Le paradoxe situationniste: la fonction de la théorie dans l’art de Guy Debord
Gabriel Ferreira Zacarias
Dans cet article j’étudierai la fonction de la théorie dans l’élaboration des propositions artistiques de dérive et de situation construite, formulées par Guy Debord. En me servant des fiches de lectures inédites de l’auteur, j’examinerai comment ces deux notions ont évolué en dialogue avec différents ouvrages théoriques. Qui plus est, je tenterai de montrer comment la théorie acquiert progressivement une fonction spécifique dans la pratique artistique de Debord, occupant la place laissée vide par l’abandon situationniste de l’œuvre d’art.
De l’usage de Wittgenstein dans la théorie de l’art et la pratique de l’exposition (Broodthaers et Kosuth)
Denis Laoureux
Cette contribution s’intéresse à la (re)lecture du Tractatus logico-philosophicus dans les années 1970 et 1980. Elle se centre sur deux artistes s’étant référés à l’essai de Ludwig Wittgenstein dans leur réflexion sur le langage et dans leur pratique curatoriale : Marcel Broodthaers et Joseph Kosuth. Le travail mené par ces artistes autour de Wittgenstein permet d’observer ce qui ressort de la théorie de l’art quand celle-ci se soumet à l’épreuve de l’exposition.
Misunderstandings et « Babels illusoires » : penser avec Mel Bochner et Robert Smithson
Nina Leger
Les années 1960-1970 sont un moment d’intense activité théorique pour une jeune génération d’artistes états-uniens. Si leur premier élan fut de fonder les bases d’un art neuf, le moment qui s’ouvrit à partir du milieu des sixties chercha, au contraire, à défaire les définitions trop rapidement adoptées et simplifiées. À cette fin, plusieurs artistes reconfigurèrent les formes et les lieux de leur discours. Le terme de théorie peut-il s’appliquer à ces formes sans en gommer la spécificité ? Et ce terme est-il fidèle à la conception qu’avaient ces artistes de l’activité spéculative ? Considérant les travaux de Mel Bochner et de Robert Smithson, cet article se propose de problématiser ce qui, dans l’application du terme d’« artiste-théoricien », semblait aller de soi
Le grand récit de la critique institutionnelle
Nicolas Heimendinger
La critique institutionnelle offre le paradoxe d’un mouvement créé a posteriori par des critiques d’art proches de la revue October, puis réapproprié par des artistes qui ont été présentés vers 1990 comme sa « seconde génération ». Élaborée d’abord comme une « anti-esthétique » postmoderniste, la critique institutionnelle est devenue au cours des années 1980 l’instrument d’une résistance au cultural turn. Sous son aura de radicalité politique transparaît le constat mélancolique de la dissolution des avant-gardes et de l’espace public oppositionnel.
Le danseur performer et la conférence-spectacle. Xavier Le Roy, Jérôme Bel, Claudia Triozzi
Giuseppe Burighel
Qu’est-ce que danser ? Par le détournement de l’outil de la conférence, Le Roy, Bel et Triozzi s’inscrivent dans le débat chorégraphique contemporain qui vise à la danse comme art autonome, à travers une attitude performative qui met en avant leurs présences – formations, expériences de vie – en faveur de la cause artistique. Ils deviennent également des théoriciens performers de la scène, c’est-à-dire des artistes capables d’entamer un processus ouvert d’action critique au sujet de leur art.
L’art comme production de connaissance : entre théorie et pratique
Evangelos Athanassopoulos
Cet article cherche à se situer au croisement de trois approches différentes de l’art – esthétique, sociologique, et historique – dans l’objectif d’interroger le rapport qui existe entre, d’une part, le statut et la fonction du discours dans l’art contemporain et, d’autre part, les politiques culturelles, les réformes éducatives et les reconfigurations institutionnelles grâce auxquelles l’activité créative est en train de faire son entrée dans le marché de la connaissance.
Savoirs théoriques et production de discours dans les écoles supérieures d’art
Jérémie Vandebunder
Cet article considère le statut des enseignements théoriques dans les écoles d’art et la façon dont ceux-ci interviennent dans les mécanismes de la socialisation professionnelle. Il met en lumière la façon dont les étudiants en art découvrent les représentations du groupe professionnel et comment celles-ci introduisent un rapport particulier avec le discours théorique. Il introduit également la question du processus de Bologne et les débats que celui-ci a pu susciter dans les écoles d’art.
VARIA
« Raid the Icebox 1, with Andy Warhol » et critique institutionnelle : les origines de la carte blanche
Geneviève Chevalier
Cet essai examine les origines de la carte blanche lancée aux artistes par les musées, particulièrement lorsqu’elle s’incarne dans une nouvelle exposition des objets de la collection permanente. À travers l’étude du cas d’espèce que constitue l’exposition « Raid the Icebox 1, with Andy Warhol » et l’évocation des premières interventions associées au mouvement de la Critique institutionnelle, l’auteur se penche sur l’émergence d’une pratique qui est aujourd’hui l’apanage des artistes, des commissaires et des musées.
ENTRETIEN
Entretien Kamil Guenatri
Sarah Heussaff
Kamil Guenatri (La Terrasse) puise ses influences dans la littérature, la poésie et la philosophie transposés, sans compromis, au domaine des arts visuels. Cet entretien questionne la construction de la démarche artistique de l’artiste : du « mythe de la terrasse » à l’acte performatif dans lequel l’engagement du corps est plein et franc. Tout en prenant le temps du du quotidien et du détail, cette discussion amorce des questionnements plus larges et engagés relatifs aux recherches dans les Disability Studies et les Disability Arts.