Paris 8 - Université des créations

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Revue Marges. revue d'art contemporain
Nombre de pages : 162
Langue : français
Paru le : 19/04/2018
EAN : 9782842928056
Première édition
CLIL : 3675 Revues sur l’art
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842928056

Version numérique
EAN : 9782842928063

Instrumentalisations de l’art

N°26/2018

Sous bien des aspects, la question de l’instrumentalisation de l’art s’est déplacée au cours des dernières décennies du terrain politique au terrain économique.

Ce nouveau numéro de marges s’intéresse aux manières et aux raisons à travers lesquelles l’art, ses acteurs et ses institutions, peuvent être mis au service de fins extérieures. La période récente, dans laquelle de nouveaux motifs et modalités d’instrumentalisation de l’art se sont substitués à d’autres, plus anciens et mieux connus, invite à reformuler un problème qui a traversé toute l’histoire de la modernité artistique.

NOUVEAU : marges passe à la couleur à partir de ce numéro !

Éditorial

Dossier : L’expérience dans l’art

Nicolas Heimendinger
« Introduction »

Gwenn Riou
« Un rendez-vous manqué : communistes et surréalistes dans les années 1930 »

Juliette Milbach
« Etat des lieux sur l’historiographie de l’art soviétique »

Lucas Le Texier
« La critique parisienne et la légitimation du free jazz. Vers une politisation du commentaire esthétique (1959-1965) »

Nicolas Ballet
« Symphony for a Genocide. Musiques industrielles et totalitarisme »

Bénédicte Ramade
« Désir vert : négocier avec la bonne conscience environnementale »

Emmanuel Ferrand
« L’art contemporain dans le complexe techno-scientifique »

Alexia Volpin
« L’action culturelle territoriale, entre implication et désengagement des protagonistes. Le cas des compagnies chorégraphiques »

Portfolio

Paul Heintz

Entretien

Douglas Crimp avec François Aubart

 

Notes de lecture et comptes rendus d’expositions

Abstracts français et anglais

« Un rendez-vous manqué : communistes et surréalistes dans les années 1930
Gwenn Riou
En 1930, les surréalistes projettent de constituer une association d’artistes et d’écrivains révolutionnaires. Au même moment, le Parti communiste français (PCF) cherche à créer une organisation artistique qui reflète les aspirations révolutionnaires du parti. Un lien s’établit alors entre communistes et surréalistes mais des dissensions apparaissent. Les surréalistes ne créent pas de groupement d’artistes révolutionnaires, certains quittent le mouvement et en 1932 le PCF a la mainmise sur l’Association des Écrivains et Artistes révolutionnaires. Il s’agit alors de comprendre les raisons de cet échec et comment le PCF s’est retrouvé seul à contrôler l’organisation.

Etat des lieux sur l’historiographie de l’art soviétique
Juliette Milbach
Les éléments conceptuels issus des écoles  « totalitarienne » et « révisionnistes » marquent encore profondément les études nouvelles sur l’histoire de l’art soviétique, en particulier de la période stalinienne. Cet article propose d’analyser l’évolution de la question du réalisme socialiste dans les études de ces trente dernières années et la question du statut de l’artiste soviétique afin de comprendre ce que les études monographiques peuvent apporter à l’étude de l’opposition entre réalisme et abstraction dans la définition de l’art au 20e siècle.

« La critique parisienne et la légitimation du free jazz. Vers une politisation du commentaire esthétique (1959-1965) »
Lucas Le Texier
Cet article s’attache à montrer au sein des deux grandes revues françaises spécialisées de jazz – Jazz Hot et Jazz Magazine – les enjeux liés à leur découverte du free jazz joué par les musiciens afro-américains entre 1959 et 1965 : d’une part, les interprètes s’en revendiquent pour s’émanciper d’une étiquette « jazz » jugée trop rigide et connotée ; de l’autre, il est l’objet d’une nouvelle théâtralisation d’un conflit esthétique, légitimant une nouvelle génération de critiques qui politise le commentaire esthétique.

« Symphony for a Genocide. Musiques industrielles et totalitarisme
Nicolas Ballet
Le courant des musiques industrielles révèle, dès le milieu des années 1970 et tout au long des années 1980, une culture visuelle globale croisant différents médias dans un dialogue étroit avec l’héritage de la modernité. Certains groupes industriels mettent en scène une esthétique fascisante dans leurs œuvres, prenant comme repère l’histoire des régimes autoritaires, en particulier celui du Troisième Reich, afin d’interroger la façon dont les mass media de leur époque incarnent une forme de totalitarisme dissimulé. La diffusion de ces images auprès d’un public éclectique permet cependant à une scène politique d’extrême droite d’instrumentaliser ce mouvement artistique.

« Désir vert : négocier avec la bonne conscience environnementale »
Bénédicte Ramade
Depuis les prémices de son histoire en 1861, la photographie environnementale a été instrumentalisée à des fins politiciennes aux Etats-Unis. Ce « usage loyal » fait partie de l’ADN de cette photographie qui allie l’esthétique de la photographie paysagère et naturaliste à une conscience environnementale. Comment gérer avec l’effet de certains mots-clefs comme « environnement », « nature », qui se livrent littéralement à l’éco-blanchiment du contenu d’expositions ou de publications ? Après avoir analysé de tels exemples, cet article entend explorer un verdissement plus subtil, celui opéré par la bonne intention du public. Car questionner la portée de l’exploitation d’œuvres d’art par les institutions et les commissaires d’exposition, implique aussi d’explorer le pouvoir de verdissement du spectateur, son désir environnemental.

L’art contemporain dans le complexe techno-scientifique
Emmanuel Ferrand
Si les liens entre arts et sciences sont anciens, ces dernières années ont vu les institutions scientifiques institutionnaliser l’accueil d’artistes en résidence ou leur implication dans des expositions d’art contemporain. Si l’on n’observe en général pas de manipulation grossière du travail des artistes à des fins de promotion des solutions promises par la techno-science,  on peut poser la question d’une instrumentalisation douce, qui s’accommoderait bien du contenu pourtant souvent revendiqué comme critique des productions artistiques.

« L’action culturelle territoriale, entre implication et désengagement des protagonistes. Le cas des compagnies chorégraphiques »
Alexia Volpin
Dans les projets d’action culturelle territorialisés, la prise en compte de la diversité des attentes et des capacités de tous les acteurs est primordiale. Cependant, ces dispositifs mettent en évidence une confrontation entre différents objectifs que cet article propose d’illustrer. Les interactions entre les partenaires, les opportunités et les contraintes liées à l’action culturelle seront questionnées, ainsi que la reconnaissance des artistes impliqués dans ces projets.

 

« A missed appointment: Communists and Surrealists in the 1930s
Gwenn Riou
In 1930, Surrealists want to constitute an association of revolutionary artists and writers. At the same time, the French Communist Party (PCF) tries to create an artistic organization which is in adequacy with its revolutionary aspirations. A link between Communists and Surrealists was established but conflicts arise. Surrealists don’t create any revolutionaries artistic organization, some of them leave the group and in 1932 the PCF controls the Association des Écrivains et Artistes révolutionnaires (Association of revolutionaries Writers and Artists). We have to understand the reasons of surrealists’ failures and how the PCF succeeded to control the organization.

Overview of the Current State of the Soviet Art Historiograph
Juliette Milbach
The paradigms developed by the “Totalitarian” and “Revisionist” school still define the approach to  Soviet arts studies, in particular for the Stalin era. By analysing the evolution of the perception of both the socialist realism and the status of the artist over the last thirty years, this article seeks to demonstrate what new studies can bring to the study of the opposition between realism and abstraction in defining the 20th century art.

Parisian jazz critique and free jazz legitimation: a new politicisation of the aesthetic review (1959-1965
Lucas Le Texier
This article tackles the issue of the discovery of free jazz by African American musicians between 1959 and 1965 in two major jazz-specialized French periodicals – Jazz Hot and Jazz Magazine. On the one hand, it deals with the fact that such musicians tend to claim their affiliations to free jazz, thus emancipating from a ‘jazz label’ that would seem too rigid and connoted ; on the other hand, free jazz is also subject to a new dramatization of an aesthetic conflict, that would legitimate a new generation of critics that politicizes the aesthetic review.

« Symphony for a Genocide. Industrial music and totalitarianism »
Nicolas Ballet
England in the 1980s witnessed the emergence of industrial music bands involved in a counterculture that operated as a platform of exchange between the arts. Some industrial musicians became aware of the rise of mass media and of the new kinds of power that followed an ability to manipulate crowds. These artists used a subversive iconography in their visual productions in order to reveal a form of implicit totalitarianism generated by the power of information. However, the diffusion of these images among a large audience are instrumentalize by some right-wing parties and nationalists trends.

Greenwishing: dealing with a wishful environmental awarenes
Bénédicte Ramade
Since the beginning of its history in 1861, Environmental photography has been exploited for the sake of politician purpose in the United-States. This “fair use” is part of the DNA of this photography, a genre that mixes landscape and nature photography’s aesthetics with environmental awareness. How to deal with the aura of the words “environment”, “nature”, as these keywords literally green the content of any publication or exhibition? After analyzing some examples of projects that could be assimilated to greenwashing, this paper intends to explore a subtler greening made of the genuine intention of the spectator. Because questioning the true exploitation of artworks by institutions and curators also requires exploring the power of greenwishing that belongs to the spectator, it’s environmental beliefs.

Contemporary art in the technoscience comple
Emmanuel Ferrand
The ancient relationship between art and science is now being revisited in a more systematic way by major scientific institutions, which are providing many opportunities for artists, such as residencies or exhibitions. Even though there is no immediate control over this artistic production, one may wonder whether there nevertheless will remain a residual instrumentalisation of art by technoscience, which would paradoxically put up well with the critical approach often claimed by artists.

« Territorial cultural action, between involvement and disengagement of players. The case of dance companies
Alexia Volpin
In territorialized cultural action projects, it is essential to take into account the diversity of expectations and capacities of all actors. However these mechanisms highlight a confrontation between different objectives that this article proposes to illustrate. Interactions between partners, opportunities and constraints related to cultural action will be questioned, as well as the gratitude of the artists involved in these projects.

Introduction

Le couple problématique de l’instrumentalisation et de l’autonomie de l’art a été au cœur des enjeux de la modernité artistique, des controverses entre partisans romantiques de l’art pour l’art et promoteurs utilitaristes d’un art social au début du 19e siècle, jusqu’à l’opposition esthétique et politique des années 1930-1950 entre abstraction et réalisme socialiste. De ce point de vue, la période 1960-1980 représente un basculement. D’une part, dans le sillage du débat postmoderniste, nombre d’artistes et de théoriciens ont promu une conception de l’art comme activité nécessairement investie dans la réalité vécue, sociale, politique, de sorte que la défense d’une pure autonomie de l’art (telle que la concevait le formalisme le plus strict) semble aujourd’hui impossible. D’autre part, avec la fin de la guerre froide et la globalisation économique, les stratégies traditionnelles d’instrumentalisation politique de l’art (comme moyen direct de propagande ou objet de censure systématique) paraissent, à tort ou à raison, s’être largement raréfiées.

Sous bien des aspects, la question de l’instrumentalisation de l’art s’est déplacée au cours des dernières décennies du terrain politique au terrain économique. L’art contemporain s’est ainsi trouvé de plus en plus impliqué, suite au développement du marché de l’art, dans des opérations financières de grande ampleur, de la part de particuliers, mais aussi d’entreprises, de fonds de placement, etc. Par ailleurs, il fait aussi l’objet de nouvelles formes de sponsoring et de partenariats économiques privés qui visent à produire, outre la traditionnelle légitimation sociale apportée par le mécénat culturel, des bénéfices économiques directs ou indirects. Si l’art contemporain est de plus en plus intégré à des logiques de marketing, les pouvoirs publics sont loin d’avoir délaissé l’idée d’un usage politique de l’art, même si cela prend des formes en apparence plus neutres idéologiquement qu’auparavant. L’investissement dans l’art contemporain et ses institutions (musées, centres d’art, biennales, etc.) s’intègre ainsi à des stratégies globales visant à améliorer l’aménagement, l’attractivité et la compétitivité économique d’un territoire. Ce peut être à l’échelle d’une ville, à l’instar de « l’effet Bilbao » dans les années 1990, ou d’un pays entier, dans une logique de valorisation des creative industries, comme a pu l’illustrer la Cool Britannia des années Blair. L’art peut également être mobilisé par les pouvoirs publics comme vecteur de lien social, et les artistes encouragés à travailler dans les prisons, les hôpitaux, les écoles, les « quartiers sensibles », etc. Si ces initiatives répondent parfois à un désir d’engagement des artistes, elles posent aussi la question de leur instrumentalisation par certains programmes culturels qui visent moins à résoudre sur le fond les tensions sociales qu’à s’en dédouaner à peu de frais.

Les quatre premiers textes de ce numéro permettent de jeter un regard neuf sur des exemples historiques de confrontation entre démarches artistiques et agendas politiques. Avec « Un rendez-vous manqué : communistes et surréalistes dans les années 1930 », Gwenn Riou revient sur la tentative de mise en relation des objectifs politiques du mouvement surréaliste avec ceux du Parti communiste français, ce qui lui permet de remarquer que dans un contexte politique tendu, les premiers ont été progressivement pris au piège d’une organisation avec laquelle ils ne luttaient pas à armes égales.

Le lien du PCF avec les recommandations en provenance directe d’Union soviétique est connu. En revanche, comme le montre Juliette Milbach, le regard qui est porté sur le réalisme socialiste ou sur les directives adressées aux artistes en Union soviétique a été soumis à plusieurs révisions ces dernières années, notamment à la suite de l’ouverture des archives de l’époque stalinienne. Même si le fait d’évacuer entièrement les questions idéologiques n’est pas simple, ces révisions permettent d’apporter des nuances à la vision traditionnelle qui ne voyait dans l’art en URSS que le simple reflet de la politique d’un parti unique.

Le texte de Lucas Le Texier concerne une période un peu plus récente et un domaine en apparence plus éloigné des questions d’instrumentalisation politique : le free jazz. De fait, si ce genre musical est difficilement assimilable à un quelconque positionnement, en tant que tel, il n’en va pas de même des commentaires qui lui ont été consacrés en particulier dans les revues parisiennes spécialisées au cours des années 1950-60.

Une situation similaire est décrite par Nicolas Ballet, à propos du lien entre musiques industrielles des années 1970-80 et totalitarismes fasciste ou nazi. Ici, contrairement aux années 1930 ou 1950-60, les musiciens concernés n’ont pas été sommés de se positionner politiquement et ils ont librement choisi d’associer leur démarche à une imagerie politiquement connotée. Ainsi que le montre l’auteur, une telle démarche n’est pas sans ambivalence et s’ils ont pu avoir l’ambition de participer à une dénonciation de l’imagerie totalitaire, cela ne s’est pas fait sans une certaine fascination pour les images en question.

Les trois textes suivants traitent de la situation la plus contemporaine. Dans « Désir vert : négocier avec la bonne conscience environnementale », Bénédicte Ramade commence par revenir sur la manière dont, depuis le 19e siècle, la photographie environnementale a été instrumentalisée à des fins politiciennes aux États-Unis, avant de montrer comment ce phénomène est loin d’être terminé, procédant d’une volonté récurrente dans ce pays de diffuser aussi largement que possible une bonne conscience environnementale.

Pour sa part Emmanuel Ferrand constate la fascination de certains artistes contemporains pour les biotechnologies, remarquant que la question de l’instrumentalisation y est ambiguë. En effet, si l’on n’observe pas en général de manipulation grossière du travail des artistes à des fins de promotion des solutions promises par la techno-science, la question se pose toutefois d’une instrumentalisation douce, qui s’accommoderait bien du contenu pourtant revendiqué comme critique des productions artistiques.

Le dernier article, dû à Alexia Volpin, analyse enfin de l’intérieur les phénomènes d’instrumentalisation, à partir de l’étude menée par l’auteur sur les processus décisionnaires ayant accompagné le montage des productions chorégraphiques de deux compagnies actives dans la région Rhône-Alpes.

Le dossier de ce numéro est enfin complété d’un entretien entre Douglas Crimp et François Aubart, où il est question de certaines des questions abordées dans les articles qui précèdent.

Nous publions par ailleurs, un portfolio d’œuvres de Paul Heintz — lequel est, pour la première fois dans l’histoire de Marges, en couleur —, ainsi que quelques comptes rendus d’ouvrages et d’expositions.

 

Jérôme Glicenstein

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Revue Marges. revue d'art contemporain
Nombre de pages : 162
Langue : français
Paru le : 19/04/2018
EAN : 9782842928056
Première édition
CLIL : 3675 Revues sur l’art
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842928056

Version numérique
EAN : 9782842928063

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