Paris 8 - Université des créations

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Collection Manuscrits Modernes
Nombre de pages : 352
Langue : français
Paru le : 10/02/2016
EAN : 9782842925260
Première édition
CLIL : 4027 Etudes littéraires générales et thématiques
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 220×137 mm
Version papier
EAN : 9782842925260

Version numérique
EAN : 9782842928889

Carnets de lecture

Généalogie d'une pratique littéraire

Le carnet de lecture, de citation, intrigue souvent, mais reste est un outil intellectuel encore trop peu étudié

Cet ouvrage propose une définition, une problématique et un historique du carnet de lecture.
Il étudie sept exemples d’écrivains du XXe siècle qui pratiquent des carnets de lecture, dans une perspective de poétique comparée; chez Paul Valéry, dans la littérature et la philosophie roumaine (Emil Cioran, Constantin Noica, Mihail Sebastian), espagnole (José Ortega y Gasset, Enrique Vila-Matas), et la littérature italienne (Cesare Pavese).    

Auteur·ices : Minzetanu Andrei

Introduction   


Première partie. 

Le carnet : objet matériel, objet épistémologique

Chapitre 1.
Le carnet de lecture  

Chapitre 2. 
La note-citation   

Deuxième partie. 

Petite histoire du carnet de lecture

Chapitre 1. 
L’âge d’or d’une pratique   

Chapitre 2. 
Survivance d’un art et d’une méthode 

Chapitre 3. 
La lecture citationnelle 
ou l’ars legendi comme ars excerpendi
   
Chapitre 4. 
La critique des beautés   

Chapitre 5. 
Le triomphe de la fiche  

Chapitre 6. 
Histoire du carnet, histoire du livre   

Troisième partie.
Pratiques modernes du carnet de lecture : 
de Paul Valéry à Enrique Vila-Mata

Introduction   

Chapitre 1. 
Penser par soi-même (Paul Valéry)   

Chapitre 2. 
Lire avec patriotisme 
(José Ortega y Gasset et Constantin Noica)   

Chapitre 3. 
« Tomber sur une phrase » (Emil Cioran)   

Chapitre 4. 
« Lire comme une concierge » (Emil Cioran)   

Chapitre 5. 
Lire et vivre (Mihail Sebastian)   

Chapitre 6. 
Être malade de littérature (Enrique Vila-Matas)   

 

Conclusion   

Bibliographie  

Ce livre propose une généalogie du carnet de lecture. Il s’intéresse à la note-citation, la phrase recopiée fidèlement dans un carnet dédié à cet effet, sans être accompagnée d’aucun commentaire.

Il considère le carnet de lecture comme objet théorique, comme geste et pratique, dans une histoire qui le rattache à la littérature de compilation et à l’art de l’extrait. L’analyse se fonde sur les Cahiers de Paul Valéry, les fiches de lecture de José Ortega y Gasset, le journal de lecture de Constantin Noica, les Cahiers d’Emil Cioran, le journal intime de Mihail Sebastian et le carnet d’Enrique Vila-Matas.

Situé au croisement de la littérature comparée, de la génétique textuelle, de l’histoire de l’éducation, et de la sociologie de la culture et de la vie lettrée, ce livre s’attache à des traits singuliers de la passion de la littérature.

Andrei Minzetanu, ancien élève de l’École normale supérieure et docteur en littérature comparée, est pensionnaire de la Fondation Thiers (CNRS, EHESS).

Introduction

Dans un livre récent, L’Ordre matériel du savoir. Comment les savants travaillent1, Françoise Waquet se propose de rendre visibles les techniques intellectuelles très complexes dont disposent les chercheurs, les lettrés et les savants dans leur travail (plus concrètement, « les outils employés pour repérer et traiter l’infor­mation, pour produire et transmettre le savoir, outils qui réfèrent à l’écrit, à l’imprimé, à l’image, au numérique2 ») et de contribuer ainsi à une « histoire matérielle de la culture savante » et à une « archéologie des techniques intellectuelles ». Mon objectif est similaire puisque je souhaiterais proposer ici une théorie de la lecture qui, contrairement à la plupart des théories proposées depuis les années 1970, repose davantage sur les traces concrètes et matérielles de la lecture ; cette théorie correspond plus exactement à une analyse historique et littéraire du carnet de lecture. Tout au long de ce livre le carnet sera envisagé simultanément ou alternativement : comme un objet très important dans la vie des lettrés, comme un support de la lecture qui peut prendre la forme concrète d’un cahier ou d’une fiche, comme une trace ou une note de lecture, comme un geste (un geste particulier de lecture3 : celui qu’effectue le lecteur qui lit un texte et qui s’arrête, à un moment donné, parce qu’une certaine phrase l’intéresse ou le bouleverse, et qu’il a envie de la prélever et de la recopier dans un carnet ; c’est le geste de l’extrait), comme une disposition qui insiste plus particulièrement sur le rôle que joue l’institution scolaire dans l’utilisation et la transmission de cet objet intellectuel, comme une pratique qui renvoie à un ensemble de gestes de lecture et, plus généralement, à un comportement de lecteur, comme une représentation parce que les lettrés travaillent également avec l’image qu’ils se font du travail et des œuvres de leurs confères, soit enfin comme une posture puisque le carnet, surtout quand il est écrit en vue de la publication, est un instrument essentiel de la construction d’une image auctoriale et d’une autobiographique intellectuelle. Le carnet est donc envisagé ici tantôt comme un objet matériel, tantôt comme un objet mental ou comme l’effet d’une construction littéraire très complexe qui peut être le résultat de l’écrivain lui-même (quand celui-ci écrit le carnet comme une œuvre lisible et publiable) ou de l’éditeur (qui choisit et construit un objet « littéraire » publiable à partir de l’objet matériel).

La première partie du livre, « Le carnet : objet matériel, objet épistémologique », propose justement une analyse du rapport entre la matérialité du carnet et sa construction littéraire ; le fil conducteur de l’analyse et le principal point de comparaison entre ces deux dimen­sions essentielles du carnet renvoient à ce que j’appelle la « note-citation » : la phrase recopiée fidèlement dans un carnet dédié spécifiquement à cet effet, une phrase prélevée sur le vif, au cours de la lecture, et qui n’est accompagnée la plupart du temps d’aucune forme de commentaire ; cette notion me conduit vers un régime particulier de lecture (la « lecture citationnelle ») et vers un type particulier de lecteur appelé le lettré excerpteur.

La deuxième partie du livre, « Petite histoire du carnet de lecture », propose une brève histoire du carnet de lecture à travers une définition historique de la « note-citation », laquelle nous ramène au lieu commun (la note-citation est proche du lieu commun non seulement parce qu’elle peut connaître le même traitement, en étant rangée dans des catégories et des cases spéci­fiques du carnet de lecture, mais aussi parce qu’elle contribue, d’une manière essentielle, à la créativité, à l’invention intellectuelle et littéraire, et enfin à une version moderne de la dialectique et de la topique), au carnet de citations, à la littérature compilatoire et, enfin, à un art particulier de lecture : l’art de l’extrait. Cette histoire traite également le carnet comme un objet matériel et comme une construction littéraire et comprend une analyse détaillée de plusieurs traités de quelques illustres pédagogues humanistes qui ont contribué à l’institutionnalisation du carnet de lecture sous la forme de l’ars excerpendi (dans ce cadre, le carnet est non seulement un moyen d’acquisition de la culture lettrée, mais aussi un instrument scolaire et un instrument de « civilité »), une analyse de l’influence jésuite sur la survie et la formalisation de la pratique du carnet (ici, le carnet renvoie, au-delà de l’objet, à ce qui est digne d’être connu et reproduit, à ce qui est moralement permis et encouragé, à un excellent instrument de normalisation scolaire de la mémoire individuelle et collective, donc, plus généralement, à un instrument de contrôle), mais aussi une analyse de la survie de cette technique intellectuelle du carnet dans un univers épistémologique qui lui est de plus en plus hostile, à partir de Descartes, et dans le contexte plus général de la contestation de la rhétorique (dans ce nouveau cadre, le carnet n’est plus un recueil de lieux communs à proprement parler mais plutôt « un cahier d’élégance », un calepin, un carnet des bons livres, un « cahier d’expressions choisies », un « cahiers de pensées choisies », un « recueil d’expressions choisies », un journal ou une fiche de lecture).

La dernière partie du livre essaiera, quant à elle, de comprendre, en prenant en considération les acquis théoriques et historiques des deux premières parties, six pratiques singulières du carnet de lecture : les Cahiers de Paul Valéry, les fiches de lecture d’Ortega y Gasset, le Journal d’idées [Jurnal de idei] du philosophe roumain Constantin Noica, les Cahiers d’Emil Cioran, les journaux intimes de Mihail Sebastian, et enfin le carnet [Dietario voluble] de l’écrivain espagnol Enrique Vila-Matas. Ces pratiques permettent, par leur diversité géographique, linguistique et par leur extension historique, non seulement de voir quel est le destin concret du carnet de lecture et de l’art de l’extrait en Europe, après l’apparition des États-nations, mais de comprendre aussi une opposition fondamentale entre deux figures essentielles d’écrivains-lecteurs : les anti-excerpteurs (Valéry, Ortega et Noica), qui mettent en question, chacun à sa manière et à travers des mythes intellectuels très différents, l’intérêt et la pertinence de l’art de l’extrait, et les excerpteurs eux-mêmes (Cioran, Sebastian et Vila-Matas) qui sont directement responsables, par leurs pratiques du carnet et plus généralement par leurs œuvres littéraires, de la survie et de la relégitimation moderne du geste de l’extrait. Dans ce cadre, le carnet sera un objet matériel, mais aussi un monument littéraire, un rapport au savoir et à autrui, une partie importante d’une philosophie du savoir, une dimension patrimoniale et politique de la littérature ou bien un objet de fiction.

Si l’on réussit ainsi, à travers l’histoire de cette pratique culturelle et par les très nombreux témoignages sur lesquels on aura l’occasion de s’attarder ici, à mieux saisir la matérialité du carnet de lecture et sa construction littéraire à partir du geste de l’extrait, on sera assuré de pouvoir mieux comprendre le fonctionnement mental et social de la lecture, mais aussi une des réalités culturelles les plus mystérieuses et les plus difficiles à analyser : l’extraordinaire plaisir de lire4.

1.Françoise Waquet, L’Ordre matériel du savoir. Comment les savants travaillent xviexxie siècles, Paris, CNRS Éditions, 2015.

2.Ibid., p. 8.

3.Pour une tentative de formalisation du « geste », voir Yves Citton, Gestes d’humanités : anthropologie sauvage de nos expériences esthétiques, Paris, Armand Colin, 2012, p. 27-58.

4. Ce livre n’aurait pas pu exister sans l’aide précieuse de quelques personnes que je tiens à remercier très chaleureusement. J’ai une pensée toute particulière pour mon directeur de thèse, William Marx, qui a fait preuve de beaucoup de patience et de compréhension à mon égard ; je lui en suis très reconnaissant. Je pense également à Roger Chartier, Marielle Macé, Thomas Hunkeler, Jérôme David, Déborah Lévy Bertherat, Michel Charles, Philippe Roger, Judith Schlanger, Jacques Schlanger, Alexandra Cuniţă, Răzvan Samoilescu et à Cristina Şerbănescu. Je remercie Anne Herschberg Pierrot et Jacques Neefs pour leur relecture attentive et pour leurs conseils. Et tout spécialement Gary Oger pour sa magnifique générosité pendant la rédaction, parfois difficile et angoissante, de ce travail.

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Nombre de pages : 352
Langue : français
Paru le : 10/02/2016
EAN : 9782842925260
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CLIL : 4027 Etudes littéraires générales et thématiques
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 220×137 mm
Version papier
EAN : 9782842925260

Version numérique
EAN : 9782842928889

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