Celia Jakubowicz : « Grammaire universelle et acquisition du langage » Cet article tente de montrer que c’est en s’appuyant sur une théorie linguistique que les recherches sur l’acquisition permettront de mieux comprendre à la fois la struc-ture des langues et les mécanismes de leur acquisition. Après avoir résumé dans leurs grandes lignes les relations entre la linguistique théorique et les recherches sur l’acquisition, nous nous attachons plus particulièrement à décrire l’influence sur ces dernières de la théorie des Principes et Paramètres proposée par N. Chomsky.Nous montrons que l’interaction de ces deux approches a été diverse et fructueuse quant aux sujets traités et aux problèmes théoriques soulevés.Trois points de vue différents sur l’acquisition du langage sont discutés : l’Hypothèse de la Continuité Stricte Forte, l’hypothèse de la Continuité Stricte Faible, et l’hypothèse de la Discontinuité.
Aafke Hulk : « L’acquisition du sujet en français » Nous soutenons que l’acquisition des sujets lexicaux, en français, présente diverses caractéristiques qui ne s’observent pas dans d’autres langues. Ceci est dû au fait que les pronoms sujets du français moderne n’ont pas le même statut que les NP sujets parce que ce sont des clitiques syntaxiques qui font partie du système d’accord AGRs. Reprenant l’idée de Ferdinand 1994, nous montrons que les clitiques sujets du français sont acquis de la même façon que les autres marques d’accord verbal. Qui plus est, ces clitiques font souvent l’objet d’une réduction phonologique chez les enfants, du fait qu’ils constituent la première syllabe inaccentuée de leur mot (clitique + verbe). La réduction phonologique complète du clitique sujet crée ainsi l’impression d’un sujet nul. En adoptant cette hypothèse, nous mettons implicitement en question l’idée, proposée dans la littérature, suivant laquelle l’acquisition des sujets lexicaux est, en français, directement reliée à celle de la projection CP
Reiko Mazuka, Barbara Lust, Tatsuko wakayama, Wendy Shyder : « Null subject grammar’ and phrase structure in early syntax acquisition : A cross-linguistic study of Japenese and English » Deux questions sont au centre du problème débattu dans cet article : (i) l’omission du sujet – que nous renommons “omission préférentielle du sujet” (OPS) – est-elle universellement observée ? (ii) Relève-t-elle d’une contrainte grammaticale? Le résultat d’une étude comparative des productions spontanées de jeunes enfants anglophones et japonophones permet de répondre négativement à ces questions. Nous suggérons que l’OPS (observée en anglais mais pas en japonais) résulte de l’interaction des facteurs grammaticaux (orientation de la récursitivé dans chaque langue) avec des facteurs de performance.
Cornelia Hamann, Luigi Rizzi, Uli Frauenfelder : « On the acquisition of the pronominal system in French » Cet article étudie l’acquisition du système des pronoms en français, par une analy-se quantitative d’un corpus de productions spontanées. Les trois principaux résultats sont les suivants : (i) dès l’âge de deux ans, l’enfant maîtrise les contraintes distributionnelles qui distinguent les formes clitiques des non-clitiques ; (ii) la classe des clitiques objets se manifeste plus tardivement que la série des clitiques sujets ; (iii) la classe des clitiques sujets tend à ne pas apparaître dans les infinitives indépendantes, tandis que la classe des clitiques objets n’est pas sensible à l’opposition entre proposition finie et proposition infinitive. Ces résultats sont interprétés dans l’optique des hypothèses récentes de la grammaire générative comparative.
Charlotte Koster : « Le destin de la Théorie du Liage Reformulée » En général, les enfants maîtrisent la grammaire des pronoms réfléchis avant celle des pronoms non réfléchis, ce qui est difficile à expliquer dans le cadre de la théorie standard du liage. Une reformulation de cette théorie a été proposée, prenant pour critère l’interprétation variable des deux types de pronoms. Cet article montre que les bons résultats expérimentaux obtenus initialement avec la théorie reformulée du liage ne se sont pas confirmés : dans divers types de phrases, les enfants interprètent incorrectement les pronoms non réfléchis comme des réfléchis liés, montrant ainsi que leur connaissance du liage n’est pas mieux décrite par la théorie reformulée. La question reste ouverte de savoir pourquoi les enfants comprennent les réfléchis plus tôt que les non-réfléchis.
Helen Goodluck : « Trois hypoyhèses à propos des erreurs de Contrôle des phrases adjointes chez les enfants » Plusieurs études ont montré que les enfants anglophones n’appliquent pas la règle adulte d’interprétation du sujet nul (PRO) dans les circonstancielles de temps et les autres propositions adjointes à IP. Par exemple, en s’appuyant sur une expérimentation fondée sur le jeu (‘act-out), Goodluck (1981), et Hsu, Cairns et Fiengo (1985) ont trouvé que les enfants de six ans et plus, confrontés aux phrases comme (1), interprètent souvent le sujet de l’enchâssée comme l’objet de la principale (Jane), tandis que pour l’étude PRO doit référer au sujet (Sue). (1) Sue hugged Jane before [PRO leaving the party]. ” Sue a embrassé Jane avant de quitter la soirée. ” Dans cet article je discute trois hypothèses concernant la difficulté qu’ont les enfants pour interpréter PRO dans ce type de phrase.
Jürgen Weissenborn, Thomas Koeger, Jill de Villiers : « Wh-features in French and German : Connections between Case, Wh-features, Unique Triggers » Cet article présente les résultats d’une étude comparative de l’acquisition du déplacement-WH long, conduite avec des enfants germanophones et francophones agés de 3 à 6 ans. On montre que, dès le plus jeune âge considéré, les contraintes des ” barrières-WH ” sont partiellement observées dans les deux langues. Le fait qu’initialement, les enfants français et allemands acceptent l’extraction-WH hors de domaines qui l’excluent dans la langue adulte, est expliqué dans les termes suivants : (i) relation par défaut (ii) nature des correspondances entre la s-structure et la forme logique (iii) nature des chaînes dans la grammaire de l’enfant. Les résultats obtenus fournissent des arguments en faveur de la modularité des processus d’acquisition.
Viviane Déprez : « Sous-spécification, projections fonctionnelles et fixation des paramètres » Dans la grammaire en développement de l’enfant, on relève un parallèle surprenant entre certains déplacements de têtes et certains déplacements de projections maximales. D’une part, le déplacement de V à I et le mouvement-WR surviennent précocement dans l’acquisition et semblent obligatoires dès qu’ils se mettent en place. D’autre part, le déplacement de V à C et le déplacement de NP semblent ‘retardés’ et facultatifs. Après avoir passé en revue quelques hypothèses courantes, cet article esquisse une analyse qui relie le parallélisme observé à l’acquisition des projections fonctionnelles.