Curieuse fascination que celle du XIXe siècle pour le duel. S’il est l’objet d’un nombre extraordinaire d’ouvrages et d’articles, sa réalité quantitative sur le terrain est bien plus incertaine. De même, constamment évoqués dans la littérature, les duels, une fois annoncés ou commencés, disparaissent souvent de la page et restent avortés, interrompus. Dans l’univers socioculturel du XIXe siècle, le duel semble à la fois omniprésent et essentiellement absent.
Ce paradoxe est l’objet du présent essai. Une lecture attentive des textes y mène à sa première conclusion : une incompatibilité formelle entre la logique du récit réaliste et le duel tel qu’on le conçoit au XIXe siècle. Cette problématique déborde la littérature et éclaire d’un jour nouveau la place
a priori étonnante prise par ce rituel archaïque dans l’imaginaire de la société industrielle naissante. La fascination du XIXe siècle pour le duel s’expliquerait avant tout par l’impossibilité de le raconter.
Uri Eisenzweig est professeur de littérature française et comparée à l’université de Rutgers (Etats-Unis).
Auteur de plusieurs travaux sur l’interaction du littéraire et du politique, il a notamment publié Fictions sur l’anarchisme (Christian Bourgois, 2001) et Naissance littéraire du fascisme (Seuil, 2013).
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