Redouane DJAMOURI : « Écriture et divination sous les Shang »
Après un bref exposé des principes techniques de la divination par l’os et l’écaille de tortue pratiquée en Chine à la cour des Shang (XIVe-XIe siècle avant notre ère), l’article rappelle les principales tentatives décrivant l’articulation entre cette pratique et les croyances religieuses de l’époque. Par ailleurs, un certain nombre d’observations viennent témoigner du fait que les inscriptions gravées sur les os et écailles en question n’avaient pas en elles-mêmes (dans leur matérialité scripturaire) de valeur divinatoire ou incantatoire. L’hypothèse proposée ici est que l’acte divinatoire dans sa technicité et l’acte scripturaire dans toute sa dimension langagière correspondent à deux artefacts et répondent en fait à deux types différents de rationalité.
Marc KALINOWSKI : « La rhétorique oraculaire dans les chroniques anciennes de la Chine. Une étude des discours prédictifs dans le Zuozhuan »
L’article étudie les discours prédictifs dans les Chroniques de Zuo (Zuozhuan ; IVe siècle avant notre ère). Après avoir dégagé les facteurs qui permettent de considérer ces discours comme un genre littéraire particulier, à mi-chemin entre le mode discursif des argumentations de conseillers et le mode oraculaire des consultations divinatoires, il analyse leur incidence sur la composition de l’ouvrage. Puis, l’auteur considère les liens qui existent entre la rhétorique oraculaire des Chroniques, la tradition des scribes préimpériaux et les mouvements d’idées à l’époque des Royaumes combattants.
Jean LEVI : « Pratiques divinatoires, conjectures et critique rationaliste à l’époque des Royaumes Combattants »
En Chine ancienne, il n’y a pas de solution de continuité entre les supputations fondées sur l’analyse des indices fournis par la réalité concrète et le déchiffrement des configurations hexagrammatiques obtenues par la manipulation des bâtonnets d’achillée. Aussi, lorsqu’un Han Fei critique ces pratiques, ce n’est pas seulement la magie et la superstition qui sont visées, mais un mode de connaissance qui prétendrait faire l’économie d’une confrontation avec le réel.
John HENDERSON : « Divination et exégèse »
L’exégèse des classiques confucéens, et en particulier celle du Livre des mutations et des Annales des printemps et automnes, peut être mise en rapport avec les arts mantiques de plusieurs manières : d’abord par le fait de remonter très probablement à des origines divinatoires, puis par le fait de remplir les mêmes fonctions sociales et intellectuelles que la divination, et enfin parce qu’elle repose sur des hypothèses similaires quant à la nature de ses supports (le texte canonique d’une part et le matériau mantique de l’autre).
Donald HARPER : « Médecins et devins : la relation de la divination à la médecine du Huangdi neijing (Livre interne de l’Empereur Jaune) »
Pour ce qui est de leur arrière-plan social et intellectuel, les médecins-auteurs du Huangdi neijing (Livre interne de l’Empereur jaune ; compilé vers le Ier siècle avant notre ère) faisaient partie des mêmes milieux que les devins, les astrologues et les autres spécialistes de savoirs techniques. Une analyse des passages pertinents dans le Livre interne &endash; réalisée à la lumière de manuscrits récemment exhumés traitant de médecine et de divination &endash; montre combien la théorie et la pratique médicales reflétées dans cet ouvrage ont subi l’influence de traditions mantiques contemporaines. Les évidences fournies par les manuscrits permettent une compréhension non seulement nouvelle mais aussi plus juste du Livre interne, tout en situant l’étude du développement de la médecine chinoise ancienne dans une perspective élargie.
Mark CSIKSZENTMIHALYI : « Sévérité et indulgence : divination et loi dans la Chine des débuts de l’Empire »
Même si le rapport entre pratiques juridiques et divinatoires n’apparaît pas dans les codes légaux en tant que tels, ceci ne veut pas dire qu’il n’existait entre elles aucun lien. Un examen des débats sur le bien-fondé des interprétations du résultat de procédures techniques mises en oeuvre dans chaque domaine montre qu’à partir des Han ces pratiques étaient conçues selon des modalités semblables. Un exemple concret de cette ressemblance réside dans l’impact exercé par l’opposition entre le souple et le dur &endash; centrale dans la divination par l’achillée &endash; sur les premiers débats concernant la prise en compte de valeurs éthiques dans le contexte judiciaire.
Jérôme BOURGON : « Le rôle des schémas divinatoires dans la codification du droit chinois. À propos du Commentaire du code des Jin par Zhang Fei »
Ce n’est qu’à partir du IIIe siècle de notre ère que les lois pénales chinoises ont été véritablement codifiées. L’exégèse du Yijing par l’école des Mystères a inspiré à Zhang Fei trois principes qui furent à la base de la codification classique des Tang : grâce à sa structuration interne le code fournit un ensemble complet suffisant à couvrir toutes les infractions ; les châtiments suivent des règles permettant de mettre toutes les parties du code en cohérence ; les lois recèlent des “raisons” permettant de les appliquer aux cas imprévus.
Jean-Jacques GLASSNER : « Questions mésopotamiennes sur la
divination »
Quelques jalons pour une approche comparative des divinations chinoises et mésopotamiennes : mobiles de l’invention de l’écriture, l’écriture comme gamme de techniques aptes à créer des possibilités nouvelles d’action sociale, rôles respectifs du roi et de l’exorciste, divination et rationalités multiples, divination et écriture de l’histoire.
Geoffrey LLOYD : « Divination : traditions et controverses en Chine et en Grèce »
L’auteur rappelle les enjeux du programme d’étude de la divination lancé dans les années 50 et oriente son examen comparatif vers la distribution des rhétoriques les plus souvent mobilisées par divers groupes sociaux, en Chine et en Grèce, pour marquer la continuité ou l’opposition de leurs activités avec les pratiques divinatoires. À cette fin, il fait le tour des sources grecques disponibles, évoque la diversité des attitudes vis-à-vis de la divination et souligne comment une rhétorique assez généralisée de démarcation, servie par le développement d’analyses épistémologiques, recouvre parfois une réelle continuité de manières de faire.