaucoup d’entre eux ont ainsi décrit une rencontre, une confrontation entre deux entités (l’Europe et la Chine, ou l’Europe et le Japon, voire l’Orient et l’Occident) supposées présenter une homogénéité forte chacune de son côté, et se différencier l’une de l’autre par des incompatibilités fondamentales15. Ici encore, l’apport de cette historiographie est indéniable, mais il convient aujourd’hui d’aller plus loin : peut-on construire une histoire mondiale des savoirs à l’époque qui nous intéresse, qui ne soit pas calquée sur le récit de l’expansion maritime européenne et des « découvertes » qui l’accompagnent, mais qui s’ancre plutôt dans l’expérience historique d’une autre région du monde ? L’objectif qu’on peut se fixer n’est pas de substituer une narration à une autre, mais d’assumer la multiplicité des narrations. Tout en reconnaissant le caractère expérimental d’une telle démarche, il nous semble qu’elle vaut la peine d’être tentée. C’est là l’une des motivations de l’approche mise en œuvre ici. Mais cette approche passe aussi par la lecture minutieuse de nos sources, y compris dans ce qu’elles ont de plus technique. Les lecteurs trouveront donc dans les pages qui suivent des éléments pouvant servir à la construction d’une nouvelle historiographie, plutôt qu’un édifice livré clés en main.

L’ordre et la structure suivant lesquels sont agencés les articles de ce numéro portant sur l’Asie orientale reflètent la démarche et les préoccupations qui viennent d’être évoquées. Ils sont répartis selon trois thèmes. Dans un premier temps, deux études sont consacrées à des personnages dont la carrière savante s’est déroulée dans l’espace chinois, l’une parfaitement représentative de la mobilité des lettrés, l’autre obéissant à la logique bien différente de la mission catholique. Dans un deuxième temps, nous suivons les itinéraires de savoirs astronomiques dans un cas, médicaux dans l’autre, véhiculés tant par des livres que par des spécialistes à travers les frontières entre les pays de l’Asie orientale. Enfin, la trajectoire d’un chimiste devenu ingénieur permet d’aborder la mobilité intercontinentale qui se développe tout à la fin de la période qui nous intéresse.

Les lieux successifs où se déroule la vie savante de Mei Wending (1633-1721), candidat malheureux à l’examen provincial à plusieurs reprises et spécialiste de sciences mathématiques, auraient pu servir de cadre à la carrière d’un haut fonctionnaire. Mais pour lui, Nankin, d’abord centre de l’examen provincial triennal, devient un lieu de résidence prolongée et de rencontre avec d’autres savants partageant son intérêt pour ces sciences. Il se rend ensuite à Pékin en lien non pas avec l’examen métropolitain, mais avec un projet éditorial impérial : il y contribue à la compilation des chapitres de l’Histoire des Ming (Mingshi) consacrés au système astronomique Datong, sur la base duquel était calculé le calendrier sous cette dynastie. C’est ainsi un projet éditorial commandité par l’empereur Kangxi (r. 1662-1722), et dont ce dernier s’est servi pour faire entrer à son service de brillants lettrés, qui occasionne le séjour de Mei à la capitale. Sa renommée parmi les hauts fonctionnaires ne suffit pourtant pas à le faire entrer au service de l’empereur. Ce dernier, fort des connaissances scientifiques qu’il a acquises auprès des jésuites, porte sur la compétence de Mei un jugement sévère. C’est en qualité d’hôte du Gouverneur du Zhili, chez lequel il enseigne les mathématiques, que Mei poursuit sa carrière. La reconnaissance impériale lui est finalement accordée sous la forme d’une audience avec Kangxi, qui avait révisé son opinion après avoir lu un traité de Mei. Si ce dernier a entrepris d’autres voyages que ceux qui marquent les étapes de sa carrière, il précise lui-même que c’était dans le but de rencontrer des savants versés comme lui en sciences mathématiques et d’avoir accès, par leur intermédiaire, à certains traités. Lorsqu’il se retire enfin, sa renommée dans ces domaines est telle que de nombreux lettrés viennent le consulter. Ainsi sa résidence, située en milieu rural, est-elle instituée en lieu de savoir – qui ne durera que jusqu’à sa mort ; c’est la marque non seulement de sa consécration, mais aussi de la reconnaissance croissante des sciences mathématiques comme relevant des savoirs lettrés.

Si l’itinéraire de François-Xavier Dentrecolles (1664-1741), entré dans la Compagnie de Jésus en 1682, commence en France, dès lors qu’il arrive Chine en 1699, ce sont exclusivement les besoins de la mission qui guident ses pas. Jusqu’ici, les historiens des sciences qui ont étudié cette mission et les échanges de savoirs entre l’Europe et la Chine qu’elle a portés se sont surtout intéressés à l’activité savante de la petite minorité de jésuites qui ont travaillé à Pékin en tant qu’astronomes, savants et artistes de cour. Or la mobilité de ceux-ci répondait davantage aux besoins impériaux qu’à ceux de la mission16 ; la majorité des jésuites, censés se consacrer exclusivement à l’évangélisation, sont étudiés surtout en tant qu’acteurs de l’histoire du christianisme en Chine. La manière dont les savoirs européens sur la Chine se sont construits sur le terrain de la mission reste donc assez peu connue ; c’est cette lacune que contribue à combler l’étude proposée par Wu Huiyi. Dentrecolles a travaillé au Jiangxi pendant vingt ans, notamment à Jingdezhen ; cette situation géographique a fait de lui l’informateur privilégié de l’Europe au sujet de la technique de la porcelaine. Il entreprend aussi de traduire certains passages d’un manuel à l’usage des fonctionnaires, donnant ainsi à connaître aux lecteurs européens le fonctionnement des écoles en Chine. À partir de 1719, Dentrecolles réside à Pékin, sans toutefois travailler à la cour. C’est l’accès à des périodiques européens conservés à la résidence jésuite, plutôt qu’aux ouvrages chinois disponibles dans la capitale, qui détermine une réorientation de son activité savante : sa lettre sur l’inoculation de la variole comme sa traduction d’un « dialogue philosophique » chinois s’inscrivent ainsi dans des débats européens. L’analyse de Wu Huiyi montre aussi que la proximité géographique, loin de garantir la circulation, s’y oppose parfois ; à l’inverse, les informateurs de Dentrecolles en Chine sont trop éloignés de ses lecteurs européens pour que les premiers aient à redouter la concurrence des seconds.

La trajectoire du spécialiste chinois de sciences mathématiques et celle du missionnaire jésuite étudiées ici ont ceci de commun qu’elles se situent entre les provinces chinoises et la capitale de l’empire Qing, tout en restant extérieures à la cour impériale ; ce, à une époque où la politique de patronage savant et les grands projets éditoriaux de l’empereur Kangxi et ses successeurs font de cette cour un haut lieu des savoirs lettrés comme des savoirs techniques. La ville appartient ainsi à – au moins – deux réseaux savants distincts. L’un, qui couvre le territoire chinois, relie entre eux fonctionnaires et savants spécialistes de domaines techniques, les premiers utilisant les seconds pour mieux servir l’empereur. L’autre, centré à Paris, inclut les missionnaires jésuites en tant qu’informateurs grâce auxquels la Chine est intégrée à un monde de plus en plus systématiquement exploré par les Européens17.

L’étude de Lim Jongtae nous donne à voir un troisième réseau ; celui-ci met en contact les fonctionnaires du Bureau de l’astronomie (Qintianjian) avec leurs homologues coréens qui font partie des ambassades régulièrement envoyées de Séoul à Pékin. Aux xviie et xviiie siècles, les astronomes coréens travaillent à s’approprier les méthodes calendaires introduites par les jésuites, qui sont mises en œuvre en Chine depuis l’avènement des Qing. Tributaire de ceux-ci, la Corée reçoit en principe leur calendrier chaque année. Mais il s’avère néanmoins nécessaire au bon fonctionnement des relations diplomatiques que les astronomes coréens soient capables d’effectuer eux-mêmes les calculs permettant à l’État qu’ils servent de disposer de son propre calendrier, et que ce calendrier s’accorde avec celui des Qing. Les obstacles à l’appropriation sont pourtant multiples : aux difficultés techniques et linguistiques s’ajoute un accès très restreint aux astronomes impériaux ; consultés à titre privé, ceux-ci aident parfois à l’achat des ouvrages qui expliquent leurs méthodes. Après avoir étudié ces ouvrages à Séoul, les astronomes coréens peuvent tenter de s’en faire expliquer certaines difficultés à l’occasion d’une ambassade ultérieure. Pékin apparaît ici comme une capitale des savoirs non plus seulement à l’échelle de l’empire, mais à l’échelle régionale, au-delà des frontières linguistiques et politiques. Ce statut de métropole détermine une hiérarchie épistémique qui se reflète dans le statut des astronomes royaux coréens, et dans la représentation ambivalente qu’ils donnent d’eux-mêmes : leur compétence, sur laquelle repose leur statut, ne peut s’acquérir dans l’autonomie, sans référence à un centre de savoir qui n’est pas la capitale de l’État qu’ils servent. Comme le souligne Lim Jongtae, le rôle de la mobilité géographique dans la construction des savoirs astronomiques à Séoul, située à la périphérie de l’Empire Qing, est inversé par rapport au rôle qu’elle joue pour la plupart des astronomes de l’époque. En effet, ce n’est pas la collecte d’observations et leur intégration à un système de savoir qui motivent le voyage des astronomes coréens, mais la mise en cohérence de leur propre système de savoir avec celui de la métropole dans laquelle ils se rendent.

Dans les domaines techniques comme dans les études classiques, ce ne sont pas les personnes mais les textes qui constituent le principal véhicule de circulation. Prenant pour objet d’étude non plus un acteur ou plusieurs acteurs, mais un domaine du savoir médical, Mathias Vigouroux analyse l’importation au Japon des connaissances liées à l’acuponcture et à la moxibustion à l’époque d’Edo (1603-1868). Ces pratiques connaissent alors un renouveau au Japon, tandis que l’entrée des livres et des personnes y est strictement limitée. L’étude quantitative des ouvrages importés montre que leur choix est déterminé non par le prestige dont ils jouissent en Chine, mais par les besoins et intérêts des médecins japonais ; ceux-ci sont également à l’origine d’éditions augmentées des textes importés. La Corée joue surtout ici un rôle d’intermédiaire dans la transmission des savoirs chinois. Comme ce fut le cas en Chine pour les astronomes, les relations diplomatiques établies entre la Corée et le Japon permirent l’envoi de médecins coréens, qui traitaient des patients et échangeaient avec leurs collègues japonais ; mais ici les envoyés jouaient souvent le rôle d’informateurs. Ils évitaient pourtant de répondre à certaines questions, notamment concernant l’acuponcture, qu’ils ne pratiquaient pas tous. Certains aspects de cette thérapie, qui sont objets d’apprentissage plutôt que d’étude, ne se transmettent que par une rencontre entre spécialistes ; ces rencontres semblent avoir joué ici un rôle de complément occasionnel de la diffusion des savoirs par l’écrit.

Ces quatre contributions confirment avant tout le rôle primordial des livres dans la transmission des savoirs scientifiques, techniques et médicaux. Cependant, qu’ils circulent à titre commercial ou soient copiés dans une bibliothèque d’accès malaisé, les livres ne suffisent pas tout à fait à assurer cette transmission ; en revanche, ils ont parfois motivé la mobilité humaine. La lecture – activité que l’on imagine sédentaire par excellence, et indifférente au lieu où elle se pratique – peut être le but d’un déplacement, ou bien en faire sentir la nécessité ; elle peut aussi être un préalable nécessaire à ce déplacement. La complexité des connaissances techniques et les limites de leur mise par écrit, fût-ce à l’aide d’illustrations, tiennent aux savoirs implicites qu’elles mettent en jeu, de deux manières. D’une part, certains des objets qu’elles utilisent – matériaux servant à la fabrication de la porcelaine, aiguilles d’acuponcture – n’y sont pas décrits de manière assez exhaustive pour permettre leur identification ou leur reproduction en tous lieux. D’autre part, certains segments des procédures décrites dans les textes – détails d’un calcul, geste de poncture – s’acquièrent non par l’étude, mais plutôt par l’apprentissage. Celui-ci nécessite à son tour soit la mobilité des détenteurs du savoir technique, soit celle des apprenants. Les frontières politiques et linguistiques limitent cette mobilité ; cela amène dans certains cas une explicitation de la part non textuelle inhérente aux savoirs techniques. Est ainsi éclairé l’un des éléments qui différencient les savoirs techniques des savoirs classiques, dont le prestige était bien plus grand en Asie orientale : les conditions du partage des savoirs implicites qui sous-tendent les uns et les autres. La maîtrise du chinois classique – la Chine restant le lieu de savoir de référence –, préalable évident à la circulation des savoirs par le véhicule des livres, était ainsi commune aux élites de tous les pays de la région. Pour les spécialistes techniques, répartis sur la même aire géographique, mais en nombre beaucoup plus restreint, la constitution de savoirs implicites communs était plus précaire, ce qui rend peut-être ceux-ci plus visibles pour les historiens. Si l’on retient cette idée, il conviendrait de s’interroger plus généralement sur le rôle de la mobilité humaine dans la construction et la circulation des savoirs lettrés en Asie orientale : cela permettrait de nuancer l’image largement répandue d’une culture toute livresque, dans laquelle l’activité savante se réduirait essentiellement à des compilations successives de textes18.

Si la Chine est alors perçue en Asie orientale comme le centre des savoirs, et la Corée comme une périphérie ou un simple intermédiaire, l’Europe se situe à la limite du champ de vision. Seuls de rares Européens sont présents à Pékin ; Mei Wending et certains astronomes coréens en mission les y ont rencontrés. Mais chacun connaît la provenance européenne des savoirs impériaux en sciences mathématiques. C’est Pékin, on l’a vu, et non Canton, grand port de commerce international, qui est le lieu privilégié d’accès aux savoirs étrangers. Au Japon en revanche, Nagasaki, port par lequel entrent les livres et autres produits commerciaux chinois, joue un rôle important comme lieu de savoir médical : si les ambassades coréennes se rendent jusqu’à Edo, un certain nombre de médecins chinois séjournent et travaillent à Nagasaki. C’est aussi là que les médecins japonais viennent, à partir du xviiie siècle, s’informer et se former auprès des médecins européens qui travaillent pour le comptoir hollandais de Dejima19. Il semble ainsi que les savoirs européens empruntent en Asie orientale les mêmes canaux par lesquels circulent les savoirs à l’échelle régionale.

L&

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Collection Extrême-Orient - Extrême-Occident
Nombre de pages : 220
Paru le : 10/06/2014
EAN : 9782842924041
Première édition
CLIL : 4036 Asie
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842924041

Version numérique
EAN : 9782842924928

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