Paris 8 - Université des créations

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Revue Médiévales. Langue Textes Histoire
Nombre de pages : 228
Langue : français
Paru le : 10/12/2015
EAN : 9782842924447
Première édition
CLIL : 3386 Moyen Age
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 240×160 mm
Version papier
EAN : 9782842924447

Version numérique
EAN : 9782842924454

Travailler à Paris (XIIIe-XVIe siècle)

N°69/2015

Paris et les statuts de ses corporations ont longtemps servi de modèle pour penser l’économie urbaine médiévale.

Ce numéro « spécial Paris au Moyen Âge», vise à reprendre la question de l’organisation des corporations parisiennes, telle qu’elle apparaît dans les règlements établis par Étienne Boileau en 1268. Les articles montrent que les règlements donnent l’illusion d’une organisation fixe alors qu’ils ne sont que la formalisation d’un rapport de force économique entre les acteurs d’une filière à un moment donné, et qu’ils visent moins à organiser la production qu’à tenir à distance les concurrents. Le dossier met ces règlements parisiens en regard des comptes et des règlements de Saint-Denis, posant la question de la diffusion du modèle parisien au-delà des murs.

Introduction

Christine Jéhanno

Le travail au Moyen Âge, à Paris et ailleurs : retour sur l’histoire d’un modèle

Caroline Bourlet
Le Livre des métiers dit d’Étienne Boileau et la lente mise en place 
d’une législation écrite du travail à Paris (fin xiiie-début xive siècle)

Marion Bernard
L’organisation du travail des armuriers parisiens, entre réglementation 
et réalité(s) de terrain (xiiie-xve siècle)

Sharon Farmer
Privilèges des métiers, l’intégration verticale et l’organisation de la production des textiles de soie à Paris aux xiiie et xive siècles

Patrick Rambourg
Pratiques alimentaires, savoir-faire et professionnalisme dans les métiers 
de bouche parisiens (fin du Moyen Âge et Renaissance)

Boris Bove
Une sombre affaire de teinturerie : organisation corporative et territoires 
de production à Saint-Denis à la fin du xive siècle

Maxime L’Héritier
Le chantier de l’abbaye de Saint-Denis à l’époque gothique

ESSAIS ET RECHERCHES

Marilyn Nicoud
L’alimentation, un risque pour la santé ? Discours médical et pratiques alimentaires au Moyen Âge

Gian Luca Borghese
Les registres de la chancellerie angevine de Naples. Un exemple de destruction  et reconstitution de sources archivistiques à travers les siècles

POINT DE VUE


Vincent Corriol

Des paysans au Moyen Âge. Réflexions autour de trois ouvrages récents


-Notes de lecture

Laurent Feller, Le Meurtre de Charles le Bon, comte de Flandres (2 mars 1127) (Valérie Toureille) ; Alexis Wilkin et Jean-Louis Kupper (dir.), Évêque et prince. Notger et la Basse-Lotharingie aux alentours de l’an Mil (Tristan Martine) ; Laurent Feller et Ana Rodríguez (dir.), Objets sous contraintes. Circulation des richesses et valeur des choses au Moyen Âge (Simone Balossino) ; Leonie V. Hicks and Elma Brenner éd., Society and Culture in Medieval Rouen 911-1300 (Élisabeth Lalou) ; Pierre Chastang, La Ville, le gouvernement et l’écrit à Montpellier (XIIe-XIVe siècle). Essai d’histoire sociale (Véronique Lamazou-Duplan) ; Nathanaël Nimmegeers, Évêques entre Bourgogne et Provence. La province ecclésiastique de Vienne au haut Moyen Âge (Ve-XIe siècle) (Fernand Peloux) ; Étienne Anheim, Clément VI au travail. Lire, écrire, prêcher au XIVe siècle (Aude Mairey) ; Debby Banham et Rosamond Faith, Anglo-Saxon Farms and Farming (Alban Gautier) ; Véronique Lamazou-Duplan (dir.), Signé Fébus, comte de Foix, prince de Béarn. Marques personnelles, écrits et pouvoir autour de Gaston Fébus (Marie-Lise Fieyre))

-Livres reçus

Caroline Bourlet
Le Livre des métiers dit d’Étienne Boileau et la lente mise en place d’une législation écrite du travail à Paris (fin XIIIe-début XIVe siècle)

La première mise par écrit de la réglementation des métiers à Paris, connue sous le nom de Livre des métiers compilée par Étienne Boileau dans les années 1260, a fait l’objet, au xixe siècle de plusieurs publications qui, en attribuant à ce prévôt la paternité de 101 réglementations, ajoutaient une page à son hagiographie et figeaient une forme canonique de son œuvre dont se sont emparés tous les historiens depuis ce temps. L’étude codicologique de trois manuscrits désignés sous le nom de Livre des métiers, tous vraisemblablement compilés au Châtelet de Paris, permet de les dater plus précisément qu’ils ne l’avaient été antérieurement. Associée à une étude de quelques caractères formels des textes de la réglementation datés et non datés antérieurs à 1328, elle permet de présenter un tableau plus complet et chronologiquement plus nuancé de la mise en place de la législation des métiers : si Étienne Boileau est bien l’initiateur du mouvement de rédaction des réglementations de métier, ce fut une entreprise de longue haleine poursuivie jusqu’en 1328 par ses successeurs.

Codicologie – corporations – Étienne Boileau – Livre des métiers – Paris


Marion Bernard

L’organisation du travail des armuriers parisiens, entre réglementation et réalité(s) de terrain (XIIIe-XVe siècle)

Les armuriers formaient une communauté importante du Paris médiéval, dont la relative prospérité était assurée par la présence de la cour royale et des nobles. Leur organisation puisait ses sources dans les statuts de métier, dont les premiers figurent dans le célèbre Livre des métiers d’Étienne Boileau, remplacé ensuite par les livres de couleur et de bannière du Châtelet de Paris. Ces statuts, destinés à réglementer l’organisation et la pratique professionnelles, laissent deviner un métier caractérisé par une tripartition hiérarchique entre maîtres, valets et apprentis, la présence de gardes et jurés représentant la communauté, l’existence d’une confrérie, réceptacle de la piété collective des armuriers, et le respect de règles encadrant la production de pièces d’armure. Or, une confrontation de ces textes normatifs et stéréotypés, aussi bien dans le fond que dans la forme, avec d’autres sources donne à voir une réalité plus nuancée, faite d’une adaptation aux contraintes du marché, étroitement dépendant du contexte politique et économique, et aux évolutions technologiques affectant l’industrie armurière de la fin du Moyen Âge.

Armuriers – métier – Paris – réglementation – sources

 

Sharon Farmer
Les privilèges des métiers, l’intégration verticale et l’organisation de la production des textiles de soie à Paris aux XIIIe et XIVe siècles

L’industrie de la soie dans le Paris médiéval a deux hiérarchies : celle des privilèges corporatifs, qui accorde aux merciers la plus grande autonomie dans l’administration du métier et aux fileuses le moins d’autonomie, et la hiérarchie de l’organisation de la production, qui donne aux merciers le contrôle vertical de la filière sur les fileuses et les femmes qui tissent des couvre-chefs, mais pas sur les teinturiers, les hommes fabricant des tissus en soie et faisant de petits articles de mercerie. Néanmoins, en dépit de l’indépendance de beaucoup de métiers de la soie, le prévôt de Paris accorda en 1324 aux merciers la police sur l’ensemble de la filière.

Fileuses – merciers – Paris – soie – teinturiers – tisserands

 

Patrick Rambourg
Pratiques alimentaires, savoir-faire et professionnalisme dans les métiers de bouche parisiens (fin du Moyen Âge et Renaissance)

À partir de textes réglementaires, cet article montre comment les métiers de bouche se sont affirmés dans le Paris de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance. Il insiste plus précisément sur les spécialistes du « prêt-à-manger » qui, au fil du temps, ont conforté leurs savoir-faire, leurs compétences techniques et les contours de leurs spécialisations, pour construire leurs identités professionnelles.

Alimentation – métier de bouche – Paris – prêt-à-manger – savoir-fair 

 

Boris Bove
Une sombre affaire de teinturerie : organisation corporative et territoires de production à Saint-Denis à la fin du XIVe siècle

La documentation relative aux métiers du drap à Saint-Denis contient deux textes qui, bien que contemporains et émanant de la même autorité seigneuriale, sont contradictoires. L’un est une ordonnance de métier de 1374 autorisant la teinture des draps à partir de racine de noyer ; l’autre est une enquête de 1383 montrant que cette technique a toujours été prohibée à Saint-Denis. Il ressort de la confrontation que les deux textes s’accordent pour dessiner un territoire productif de Saint-Denis, non polarisé par Paris, associant villes et campagnes entre Seine, Oise et Marne, qui pourrait bien être un district industriel. L’organisation du travail qui prévaut à Saint-Denis a de fortes affinités avec celle des villes de Normandie, avec une division du travail limitée, une organisation supra-corporative et une association villes/campagnes. Il y a donc un troisième modèle d’organisation professionnelle, entre la sophistication corporative des grands centres industriels et l’absence de règlement dans les campagnes. La contradiction entre ces deux pièces met aussi en évidence la fragilité de la norme corporative au Moyen Âge : faute d’une légitimité technique, le seigneur ecclésiastique enregistre, impuissant, le bras de fer entre teinturiers partisans et adversaires de la teinture de noyer.

District industriel – Saint-Denis – statuts de métier – teinture – travail

 

Maxime L’Héritier
Le chantier de l’abbaye de Saint-Denis à l’époque gothique

Cette enquête vise à documenter le chantier de construction de l’abbaye du milieu du XIIe à la fin du XVe siècle, en s’intéressant davantage aux ouvriers et artisans et à leur travail qu’à l’œuvre architecturale. La combinaison des sources archéologiques et historiques permet d’estimer les effectifs des maçons et des ouvriers qui travaillaient sur le chantier de Suger et de proposer la reconstitution d’un chantier exceptionnel par sa taille pour l’époque. Pour le XIIIe siècle, ces sources montrent également une spécialisation des tâches, notamment dans le travail de la pierre, conforme à celle des chantiers contemporains. Enfin, dès la fin du XIIIe siècle, les comptes de la Commanderie montrent les spécificités de ce grand chantier monastique quant à la main-d’œuvre employée, sa rémunération et l’organisation du travail. Elles mettent notamment en évidence l’existence d’une main-d’œuvre issue de la communauté de l’abbaye à côté de maîtres artisans souvent gagés à l’année. Une tendance à la sécularisation du travail semble s’opérer dans le courant des XIVe et XVe siècles. Parmi ces maîtres, l’existence d’un office de maître verrier attaché à l’entretien des vitraux de la basilique pendant toute la période, depuis sa création par Suger au XIIe siècle, constitue une véritable spécificité dionysienne.

Architecture gothique – chantier de construction – comptabilités – main-d’œuvre – Saint-Denis – verriers

 

Marilyn Nicoud
L’alimentation, un risque pour la santé ? Discours médical et pratiques alimentaires au Moyen Âge

Pourquoi s’interroger sur l’existence d’une notion de risque alimentaire dans le discours des médecins du Moyen Âge tardif ? Si la documentation archivistique communale ne fournit pas de trace véritable d’expertise médicale en matière de sécurité alimentaire, alors que les autorités publiques ont tenté de mettre en place des mesures de précaution et de contrôle, les ouvrages médicaux et principalement diététiques fournissent cependant le témoignage d’une réflexion sur les dangers causés par l’alimentation à une échelle individuelle. À travers des traités aussi bien savants que de vulgarisation, les médecins distinguent les aliments des médicaments et des aliments-médicaments et s’efforcent de sensibiliser leurs patients à la nécessité de réguler leurs consommations et de connaître les qualités des aliments : élément essentiel à la vie, utilisée aussi bien pour conserver la santé que dans un cadre thérapeutique, l’alimentation est en effet aussi potentiellement un facteur de risque sanitaire qu’il convient de circonscrire.

Alimentation – corps – diététique – médecine – risques – santé

 

Gian Luca Borghese
Les registres de la chancellerie angevine de Naples : un exemple de destruction et reconstitution de sources archivistiques à travers les siècles

La destruction en 1943 des registres des Archives angevines de Naples est souvent considérée comme un exemple spectaculaire d’appauvrissement irrémédiable des sources d’un grand secteur de l’histoire médiévale. À un « avant » de l’abondance s’oppose emblématiquement un « après » de l’absence, changeant radicalement les conditions de la recherche historique. Une reconstitution détaillée de l’histoire de ces sources dans la longue durée permet montre une réalité plus nuancée. À un processus de destructuration-recomposition progressive, à l’époque médiévale et moderne, succède une première exploitation scientifique polycentrique, interrompue par la catastrophe de 1943. Les tentatives de récupération de cet héritage textuel de 1945 à nos jours à partir de matériaux divers (transcriptions, autres fonds d’archives) sont également caractérisés par une multiplicité de stratégies. Cette histoire textuelle n’est donc pas seulement celle d’une destruction : elle peut apprendre beaucoup sur les conditions paradoxales de la recherche historique.

Chancellerie de Naples – diplomatique – histoire textuelle – registres – Italie angevine

Caroline Bourlet
The Livre des métiers Attributed to Étienne Boileau and the Slow Establishment of a Written Regulation for Trades and Crafts in Paris (End of the 13th-beginning of the 14th Century)

The first written compilation of trades and crafts regulations in Paris, known as the Livre des métiers, was dated, by the nineteenth century historians who studied it, from 1260 and attributed to the royal provost Étienne Boileau. Since then, the figure of Boileau remains the uncontested great administrator who established for the first time the 101 professional rules of Parisian traders and craftsmen. A thorough codicological examination of three surviving manuscripts, all known as the Livre des métiers and presumably composed at the Châtelet of Paris, allows us to date them more precisely. Moreover, a study of specific elements of the texts, both dated and undated, such as their formal aspects and vocabulary, provides a more nuanced and complete chronology of the establishment of written rules up to 1328. If Étienne Boileau was indeed the first architect of that legislation, his successors pursued the enterprise at least until 1328.

Codicology – crafts – Étienne Boileau – Livre des métiers – Paris

 

Marion Bernard
Parisian Armourers at Work in Late Middle Ages : between Rules and Reality

Armourers were, in the medieval Paris, an important group, whose prosperity was linked to the presence of the royal court and noble people. Armourer’s organization was based on written rules, called statutes : the first ones appear in the famous Livre des métiers by Étienne Boileau, then in the so-called livres de couleur et de bannière of the Châtelet de Paris. These statutes, written in order to rule professional work and behaviour, describe a craft characterized by a hierarchy between masters, wage-earning workers and apprentices; the presence of gards and jurors in charge of the interests of the community; the existence of a professional and pious brotherhood; and the respect of rules related to the production of armour pieces. However, a comparison between statutes, quite stereotypical, and other documentary sources let us guess a more toned reality, made of an adaptation to the constraints of the market, which closely depended on the political and economical context, and to the technological evolutions in the armour industry in late Middle Ages.

Armourers – craft – documentary sources – Paris – rules

 

Sharon Farmer
Guild Privileges, Vertical Integration, and the Organisation of Silk and Mercery Production in Thirteenth- and Fourteenth-Century Paris

The silk industry of medieval Paris had two hierarchies : that of guild privileges, which gave the mercers the greatest amount of self-governing autonomy and the throwsters the least amount of self-governing autonomy ; and that of the organisation of production, which gave the mercers vertical control over the throwsters and the women who wove headcoverings but not over the dyers, male weavers of silk cloth, and makers of small mercery goods. Nevertheless, despite the independence of many of the silk crafts, in 1324 the royal provost granted the mercers policing authority over all of those groups.

Dyers – mercers – Paris – silk – throwsters – weavers

 

Patrick Rambourg
Food Practices, Know-How and Professionalism in the Parisian Food Trades (Late Middle Ages and Renaissance)

Based on statutory texts, this article shows how food trades asserted themselves in the Paris of the late Middle Ages and the Renaissance. It focuses specifically on specialists of « ready-to-eat », which, over time, have reinforced their know-how, their technical skills, and the contours of their specializations, to build their professional identities.

Food – food trade – know-how – Paris – ready-to-eat

 

Boris Bove
The Dark Side of Dyeing : Labour Organization and Industrial District of Saint-Denis at the End of the Fourteenth Century

The essay focuses on two documents which are quite contradictory but produced by the same manorial authority – the abbey of Saint-Denis – at the end of the fourteenth century : the first is a statutes of 1374 allowing to dye wool or woollen cloth with bark’s walnut ; the second is an inquiry of 1383 demonstrating that dying with bark’s walnut has never been authorised in the city of Saint-Denis. Both texts allowed nevertheless to draw the drapers’ working territory, which is not polarized by Paris but rather turned toward boroughs and country between the Seine, the Oise and the Marne, and this area might be an industrial district. The labour organization of Saint-Denis is very much like the one of Norman cities, with a limited division of labour, a supra-corporative organization over craft companies and a strong bound to country workers. The contradiction between the two documents points to the fragility of statutes, which are only a snapshot of the balance between the economic actors, because the lord has in fact no legitimacy to define technical rules for craftsmen ; he can only register social consensus.

Industrial district – labour – Saint-Denis – statutes – woollen dye

 

Maxime L’Héritier
The Building Yard of the Abbey of Saint-Denis in the Gothic Period

The aim of the present study is to gather information on craftsmen and workmen working on Saint-Denis building yard rather than on the piece of architecture itself. The combination of archaeological and historical sources helps to reconstruct the exceptional size of abbot Suger’s building yard and the numbers of masons and workmen working on it in the mid-twelfth century. For the thirteenth century, these sources also show that the specialisation of the tasks regarding stone cutting and laying is similar than on other great building yards at that time. Finally, accounting books show the particularities of such a great monastic building yard regarding the workers, their remuneration and the organisation of their work. They show in particular that lay brothers from the community of the abbey were employed on the building yard next to master craftsmen who were often granted annual wages. Secular craftsmen and workers seem however highly predominant on the building yard from the fourteenth century on. Among these master craftsmen, another specificity of Saint-Denis should be highlighted : the existence of a stained glass master appointed to the upkeep of the basilica stained glass windows. This function was created by abbot Suger in the mid-twelfth century and lasted until the beginning modern period.

Accounting books – building yard – gothic architecture – Saint-Denis – stained glass workers – workmen

 

Marilyn Nicoud
Food, a Risk for Health ? Medical Discourse and Dietary Practices in the Middle Ages

Why question the existence of a concept of food risk in the discourse of the physicians of the late Middle Ages ? If the communal archives provide no trace of medical expertise regarding food safety, while public authorities have tried to set up precautionary measures to control public health, however medical and mainly dietary books supply the testimony of a reflection on the dangers caused by food at an individual level. Through learned works as well as didactic texts, authors distinguish medicine from food and food-medicine, and try to educate their patients on the necessity to regulate their consumption and be aware of the qualities of food : food, which is essential to life, is both used in medieval medicine for maintaining health and in a therapeutic way. But it is also, potentially, a sanitary risk factor which has to be defined.

Body – dietetics – food – health – medicine – risk

 

Gian Luca Borghese
The Registers of the Angevin Archive of Naples : an Example of Destruction and Reconstruction of Archive’s Source through the Centuries

The destruction in 1943 of the Registers of the Angevin Archive of Naples is often considered as a spectacular case of irremediable impoverishment affecting the sources of a large sector of Medieval History. An ancient time of archival abundance is thus emblematically opposed to a new period of absence, with a dramatic change for the conditions of scholarly research. A detailed investigation of the “longue durée” history of these sources allows us to adopt a more nuanced approach. Already during the Middle Ages and the early modern history, the Angevin Registers were the object of complex processes of de-structuration/restructuration. They were followed by a first wave of polycentric scientific exploitation that was interrupted by the catastrophe of 1943. The attempts to reconstruct this textual heritage, from 1945 to the present days, with the help of a vast array of sources (early transcripts, other archives, etc…), have been equally characterized by a multiplicity of strategies. This textual history is consequently not only the history of a violent collapse. It can also teach us a lot on the paradoxical conditions that govern research in history.

Angevin Italy – diplomatic – Neapolitan Chancery – registers – textual history

Christine Jéhanno

Le travail au Moyen Âge, à Paris et ailleurs :
retour sur l’histoire d’un modèle

Si Jacques Le Goff, récemment disparu, affirmait que « le travail n’est pas un bon sujet pour le Moyen Âge1 », c’était à l’évidence, de la part de ce spécialiste, pour mettre en garde contre la difficulté à saisir une réalité médiévale qui n’avait pas de mot pour se dire et non pour dissuader de s’y intéresser2. De fait, son avertissement n’a pas découragé les médiévistes, loin s’en faut. En un temps de crise économique et de chômage, la question du travail n’a du reste pas manqué d’être investie par l’ensemble des sciences humaines. Les historiens étaient ainsi appelés, en 2001, à apporter leur contribution à l’effort de réflexion commun dans un dossier des Cahiers d’Histoire. Revue d’histoire critique qui titrait « Comment les historiens parlent-ils du travail ? », dans une perspective trans-périodique. Catherine Verna et Philippe Bernardi y répondaient pour les médiévistes dans un article intitulé « Travail et Moyen-Âge : un renouveau historiographique », dans lequel ils dressaient non seulement un bilan, mais indiquaient aussi les pistes alors dégagées par la recherche historique en la matière, et concluaient à une « effervescence3 ».

Il y a peu, étaient ainsi menés plusieurs projets autour du sujet. Parmi ceux-ci, le programme « Salaire et salariat au Moyen Âge (xiexvie s.) », coordonné par Laurent Feller de 2006 à 20084, s’est intéressé aux rapports de travail dans l’ensemble de l’Europe médiévale. La question était ensuite largement abordée en 2011-2013 dans le cadre du séminaire de François Menant à l’ENS-Ulm consacré aux milieux populaires urbains de la fin du Moyen Âge5, puis lors du colloque « Clivages sociaux et modes de domination dans les villes européennes des xiiiexve siècles » tenu à Paris les 20 et 21 juin 2013. Parallèlement, à l’Université de Paris 8-Saint-Denis, Catherine Verna choisissait pour thème de son séminaire de recherche « Le travail au Moyen Âge : techniques, production, marchés ». C’est dans cette convergence que le groupe de travail sur Paris au Moyen Âge de l’IRHT a souhaité s’inscrire. Il semblait en effet important à ses membres d’y insérer Paris, dont le cas, longtemps sur le devant de la scène en ce domaine, puis quelque peu délaissé, méritait de trouver place6. Ils sont heureux que la revue Médiévales ait accepté la publication de quelques-unes des interventions, parmi celles consacrées à Paris et ses environs, extraites de la trentaine d’un séminaire poursuivi de 2012 à 2014, qui avait volontairement élargi ses investigations à d’autres espaces, afin de multiplier les points de comparaison, tout en restant centré sur le travail urbain pris dans sa dimension productive.

Même ainsi circonscrit, le champ d’étude affiche un bilan historiographique des plus riches et chaque nouvelle publication s’ouvre sur une remarque relative à l’abondance de la bibliographie7, fournissant une liste de références ou, plus souvent encore, renvoyant faute de place à une synthèse, en général ancienne, ou à un bilan historiographique récent8. La situation n’est pas propre au Moyen Âge car le champ de recherche est exploré pour toutes les périodes historiques et, à l’intérieur de chacune d’elles, pour l’ensemble des siècles9. Du reste, nombre d’ouvrages s’affranchissent des barrières chronologiques académiques, ambitionnant pour certains une histoire au long cours « des origines à nos jours », englobant en tout cas couramment la période des xiiiexvie siècles, voire Moyen Âge et Temps modernes10. Le propos n’est pas dans cette introduction de faire à nouveau l’historiographie du travail mais, en la brossant à gros traits, de pointer la place singulière que tient le Paris du Moyen Âge dans une recherche commencée dès le xixe siècle, et qui s’est poursuivie sans réelle interruption depuis, même à bas bruit et même si le sujet occupe rarement le devant de la scène11.

Les bases de l’étude du travail au Moyen Âge sont posées en 1840, avec l’Essai sur l’état des corporations industrielles au Moyen-Âge d’Henri de Formeville. Le xixe siècle et le début du xxe siècle sont, toutes périodes historiques confondues, un moment d’intense production sur le sujet puisque, en 1885, Hippolyte Blanc juge bon de publier une Bibliographie des corporations ouvrières12, dans laquelle il recense déjà près de mille titres. Parmi ceux-ci figurent quelques amples vues d’ensemble comme, en 1859, l’Histoire des classes ouvrières en France de Jules César à la Révolution d’émile Levasseur, alors qu’en 1899, Henri Hauser s’en tient à un cadre chronologique plus restreint dans Ouvriers du temps passé (xve-xvie siècle). Au début du xxe siècle vient le temps des premières grandes synthèses, notamment l’Histoire universelle du travail, sous la direction de Georges Renard, dont le tome consacré au Moyen Âge, Le Travail dans l’Europe chrétienne au Moyen Âge : vexve siècle, paraît en 1921 sous la plume de Prosper Boissonnade. Or les ouvrages de ce temps, bien que censés rendre compte d’une réalité générale, sont largement inspirés de l’exemple parisien. À cela, une raison simple : les sources parisiennes de l’histoire du travail ont été parmi les premières éditées. Le Livre des métiers d’Étienne Boileau est publié d’abord par Georges-Bernard Depping dès 183713, puis par François Bonnardot et René de Lespinasse en 1879, avec une solide introduction14. C’est ensuite le tour des ordonnances rassemblées en trois tomes par René de Lespinasse15, puis des Livres de couleur et des Livres de bannières du Châtelet de Paris par Alexandre Tuetey au tournant du xxe siècle16. Le corpus mis ainsi à disposition est considérable et semble à même de révéler la situation parisienne. Après une série d’articles entre 1868 et 187417, Gustave Fagniez présente la synthèse de ses travaux sous le titre Études sur l’industrie et la classe industrielle à Paris, au xiiie et au xive siècle, en 187718. Le titre choisi témoigne de la largeur de vue de l’ouvrage. Mais, compte tenu des sources parisiennes, il est malgré tout axé sur les métiers, tant le métier – on emploie alors plutôt le terme de « corporation » – constitue le centre d’intérêt premier, la voie d’accès privilégiée à l’histoire du travail. Dans la décennie suivante, Alfred Franklin publie ainsi Les Corporations ouvrières de Paris, du xiie au xviiie siècle, puis plusieurs livraisons de la collection La Vie privée d’autrefois, consacrées aux métiers en général ou à certains d’entre eux19, et enfin, en point d’orgue, au tout début du xxe siècle, son Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercés à Paris depuis le xiiie siècle jusqu’au xviiie siècle20. D’autres études sont menées sur certains métiers ou groupes de métiers parisiens tels les ménestriers, les boulangers, les tailleurs, les bouchers et les artisans du textile21.

Dans les ouvrages généraux, de façon explicite ou non, Paris est érigé en modèle à partir duquel est extrapolée la situation du royaume tout entier. En 1941, Émile Coornaert dresse un vaste panorama des Corporations en France avant 1789 après s’être intéressé à celles de Paris à partir du Livre des métiers22. Il est du reste conscient de ce que cette démarche peut avoir de simplificateur et appelle d’autres à corriger dès que possible sa « vue cavalière ».

De manière générale, l’accent est mis sur les formes d’organisation professionnelle, les structures. Influencés par la situation documentaire parisienne, les historiens du travail se tournent pour l’essentiel vers des textes normatifs, facilement accessibles et qui alors paraissent transparents. Cela conduit à faire du travail une histoire très institutionnelle. La recherche est fortement marquée en outre par une grille de lecture juridique, qu’elle soit ou non le fait de juristes, notamment de chartistes, très imprégnés alors d’histoire des institutions23. De cette époque date la distinction, qui va devenir traditionnelle, entre métiers jurés (s’organisant eux-mêmes, sur le modèle parisien) et métiers réglés (organisés par les pouvoirs publics, à l’exemple de la Flandre ou du Languedoc). Le recours à des sources normatives conduit par ailleurs à construire une vision idéalisée des corporations. Ainsi les historiens du xixe siècle créent-ils à partir des métiers, montrés par les statuts comme modèles d’équilibre et éléments de stabilité, la fiction d’une concorde sociale, très recherchée dans un monde industriel alors en plein bouleversement du fait des formes nouvelles prises par le capitalisme mais aussi des revendications ouvrières. Cette idée rencontre du reste celle du catholicisme social qui émerge au moment même de la redécouverte du Moyen Âge, où l’on va puiser un modèle d’organisation de la production, idéalisé, que Paris est à même de fournir.

Cette instrumentalisation du travail médiéval se reproduit avec l’instauration du corporatisme comme doctrine d’état par les régimes d’inspiration fasciste en Europe. L’historiographie des années 1930 et 1940 se cristallise autour de ce problème24. La fin de la guerre qui emporte la plupart de ces régimes, et en France le régime de Vichy, signe le discrédit du corporatisme et oblige des auteurs, qui s’en étaient fait les chantres, à réviser leur point de vue de façon significative. Ainsi Maurice Bouvier-Ajam, qui a publié en 1941 La Doctrine corporative, écrit en 1957 une Histoire du travail en France des origines à la Révolution. L’Histoire du travail d’édouard Dolléans, sortie en 1944, est totalement revue par le nouveau co-auteur Gérard Dehove et reparaît en 1953 sous le titre Histoire du travail en France. Mouvement ouvrier et législation sociale, qui en dit long sur le tournant pris. Dans les décennies qui suivent, une approche nouvelle de la question du travail se fait jour, désormais dominée par la question du mouvement ouvrier et de la lutte des classes25. Le travailleur y occupe une place plus centrale, mais est surtout vu comme membre d’un collectif26. Le Moyen Âge n’y trouve plus la place éminente d’autrefois, sauf envisagé au prisme des révoltes, pas spécifiquement urbaines au demeurant, par Philippe Wolff27. Paris n’apparaît plus guère au premier plan dans les ouvrages généraux, et les recherches sur l’artisanat de la capitale se réduisent. Pourtant, l’ouvrage de Bronislaw Geremek sur le salariat de l’artisanat parisien, rapidement traduit en plusieurs langues, replace Paris dans la lumière. Son retentissement est considérable tant il vieillit les ouvrages antérieurs, renouvelle les problématiques, et ce, bien au-delà de l’histoire du travail parisien28.

L’éclipse est plus générale encore dans les années 1970 et 1980, en dépit de quelques notables exceptions29. En dehors de la réflexion sur la notion même de travail initiée par Jacques Le Goff30, la focale se déplace sur le commerce et les échanges, et l’histoire des salaires est combinée à celle des prix31. La recherche en histoire urbaine s’étoffant, la question du travail est désormais intégrée aux monographies de villes, en vogue à l’époque32. Les deux volumes de la Nouvelle Histoire de Paris consacrés au Moyen Âge par Raymond Cazelles et Jean Favier en 1972 et 1974 font eux aussi une place à l’artisanat33. Dans tous sont évoqués les métiers, et l’étalon parisien, même fortement nuancé, y sert encore de référence implicite tant il a forgé le cadre d’analyse de la réflexion sur l’organisation de la production. Mais d’autres approches émergent, en particulier spatiales : sont notamment examinés les lieux du travail, leur place dans la topographie des villes.

Les années 1990 marquent le renouveau de la question. En 1991, Michel Hébert constatait : « on a assez peu étudié les questions relatives au travail et à l’artisanat urbain depuis plusieurs décennies » et concluait : « Il n’est donc pas inopportun de reprendre l’enquête34 ». Dix ans plus tard, Anne Jollet partait du même « constat de la faiblesse de la curiosité des historiens », toutes périodes confondues, d’une « relative indifférence », mais pour le nuancer aussitôt en pointant, derrière une atonie apparente – largement imputable à l’absence de nouvelle grande synthèse35 –, la reformulation des questions et le déplacement des centres d’intérêt en réalité déjà à l’œuvre36. La recherche remet en effet en cause certaines idées qui prévalaient dans l’historiographie passée et emprunte désormais d’autres pistes, qu’il faut se résoudre à n’évoquer que succinctement ici. Alors que le métier avait été la voie d’accès privilégiée à l’histoire du travail, il apparaît désormais comme un écran, qui masque la réalité davantage qu’il ne l’éclaire. Au mieux, le métier est désormais considéré comme un mode, parmi d’autres, de l’organisation artisanale, et pas celui qui reflète le mieux les situations réelles ; parfois même, il est regardé comme une construction artificielle, sans rapport avec la réalité37. C’est que les sources normatives sont reconsidérées au filtre d’une critique plus poussée qui amène à discuter ce que l’on peut véritablement en tirer, y compris de certains « monuments » – jusqu’au Livre des métiers d’étienne Boileau ! – utilisés jusque-là sans suffisamment de recul. Jean-Pierre Sosson résume la position désormais commune : « Faute d’une intégration systématique des acquis de l’histoire économique et sociale et d’une utilisation des matériaux prosopographiques disponibles, les textes, pour l’essentiel de nature normative, ne peuvent donner que des images statiques, désincarnées sinon lénifiantes des métiers38. » Le modèle parisien est réfuté39 ou en tout cas nuancé dès lors que les études de cas montrent qu’il ne s’applique ni à toutes les régions, ni à tous les métiers d’un même lieu, ni à tous les travailleurs (non qualifiés, femmes, enfants, esclaves éventuels). La distinction traditionnelle entre métiers réglés et métiers jurés est jugée plus formelle que probante40. L’approche institutionnelle est de manière générale contestée, car jugée trop rigide. Une attention plus fine à la chronologie révèle une situation mouvante, loin du tableau figé dressé autrefois à partir du seul xiiie siècle41.

La méfiance par rapport à la structure corporative s’étendant aux textes réglementaires, des sources nouvelles sont sollicitées, autant fiscales, que judiciaires, notariales, littéraires ou iconographiques, susceptibles de laisser percevoir davantage d’aspects que les sources réglementaires et de donner mieux accès à la réalité. Surtout, elles sont systématiquement croisées, les unes venant en contrepoint des autres pour cerner un même objet. à ces documents sont appliquées des méthodes mises au point dans d’autres champs de la recherche historique, notamment la prosopographie grâce à laquelle on suit un groupe de manière très fine et dans toute la complexité de son existence, voire la micro-analyse (réhabilitée après une période marquée par l’histoire quantitative) qui fait sa place à l’individu. Est désormais privilégiée l’étude interdisciplinaire ainsi que l’annonce le colloque tenu à Louvain-la-Neuve en 1987, Le Travail au Moyen Âge. Une approche interdisciplinaire42. Les historiens nourrissent leur réflexion auprès d’autres disciplines comme la sociologie43, l’anthropologie et plus encore l’archéologie. Cette dernière, en apportant une documentation radicalement différente, fait faire de grands progrès. Elle rencontre les préoccupations d’historiens marqués par l’histoire de la civilisation matérielle. L’histoire des techniques connaît alors un développement considérable44, balisant un champ de recherche qui s’avère extrêmement fécond et produit des avancées majeures pour ce qui est de l’histoire du travail, axée davantage sur la matérialité, les outils, mais aussi sur la dimension humaine : l’homme au travail en tant qu’individu, ses gestes, son corps, ses souffrances, et ses relations de travail45.

D’un autre côté, l’histoire du genre, impulsée dans le monde anglo­phone, amène l’école historique française à considérer différemment la question du travail des femmes46. Celui des enfants est à son tour examiné47, ce qui réintroduit les problèmes de la situation de l’apprenti, de l’apprentissage, mais aussi de la transmission des savoirs48. Ce dernier thème amène à une interrogation sur l’innovation, spécialement au sens technique, très en vogue aujourd’hui49.

Des pistes déjà abordées sont poursuivies, telle la réflexion sur la notion de travail et la valeur accordée au travail, y compris manuel ou « mécanique », celle sur la qualification d’industrie ou proto-industrie appliquée à l’artisanat médiéval50, celle enfin de l’identité professionnelle et de la place du métier dans la désignation des individus51. L’intérêt porté depuis longtemps à la production drapière demeure, et la connaissance en est renouvelée par l’histoire des techniques52. Passe cependant au premier plan l’étude des métiers de la construction, qui donne lieu à de nombreuses publications importantes53. Le métier n’apparaissant plus comme un cadre d’analyse satisfaisant, le regard se porte sur d’autres formes d’organisation du travail qui apparaissent comme au moins complémentaires sinon plus pertinentes : l’atelier, le chantier54, la filière. L’artisanat n’est plus cantonné au cadre étroit d’une ville mais analysé au sein d’ensembles plus vastes : la ville et ses périphéries, la région voire l’espace interrégional55. Une démarche nouvelle et porteuse de résultats très prometteurs consiste à mener l’étude à partir d’un produit : fer ou métal en général56, pierre57, laine, verre58, céramique59, etc.

On le constate : il s’agit bien d’une « effervescence » qui se lit dans les nombreux colloques, tables rondes et autres séminaires tenus sur le sujet60, occasions pour les historiens de fructueux échanges, et dont la publication fournit un matériel aussi précieux que fractionné, qu’on espère prélude à de futures synthèses. Dans ce tableau d’ensemble, la place de Paris semble faible, ce qui s’explique par le rejet dont fait l’objet l’archétype des métiers parisiens. Les recherches actuelles sur Paris s’inscrivent pourtant dans le mouvement général et ont profité des études menées sur d’autres espaces qui ont en quelque sorte tendu un miroir à la capitale. Sur le plan des méthodes, les sources normatives parisiennes ont été soumises à une critique plus rigoureuse. Les sources fiscales, notamment les rôles de taille, même si elles n’ont pas la précision des documents italiens, ont été aussi mises à contribution après une soigneuse analyse61. D’autres sources encore, autant textuelles62 qu’archéologiques, sont mobilisées et confrontées les unes aux autres. Les thématiques sont à l’unisson de la recherche. Le travail des Parisiennes a ainsi fait l’objet de nombreuses recherches63, de même que la construction64. L’étude des techniques et des matériaux n’est pas en reste65. Paris conserve malgré tout quelques spécificités parmi lesquelles la place faite à l’artisanat du livre66.

À cela, il faut ajouter les articles de ce volume qui, chacun à sa manière, reflètent aussi les tendances actuelles de la recherche, appliquée à la capitale et à ses abords.

Caroline Bourlet reprend le dossier de la réglementation du travail dans la capitale à partir d’une critique renouvelée de ces textes, s’attachant à en prendre l’exacte mesure, à les replacer aussi dans leur contexte et à les suivre dans leur chronologie. Marion Bernard, dépassant les études par métier, s’intéresse à un groupe de professionnels aux activités voisines (même si l’on peut difficilement parler ici d’une filière) et confronte les sources réglementaires à d’autres pour tenter de démêler image et réalité du métier, en plus de s’efforcer d’atteindre les travailleurs eux-mêmes par le recours à la prosopographie. L’article de Patrick Rambourg éclaire quant à lui un secteur rarement étudié mais combien présent dans les villes en général, et dans Paris en particulier, celui des métiers de bouche. Sharon Farmer et Boris Bove traitent des activités du textile, mais à travers des aspects particuliers et sous deux angles différents : alors que Sharon Farmer se penche sur une branche spécifique de la production, celle de la soie, à Paris, Boris Bove examine la question d’un espace régional de la draperie à travers un cas de conflit relatif à la teinturerie à Saint-Denis. Le parti a en effet été pris d’étendre le terrain d’investigation en retenant ici des contributions portant sur cette localité voisine, considérée dès les origines comme un satellite de Paris et étudiée comme telle par les historiens, y compris au plan économique67. Cette étroite dépendance a privé la ville de Saint-Denis d’une historiographie propre et l’histoire de l’artisanat y reste largement à faire. En outre, le cas de Saint-Denis permet d’aborder le système productif parisien du point de vue de son intégration à l’échelle d’une région, en interrogeant les relations de complémentarité, d’influence, de concurrence et de domination de la ville-centre sur ses périphéries. L’abbaye de Saint-Denis fournit aussi l’occasion à Maxime L’Héritier d’étudier le chantier comme modèle d’organisation du travail distinct de l’atelier, et lève le voile sur la situation de la construction à proximité immédiate de la capitale.

Tous ensemble, les travaux présentés témoignent de l’activité de la recherche sur le travail à Paris à la fin du Moyen Âge.

Christine Jéhanno – Université du Littoral Côte d’Opale

1.J. Le Goff, « Discours de clôture », dans Le Travail au Moyen Âge. Une approche interdisciplinaire, Actes du colloque international de Louvain-la-Neuve, mai 1987, Louvain-la-Neuve, 1990, p. 424.

2.Ce propos reprenait l’idée déjà formulée au colloque de Spolète en 1970 par J. Le Goff, « Travail, techniques et artisans dans les sys

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Revue Médiévales. Langue Textes Histoire
Nombre de pages : 228
Langue : français
Paru le : 10/12/2015
EAN : 9782842924447
Première édition
CLIL : 3386 Moyen Age
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 240×160 mm
Version papier
EAN : 9782842924447

Version numérique
EAN : 9782842924454

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