Paris 8 - Université des créations

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Collection Libre cours
Nombre de pages : 168
Langue : français
Paru le : 10/10/2016
EAN : 9782842925536
Première édition
CLIL : 3678 Sculpture
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 180×120 mm
Version papier
EAN : 9782842925536

Version numérique
EAN : 9782842928957

La sculpture contemporaine

Histoire et analyse des bouleversements de la sculpture contemporaine de 1945 à nos jours, de Brancusi et Giacometti à Jeff Koons en passant par Christo, Tinguely et Robert Smithson.

« Pourquoi la sculpture plutôt que rien ? » s’interrogeait le sculpteur  Emmanuel Saulnier en l’an 2000. A cette question répond, de manière décalée, le succès sans précédent de la rétrospective Jeff Koons à Beaubourg en 2015. Nourrie d’ambition et d’inquiétude, la position de la sculpture à l’époque contemporaine ne cesse de tourmenter les artistes, les critiques, les commanditaires.

Auteur·ices : Rinuy Paul-Louis

Introduction

Chapitre 1 Sculpture moderne, contemporaine Chapitre 2 Empreinte, moulage Chapitre 3 Espace, temps, mouvement Chapitre 4 Hors limites Chapitre 5 Monumentalité Chapitre 6 Sculpture actuelle Conclusion Les mots de la sculpture contemporaine Les lieux de la sculpture contemporaine cités Bibliographie Index

Qu’est-ce que la sculpture contemporaine ? Répondre à cette question, c’est dresser une histoire de l’art du volume qui s’étend de l’assemblage à l’installation, de l’art de l’objet au Land Art. Les sept décennies de 1945 à aujourd’hui ont vu – avec Brancusi, Giacometti, Carl Andre, Louise Bourgeois, Robert Smithson, Tinguely, Richard Serra – le champ élargi de la sculpture se redéfinir comme l’art public par excellence qui anime l’espace et métamorphose le site où il prend place. La prise en compte de l’œuvre dans sa matérialité et dans son environnement conduit surtout à faire de la sculpture le lieu des interrogations métaphysiques et existentielles, la manifestation de l’énergie de l’homme contemporain dans sa multiplicité inventive.

Paul-Louis Rinuy a dirigé la Revue de l’art, et écrit et organisé des expositions sur de nombreux sculpteurs des XXe et XXIe siècles, Brancusi, Giacometti, Zadkine, Étienne-Martin, Dodeigne, Jean-Pierre Raynaud, Penone ou Alain Kirili. Commissaire d’exposition, critique d’art et universitaire, il a notamment publié : avec Thierry Dufrêne, De la sculpture au XXe siècle, Presses Universitaires de Grenoble, 2001; Dodeigne, Adam Biro, 2002; Épreuves du mystère, Ereme, 2008; Patrimoine sacré (XXe-XXIe siècles). Les lieux de culte en France depuis 1905, Éditions du Patrimoine, 2014; Le Corps de la sulpture, Beaux-Arts éditions, 2016.

Introduction • « Pourquoi la sculpture plutôt que rien ? », s’interrogeait l’artiste Emmanuel Saulnier en l’an 2000 (Dufrêne, Rinuy 2001 : 85). Cette question, dont l’ironie révèle la position difficile de « La sculpture à l’âge du soupçon » (Mc Evilley 1999), n’a cessé depuis plusieurs décennies de tourmenter les historiens de l’art, les artistes, les commanditaires, inquiets de s’attacher à un art qui risque de passer pour démodé, voire inutile, en cette période où s’achève l’art contemporain comme cause à défendre ou simplement comme période. Ce livre entend répondre à cette interrogation en dressant une histoire de la sculpture contemporaine, de l’art du volume, de la forme tridimensionnelle, qui s’étend de l’assemblage à l’installation, de l’art de l’objet au Land Art, durant les sept décennies qui vont de 1945 à nos jours. Cette histoire est le fruit de mon expérience personnelle en tant qu’enseignant, critique, commissaire d’exposition. Et si ma vision se révèle différente d’autres synthèses, peu nombreuses au demeurant, conçues selon des logiques intellectuelles et dans des formats différents (Causey 1998 ; Goldberg Monnin 2004 ; Dufrêne 2005 ; Goldberg 2015), c’est que chaque historien construit sur son objet d’analyse un regard singulier. Qu’est-ce que la sculpture contemporaine ? • Depuis l’exposition cardinale What is Modern Sculpture ?, organisée au Museum of Modern Art en 1970 par l’historien d’art Robert Goldwater – qui était depuis 1937 le mari de la grande sculpteur franco-américaine Louise Bourgeois (1911-2010) –, la question de la définition de la sculpture revient autant chez les artistes que chez les historiens et critiques. Car il ne suffit pas de répondre au cas par cas ni de se demander, œuvre après œuvre et créateur après créateur, qui entre ou n’entre pas dans cette histoire de la sculpture moderne, contemporaine. L’interrogation est essentielle, conceptuelle : peut-on encore parler de sculp­ture après la célèbre et radicale affirmation du pionnier du Minimal Art Donald Judd (1928-1994) – « La moitié ou plus des œuvres nouvelles les meilleures de ces dernières années, proclame-t-il dès l’ouverture de son manifeste Specific Objects en 1965, ne sont ni de la peinture ni de la sculpture » (Qu’est-ce que la sculpture moderne ? 1986 : 384) ? Cette affirmation correspond au grand bouleversement dans la définition des pratiques artistiques qui marque les années 1960, notamment aux États-Unis, mais s’inscrit dans toute une suite de déclarations qui commencent avec La Sculpture langue morte (La scultura lingua morta) du sculpteur italien Arturo Martini (1889-1947), publié en 1945 : La sculpture reste ce qu’elle est : une langue morte qui n’a pas trouvé sa langue vulgaire, et jamais elle ne sera parole spontanée entre les hommes. […] Au milieu des carrefours, la statue entrave la circulation, dans les expositions elle sert à séparer, comme une cloison, un ensemble de tableaux, dans les maisons modernes, elle est un non-sens. Quant au portrait, on dirait un avant-goût du cimetière. Cela ne sert à rien de défendre la sculpture avec emphase, au nom de la « noble antiquité », ni de taxer le public d’ignorance à cause de son manque d’intérêt. Rien ne justifie la survivance de la sculpture dans le monde moderne. (Martini 1991 : 46.) Mais la sculpture au sens élargi du terme, incluant l’art de l’environnement et de l’installation, résiste, se réinvente, se réaffirme dans les matériaux les plus divers qui vont du néon dont s’orne l’Igloode Giap de Mario Merz (1925-2003) à la substance périssable en passant par toutes les gammes des matières solides, liquides, gazeuses, minérales ou organiques. Et la sculpture contemporaine entretient surtout des liens avec les autres arts qui produisent des métissages aussi féconds que multiples, du cinéma-sculpture à l’archi-sculpture en passant par la vidéo-sculpture, la sculpture sonore, la photographie comme sculpture, l’installation, la danse, la performance, les furniture sculptures. La question revient donc avec insistance à l’aube du xxie siècle : qu’est-ce que la sculpture ? La sculpture n’est-elle que « ce sur quoi l’on bute lorsqu’on se recule pour regarder la peinture », selon la célèbre boutade du peintre Ad Reinhardt (« Sculpture is something you bump into when you back up to look at a painting ») ? Et dans quelle mesure cette catégorie « héritée » fait-elle sens dans une époque où, comme le soulignait René Char en un aphorisme mêlant fierté et inquiétude, « notre héritage n’est précédé d’aucun testament » (Char 2001 : 190) ? Un artiste actuel peut bien recourir à cette catégorie pour désigner sa récente installation au palais de Tokyo Flamme éternelle, comprise comme « une sculpture dédiée à ce qui est actif et ne s’arrête jamais : la pensée » (Hirschhorn 2016), tel autre employer le mot pour désigner un ensemble de tissus accrochés au vent, visibles à travers des longues-vues disposées au dernier étage du Centre Pompidou (Daniel Buren, Les Couleurs : Sculptures, 1975-1977, quinze pièces différentes et de trois fois cinq couleurs différentes, 3 longues vues, Musée national d’art moderne, Paris) ; quels critères précis permettent de limiter aujourd’hui le champ de la sculpture, une fois qu’une définition simplement technique n’est plus acceptable ? L’invention du ready-made par Marcel Duchamp (1887-1968), avec la Roue de bicyclette en 1913 puis surtout le Porte-bouteilles de 1914, a radicalement bouleversé le monde de l’art en général et a eu des incidences particulières sur la sculpture, puisqu’un objet manufacturé quelconque peut accéder à un statut artistique, sans être modifié techni­quement ou esthétiquement. Fountain (La Fontaine) de 1917, simple urinoir de porcelaine blanche renversé, signé du pseudonyme R. Mutt, daté et nommé, est refusé à l’exposition de la Society of Independent Artists de 1917 : « Elle a été simplement supprimée. J’étais dans le jury, explique Marcel Duchamp dans ses entretiens avec Pierre Cabannes en 1966, mais je n’ai pas été consulté parce que les officiels ne savaient pas que c’était moi qui l’avais envoyée ; j’avais inscrit le nom de Mutt justement pour éviter des rapports avec des choses personnelles. La Fontaine a simplement été placée derrière une cloison et, pendant toute la durée de l’exposition, je n’ai pas su où elle était » (Duchamp 1995 : 67). Et le comité directeur a justifié sa décision dès le lendemain du vernissage : « La Fontaine est peut-être un objet très utile à sa place, mais sa place n’est pas dans une exposition d’art et ce n’est pas une œuvre d’art, selon quelque définition que ce soit » (Partouche 1991 : 55). Duchamp, quant à lui, n’a véritablement théorisé son invention qu’a posteriori, à l’époque où s’est développé l’art de l’objet dans la sculpture contemporaine et où le ready-made, jusque-là absent des histoires de la sculpture (par exemple, Dictionnaire 1960) commence à y apparaître, notamment grâce à l’ouvrage pionnier de Seuphor (Seuphor 1959). Mais, dès 1917, l’artiste a tout de même précisé son geste : Que M. Mutt, explique-t-il dans la revue Blindman, ait fait La Fontaine de ses propres mains ou non, n’a pas d’importance. Il l’a choisie. Il a pris un article courant, l’a placé de telle sorte que sa signification utilitaire disparaisse sous le nouveau titre et le nouveau point de vue – il a créé pour cet objet une nouvelle idée. (Partouche 1991 : 55.) Le champ de la sculpture contemporaine comprend, outre les sculptures fabriquées au sens traditionnel du terme, les ready-mades et objets, ainsi que les installations, qui sont apparues dans les années 1950 et sont la mise en espace d’objets, de sculptures, d’éléments hétérogènes assemblés dans un lieu spécifique. Dans une époque où s’expérimente le refus de limiter chaque art à un ensemble de techniques bien précises, ce qu’on peut nommer la « dé-définition » de l’art (Rosenberg 1992), il nous paraît juste d’adopter un point de vue ouvert, qui embrasse la totalité des créations artistiques, voire artisanales, en trois dimensions qui ne ressortissent pas de l’architecture. La sculpture contemporaine se caractérise par l’hétérogénéité de ses procédés de réalisation, dont un artiste comme Piero Manzoni (1933-1963), pionnier italien de l’ Arte Povera, incarne de nombreuses manifestations, lui qui signa des corps humains pour les transformer en « sculptures vivantes », commercialisa sa Merde d’artiste (1961), nomma Sculpture dans l’espace un ballon pneumatique maintenu dans l’air par un jet d’eau et fabriqua le Socle du monde (Hommage à Galilée, cube de fer et bronze, au titre gravé, jardin du Kunstmuseum Herning, Danemark), troisième de sa série de Socles magiques, qui métamorphosent l’ensemble de l’univers en œuvre d’art (Celant 2004). Sans compter que certaines œuvres, telles les One minute sculptures d’Erwin Wurm ou des inventions de l’art conceptuel, sont des sculptures mentales ou corporelles dépourvues de réalité technique durable. Je songe notamment à l’ Itinéraire d’un rouge-gorge, sculpture, de l’artiste néerlandais Jan Dibbets (né en 1941) en 1969, qui est à la fois une opération étalée sur plusieurs jours et un livre présentant le compte rendu de ce projet auquel l’artiste s’est livré de mars à juin 1969 dans un parc d’Amsterdam ; il s’agissait de modifier le parcours de vol d’un rouge-gorge, puis d’inviter le lecteur-spectateur à reconstruire mentalement cet espace qui devient ainsi sculpture éphémère d’un ordre quasi immatériel. Parcours • La distinction entre l’art moderne et l’art contemporain n’est pas aisée, car les deux adjectifs renvoient plus à des appréciations esthétiques qu’à des déterminations simplement chronologiques, qui ont cependant leur impor­tance. On appelle généralement l’art moderne – Modern Art en anglais – l’art des grands maîtres avant-gardistes, de Rodin à Picasso, Matisse ou Brancusi. Et l’art contemporain est compris comme celui qui se développe depuis les années 1960, et qui est très différent des avant-gardes historiques des années 1910, 1920, 1930. La position adoptée ici est différente : notre analyse commence à la Reconstruction, à cette époque qui suit la Seconde Guerre mondiale et clôt la période des ébranlements révolutionnaires des avant-gardes, depuis les années 1910, voire le début du xxe siècle. Les deux guerres mondiales, séparées par deux seules décennies, marquent l’unité d’un temps qui a vu des logiques traditionnelles héritées de la Renaissance coexister avec des langages plastiques modernes, dont les grands maîtres connaissent un succès mondial à partir de 1945. Les années 1950 et 1960 voient, quant à elles, apparaître des constructions plastiques radicalement nouvelles, avec le Nouveau Réalisme, le Minimal Art ou le Conceptual Art, qui proposent l’exploration d’un art de l’objet et de la forme réduite à sa seule visibilité. Tous ces bouleversements font l’objet de notre premier chapitre, « Sculpture moderne, sculpture contemporaine ». Le deuxième chapitre est, pour sa part, consacré aux procédés de moulage et d’empreinte qui permettent d’inventer de nouveaux rapports au corps et à sa figuration, allant de l’hyperréalisme américain à la suggestion de la forme par la trace et le vide. Mais loin d’être uniquement à classer comme un art de l’espace, selon la distinction de Lessing dans son ouvrage Laocoon en 1766, la sculpture contemporaine est aussi un art du temps, proposant au spectateur des expériences temporelles spécifiques, dont le rapport au mouvement est le marqueur le plus notable. Cette question est traitée dans le troisième chapitre, qui se poursuit avec le quatrième, consacré à la sculpture hors limites, au champ de la sculpture contemporaine dans ses liens et ses hybridations avec la peinture, la photographie, la musique et, plus largement, le monde de la performance. Le cinquième chapitre traite, enfin, du rapport au passé et à la mémoire, qui est au cœur de l’invention sculpturale contemporaine, centrée sur une conception du monumental renouvelée au point de donner naissance aux concepts d’anti-monument ou de contre-monument. Enfin, le sixième chapitre présente un panorama critique des deux dernières décennies de la sculpture actuelle, depuis les années 1990-2000. Dans l’espace de l’art contemporain mondialisé, la sculpture se réaffirme, de manière ouverte, comme l’art public par excellence, qui joue du rapport avec le public et anime l’espace de nos cités. La sculpture actuelle se comprend aussi comme une variation sur les principes de la statuaire et de la sérialité, comme l’art, enfin de l’objet dans sa matérialité première et dans son environnement, ce qui nous conduit aux jeux ambitieux des installations mêlant architecture et utopie.

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Nombre de pages : 168
Langue : français
Paru le : 10/10/2016
EAN : 9782842925536
Première édition
CLIL : 3678 Sculpture
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 180×120 mm
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EAN : 9782842925536

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