Paris 8 - Université des créations

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Revue Marges. revue d'art contemporain
Nombre de pages : 202
Langue : français
Paru le : 24/10/2023
EAN : 9782379243073
Première édition
CLIL : 3675 Revues sur l’art
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782379243073

Art et travail

N°37/2023

marges aborde la relation des artistes, mais aussi des institutions, à la question du travail.
La question du travail a longtemps été ignorée, s’agissant de la création artistique. Les artistes n’agissent-ils pas librement et selon leur bon plaisir ? Comment et pourquoi assimiler leur activité au travail et aux connotations d’assujettissement que cette notion implique ? Ce numéro choisit de mettre en avant la relation parfois compliquée qui lie les artistes et les institutions à la question du travail, par son impact sur la création. Au regard de l’histoire de l’art, comme des revendications actuelles, il s’agit d’interroger les potentielles discordances ou concordances de ce rapport entre art et travail, ainsi que les manières dont il se traduit dans les pratiques artistiques contemporaines.

Éditorial – Jérôme Glicenstein

Thématique : Art et travail

 

Dossier : Art et travail

 

 Introduction : art et travail, art au travail

       Émeline Jaret

 

Sociographie de l’atelier d’artistes contemporain : jalons pour une relocalisation de l’étude du travail de production des œuvres d’art

       Isabelle Mayaud

 

 « On n’est pas des rustines de la République » : entre injonctions institutionnelles et pratiques politiques, quels rôles pour les artistes ?

       Tecla Raynaud

 

 DIS-GCC : une « constellation réticulaire » sur la voûte céleste de l’art contemporain

       Joan Grandjean

 

Le « détravail » de Valerie Solanas dans l’œuvre de Chiara Fumai : un exemple d’appropriation artistique d’une notion féministe radicale

       Ariane Fleury

 

 Parler du travail dans la grammaire de l’art

       Pascale Borrel

 

 L’invisible travail de l’autoportraitiste dans La Télévision de Jean-Philippe Toussaint     

       Vivien Poltier

     Varia

 

 Pilvi Takala, l’artiste comme employée

       Mickaël Pierson

 

     Entretiens

 

La logique romantique du droit d’auteur à l’origine des inégalités dans les carrières littéraires et artistiques ?

       Émeline Jaret et Stéphanie Le Cam

 

Vivez votre vie, il n’y a plus besoin de travailler ! Il suffit de vivre et c’est en vivant qu’on va faire du profit,
en étant beaux et sympas !

       Marie Brines et Emmanuelle Lainé

 

    

 Portfolio

 Emmanuelle Lainé

 

Comptes rendus d’ouvrages et d’expositions

 

Abstracts : Français/English

 

Qualité des auteurs

 

Recommandations aux auteurs

 

Bon de commande et abonnement


« Sociographie de l’atelier d’artistes contemporain : jalons pour une relocalisation de l’étude du travail de production des œuvres d’art » 

Isabelle Mayaud

En prenant appui sur une enquête empirique menée à l’échelle de la France métropolitaine et ultramarine, cet article propose une sociographie de « l’atelier d’artistes » contemporain. Les espaces dans lesquels se regroupent aujourd’hui des artistes visuels constituent un observatoire privilégié du travail de création artistique et de ses transformations. Partant de l’examen de ce lieu historique de production, sont ainsi posés les jalons d’un programme de recherche qui s’arrime à une relocalisation de l’étude de l’innovation esthétique. 


«”On n’est pas des rustines de la République” : entre injonctions institutionnelles et pratiques politiques, quels rôles pour les artistes ? »

Tecla Raynaud

Cet article propose, à partir de premiers résultats d’une enquête en cours, des éléments d’analyse concernant différentes utilisations des pratiques artistiques participatives : par les pouvoirs publics et les institutions responsables des dispositifs participatifs, et par les artistes. Les artistes, dans ces contextes, se trouvent dans l’obligation de jouer différents rôles, en tension entre injonctions institutionnelles, objectifs professionnels et place du politique dans leurs pratiques.

 

« DIS-GCC : une “constellation réticulaire” sur la voûte céleste de l’art contemporain »

Joan Grandjean

Depuis la fin du 20e siècle, les artistes ont tendance à basculer vers le collectif pour se regrouper dans le cadre de collaborations ponctuelles, sur le mode de la mise en réseaux, afin de construire ou de consolider le parcours professionnel des individualités qui les composent. Cette étude s’intéresse plus particulièrement aux histoires des collectifs DIS et GCC : des liens qui les unissent sans omettre le rapport particulier que ces deux initiatives entretiennent avec la notion de travail.

 

« Le “détravail” de Valérie Solanas dans l’œuvre de Chiara Fumai : un exemple d’appropriation artistique d’une notion féministe radicale »

 Ariane Fleury

Cet article se penche sur la manière dont l’artiste Chiara Fumai (1978-2017) s’empare de la notion de « détravail », telle que définie par Valerie Solanas, pour concevoir sa pratique et expérimenter de nouveaux moyens créatifs. Ce texte démontre comment Fumai, à travers ses références féministes et sa fascination pour l’occulte, a élaboré une œuvre politique subversive qui entretenait un rapport singulier aux cadres de la production artistique, ainsi qu’à l’idée d’auctorialité.

 

« L’invisible travail de l’autoportraitiste dans La Télévision de Jean-Philippe Toussaint »

Vivien Poltier

L’article présente le problème du travail et du non-travail de l’écrivain à travers différentes analyses de La Télévision (1997) de Jean-Philippe Toussaint. Il s’agit dès lors de montrer que le roman relève à la fois de la satire et du traité d’esthétique, en réfléchissant au « travail invisible » de l’artiste, difficile ou impossible à objectiver.

 

« Parler du travail dans la “grammaire de l’art” »

Pascale Borrel

Mettre en relation Rêver sous le capitalisme de Sophie Bruneau et Personne ne sort les fusils de Sandra Lucbert, c’est souligner l’attention que ce film documentaire et cette œuvre littéraire portent aux « manières de dire » la souffrance au travail. Dans le cadre de la « grammaire de l’art » qu’elles établissent, Bruneau et Lucbert expriment les violences générées par l’emploi salarié : l’une fait entendre les paroles de ceux et celles qui les subissent ou l’autre met au jour les rouages des discours gestionnaires. 


 

« Sociography of the contemporary artist’s studio: milestones for a relocation of the study of the work of production of artworks » 

Isabelle Mayaud

Based on an empirical survey conducted in metropolitan and overseas France, this article proposes a sociography of the contemporary “artists’ studio”. The spaces in which visual artists are gathered today constitute a privileged observatory of the work of artistic creation and its transformations. Starting with the examination of this historical place of production, the milestones of a research program are thus laid, which is linked to a relocation of the study of aesthetic innovation. 

 

« “We are not the government’s bandaids”: between institutional demands and politics, what roles for the artists? »

Tecla Raynaud

This article, using results from an ongoing survey, presents elements of analysis on different uses of participative practices by the authorities and institutions responsible for participative devices, and by artists. Artists, in those contexts, have to play different roles, torn between institutional demands, personal goals and political issues in their practice.

 

« DIS-GCC: a “Reticular Constellation” in Contemporary Art’s Vault of Heaven »

Joan Grandjean

Since the late 20th century, many artists have been switching from single to collective and collaborative creation. As individual artists, they can build or strengthen their careers thanks to a networking strategy. This study focuses on the history DIS and GCC collectives: their connections and their approach of work in contemporary art.

 

« Valerie Solanas’s “Unwork” in Chiara Fumai’s Art Practice: an Example of Artistic Appropriation of a Radical Feminist Notion »

Ariane Fleury

This article addresses the way Chiara Fumai (1978-2017) uses the notion of “unwork”, as defined by Valerie Solanas, in order to conceive her own practice and experiment with new creative means. This text demonstrates how Fumai, through her feminist references and her fascination for the occult, has formulated a political and subversive practice which dealt with both the frames of artistic production and the idea of authorship.

 

« The invisible work of the self-portraitist in La Télévision by Jean-Philippe Toussaint »

Vivien Poltier

Abstract: The article presents the problem of the work and the non-work of the writer through different analyses of La Télévision (1997) by Jean-Philippe Toussaint. The aim is to show that the novel is both a satire and a treatise on aesthetics, by reflecting on the “invisible work” of the artist, difficult or impossible to objectivize.

 

« Talking About Work in the “Grammar of Art” »

Pascale Borrel

Putting in contact Sophie Bruneau’s Rêver sous le capitalisme and Sandra Lucbert’s Personne ne sort les fusils, leads to underline the attention that this documentary film and this literary work pay to the « ways of saying » suffering at work. By the means of the « grammar of art » that they establish, Bruneau and Lucbert express the violence generated by salaried employment: one lets us hear the words of those who suffer from it, while the other brings to light the process of managerial discourse.

Éditorial

Au tournant des années 1960-1970, le mot travail en vient à désigner non seulement l’activité artistique, mais également son produit. Ce glissement sémantique traduit un changement dans les façons de penser l’art puisque, à la fois aux États-Unis et en Europe, tout un pan du monde de l’art se met à réfléchir à la manière de rendre compte des processus de production des œuvres. Le déplacement de l’intérêt pour l’œuvre comme objet fini vers une prise en compte de plus en plus grande des processus créatifs, entraîne ainsi une redéfinition du statut non seulement de l’œuvre mais aussi des personnes qui en sont productrices. Il intervient dans le contexte du développement du minimalisme, de l’art conceptuel, du process art, de la critique d’art féministe, autant de mouvements de pensée qui réfutent la centralité de l’objet d’art et l’idée d’un isolement de l’artiste dans la société. Le choix du mot travail est motivé par une arrière-pensée politique qui trouve, entre autres, ses origines dans la double tendance marxiste et féministe de l’époque : à la fin des années 1960, il accompagne la volonté d’une part importante du milieu de l’art de se revendiquer comme travailleurs. C’est l’époque où se développent des initiatives collectives, telles que le Canadian Artists’ Representation (CARFAC – Front des artistes canadiens) en 1968, l’Art Workers Coalition (AWC – la coalition des travailleurs de l’art), à New York en 1969, ou encore le Front des artistes plasticiens (FAP) apparu peu de temps avant les États Généraux des Arts Plastiques, à Paris en 1972.

Si la généralisation du terme « travail » dans le vocabulaire artistique traduit une mutation de l’art, cela s’accompagne aussi de l’apparition de nouvelles postures auctoriales, au premier rang desquelles celle de l’artiste-travailleuse ou travailleur. Au fil des décennies, cette posture signifie des manières d’être artiste différentes : de l’assimilation de l’artiste à l’ouvrière ou l’ouvrier et à l’artisane ou l’artisan pour les années 1960-1970, dans la filiation de l’auteur-producteur évoqué par Walter Benjamin dans son article de 1934, jusqu’à la flexibilisation du métier d’artiste, décrite dans les années 1990-2000 par certains sociologues ou économistes (Luc Boltanski, Eve Chiapello ou Pierre-Michel Menger) et qui peut renvoyer à l’idée d’un entreprenariat d’artiste. Quelles que soient ses variations au fil des décennies, la posture de l’artiste-travailleuse ou travailleur perdure au point de représenter une constante dans les discours de l’art depuis les années 1960.

Au même moment, l’œuvre, au sens de ce que produit une pratique artistique, est de plus en plus désigné comme étant un travail. Si le mot semble avoir perdu sa portée politique pendant un temps, celle-ci réapparaît depuis une quinzaine d’années dans les revendications professionnelles des artistes plasticiens et plasticiennes. Reconduisant l’opposition historique entre régimes vocationnel et professionnel de l’art, les récents débats sur la création d’un statut pour les artistes – statut qui réglementerait leurs conditions d’exercice et de rémunération – s’appuient précisément sur le travail et ses enjeux tant politiques que théoriques. Empruntant les définitions du travail en tant que concept philosophique, sociologique, économique ou juridique, les revendications actuelles rejoignent des enjeux qui ont fondé la posture de l’artiste-travailleuse ou travailleur quelques décennies plus tôt. En étant à la fois support et sujet du processus créatif, l’apport du concept de travail entend alors participer à une modification de la création par la mise en exergue de sa dimension (auto)réflexive.

La première partie du numéro permet d’aborder les fondements de l’intérêt récent pour la notion de travail, en s’interrogeant sur certains de ses aspects. Isabelle Mayaud pose ainsi la question de savoir ce qu’est devenu l’atelier d’artiste à notre époque. L’enquête qu’elle mène permet de constater que les espaces de création reflètent une évolution des pratiques qui offre une place de plus en plus importante aux dispositifs de création collective. Au même moment, les lieux ne se cantonnent plus à la définition traditionnelle de l’atelier, isolé, permettant la fabrication de tableaux et de sculptures et se situent de plus en plus dans un continuum d’activités qui vont de la conception de projets jusqu’à leur exposition et donc de l’atelier au centre d’art en passant par l’école d’art ou la friche culturelle. 

L’article suivant, dû à Tecla Raynaud, s’intéresse plus particulièrement aux implications sociales des pratiques artistiques participatives. Les artistes de la région Rhône-Alpes qu’elle a étudiés, se trouvent dans l’obligation de jouer différents rôles, éprouvant une tension entre injonctions institutionnelles, objectifs professionnels et place du politique dans leurs pratiques. La question récurrente est celle de leur instrumentalisation éventuelle par d’autres acteurs, notamment à l’échelle des politiques locales, ce qui rend leur action parfois ambivalente.

Le troisième article concerne une autre dimension du travail artistique à notre époque : sa mise en réseau. À travers l’étude de la plateforme DIS et de la délégation GCC, Joan Grandjean nous entraîne au cœur de la trajectoire d’un groupe d’artistes, designers, musiciens et architectes, entre le Koweït et les États-Unis. Il s’agit d’observer la manière dont, au-delà du travail proprement dit, les affinités personnelles et les rencontres fortuites peuvent jouer un rôle primordial dans la carrière des artistes et la valorisation de leurs œuvres.

La deuxième partie du numéro correspond à des études de cas. Le premier, d’Ariane Fleury, concerne la démarche de Chiara Fumai, laquelle peut sembler assez radicale dans ses principes. L’artiste italienne reprend en effet à son compte les textes des années 1960 de Valerie Solanas, incarnant son personnage dans l’espace public, mettant en scène sa notion de « détravail » et questionnant les limites de ce que peut être une intervention artistique.

Les deux derniers textes sont également des études de cas, mais traitant davantage de représentations artistiques du monde du travail que du travail artistique en tant que tel. Le film documentaire Rêver sous le capitalisme de Sophie Bruneau et le roman Personne ne sort les fusils de Sandra Lucbert – analysés par Pascale Borrel – traitent tous deux de l’emploi salarié et font entendre des formes narratives qui se réfèrent à la souffrance au travail, qu’il s’agisse des salariés qui éprouvent cette souffrance ou de ceux qui la génèrent. Enfin, le commentaire que livre Vivien Poltier de La Télévision de Jean-Philippe Toussaint revient sur la mise en abyme de l’activité artistique, dans ce récit de l’incapacité d’écrire qui pose le problème de ce qu’est le travail (et le non-travail) pour un artiste.

Le numéro est complété par un entretien avec Emmanuelle Lainé et un portfolio de la même artiste, ainsi que par une série de comptes rendus.


Jérôme Glicenstein

Octobre 2023

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Revue Marges. revue d'art contemporain
Nombre de pages : 202
Langue : français
Paru le : 24/10/2023
EAN : 9782379243073
Première édition
CLIL : 3675 Revues sur l’art
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782379243073

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