Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis

Partager

ajouter au panier

Revue Extrême-Orient - Extrême-Occident
Nombre de pages : 176
Langue : français
Paru le : 10/10/2003
EAN : 9782842921446
Première édition
CLIL : 4036 Asie
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842921446

L’anthologie poétique en Chine et au Japon

N°25/2003

L’anthologie poétique a revêtu en Chine et au Japon une importance capitale, aussi bien en tant qu’opération de prestige des gouvernants que comme véritable création littéraire très soigneusement élaborée et perpétuellement commentée.

Chaque article de ce numéro présente et analyse une ou plusieurs anthologies abordées chaque fois d’un point de vue particulier. Deux axes principaux orientent le volume : la mise en évidence des relations entre le pouvoir politique et les compilations d’anthologies, commanditées par les souverains ; les problèmes d’organisation interne des recueils : choix et distribution des poèmes, recherche de l’unité à partir de la diversité des matériaux, réinterprétation des poèmes du passé par leur insertion dans un cadre nouveau.

Jacqueline Pigeot

Présentation

 

I. Compiler une anthologie : une affaire d’État ?

 

François Martin
Les anthologies dans la Chine antique et médiévale : de la genèse au déploiement
 
Maria Chiara Migliore
L’anthologie entre tradition et transformation : les recueils de poèmes en chinois au Japon (VIIIe-IXe siècle)
 
Michel Vieillard-Baron
Voix corisées : la compilation du Shinkokin wakashû à travers les témoignages des protagonistes

 

 

II. Organiser et interpréter

 

Tzvetana Kristeva
Les larmes pourpres : sur la disposition des poèmes dans les anthologies impériales (Japon)
 
Sumie Terada
La prose dans les anthologies de poèmes : le cas des huit recueils officiels de la poésie japonaise

 

 

III. Tradition de l’anthologie et culture populaire au Japon

(ou l’anthologie ludique)

 

Jacqueline Pigeot
Triomphe ou mort de l’anthologie ? Le Kangin shû, un recueil de chansons
 
Daniel Struve
Les recueils comiques de kyôka – l’exemple du Tokuwaka gomanzai shû

 

 

IV. Un regard occidental

 

Emmanuel Buron
L’autorité du compilateur dans quelques recueils français de la Renaissance

 

Résumés en français

English Summaries

 

François MARTIN : « Les anthologies dans la Chine antique et médiévale : de la genèse au déploiement »

L’histoire des anthologies en Chine est aussi ancienne que la poésie elle-même. La première d’entre elle, le Shijing, a proposé, au terme d’un processus exégétique complexe, une représentation complète du monde humain assez éloignée des considérations littéraires. Les anthologies qui lui ont succédé ont toutes eu à se définir par rapport à lui d’une manière ou d’une autre. Le VIe siècle marque l’achèvement d’un processus de retour au littéraire, reflété par le Chuci, le Shipin, le Wenxuan et le Yutai xinyong. Par la suite, l’histoire des anthologies fut très riche et complexe, mais les cinq ouvrages étudiés ici forment un cycle complet contenant tous les éléments qui devaient jouer un rôle déterminant sur celles à venir.

Maria Chiara MIGLIORE : « L’anthologie entre tradition et transformation : les recueils de poèmes en chinois au Japon (VIIIe-IXe siècle) »

Dans le Japon ancien, la langue chinoise était un élément indispensable à l’administration courante des affaires de l’État et au développement des relations diplomatiques avec la Chine et les autres pays du continent. La maîtrise du chinois, en outre, se développa tout naturellement jusqu’à produire des oeuvres littéraires, car la littérature était un instrument pour bien gouverner. La poésie, en particulier, était conçue pour célébrer le souverain et le parfait ordre confucéen qu’il symbolise. De fait, la première anthologie poétique au Japon est un recueil de poèmes en chinois, comme aussi les trois anthologies suivantes, compilées sur ordre impérial. Dans cet article j’essaie de retracer les modalités de compilation des anthologies en chinois au VIIIe et au IXe siècle, en les reliant au contexte socio-culturel du Japon ancien.

Michel VIEILLARD-BARON : « Voix croisées : la compilation du Shinkokin waka shû à travers les témoignages de deux protagonistes »

Depuis qu’en 905 l’empereur Daigo commandita le Kokin waka shû, la production d’une anthologie de poèmes japonais constituait l’un des symboles les plus éclatants du règne d’un monarque. Vingt et une anthologies impériales furent produites jusqu’en 1439. Dans le présent article, nous décrivons la compilation de la huitième intitulée Shinkokin waka shû ; cette dernière fut ordonnée en 1201 et achevée en 1216. Pour connaître la manière dont fut compilée l’anthologie, nous disposons de deux documents importants et complémentaires : le Ienaga nikki, mémoires de Minamoto no Ienaga, secrétaire du Bureau de la poésie, chargé des affaires liées à la compilation, et surtout le Meigetsuki, notes journalières de Fujiwara no Teika, célèbre poète qui fut également l’un des principaux compilateurs. En croisant ces deux témoignages, on prend pleinement conscience du processus long et harassant qui aboutit à l’un des chefs-d’oeuvres les plus parfaits de la littérature japonaise.

Tzvetana KRISTEVA : « Les “larmes pourpres” : la disposition des poèmes dans les anthologies impériales comme clef d’interprétation du langage poétique »

On tente ici de retrouver les niveaux de signification poétique et métapoétique de la poésie (waka) du Japon classique, négligés, pour ne pas dire condamnés à l’oubli, par la pratique interprétative en vigueur dans le Japon du XXe siècle. Notre analyse est centrée sur les possibilités d’interprétation multiples suggérées par les caractéristiques de la langue et du canon poétiques japonais, plutôt que par les lectures univoques dans une situation concrète (ba). En suivant le fil des transformations données à l’expression sode no namida no iro (“la couleur des larmes sur la manche”), notre contribution attire l’attention sur l’ordonnance des poèmes dans les huit premières anthologies impériales, considérée comme le déploiement du processus de signification dans le waka aussi bien que du processus de “poétisation” du vocabulaire de la poésie.

Sumie TERADA : « La prose dans les anthologies de poèmes : le cas des huit recueils officiels de la poésie japonaise »

Présenter, expliquer et commenter, telles sont les fonctions de la partie en prose qui accompagne les poèmes des anthologies officielles japonaises. Ce faisant, les brefs textes qui la constituent structurent les poèmes, les placent dans un espace paradoxal caractérisé par un double mouvement, fragmentation et enchaînement, qui leur confère un statut à la fois singulier et collectif. Cet article tente de mettre en évidence le rôle hautement stratégique de ce dispositif en apparence mineur, et son évolution dans les paysages poétiques de la période classique.

Jacqueline PIGEOT : « Triomphe ou mort de l’anthologie ? Le Kangin shû, un recueil de chansons »

Compilé en 1518, le Kangin shû ou “Recueil [de poèmes] à chanter dans la sérénité” réunit trois cent onze chansons (ko-uta), très diverses pour la forme, les sources, le registre. Cependant le compilateur (anonyme) s’est ingénié à construire un ensemble cohérent, en enchaînant les poèmes l’un à l’autre au moyen de procédures subtiles et variées, souvent ludiques. On présente ici le corpus des chansons, la diversité des modes d’enchaînement, et l’on s’interroge sur le statut du recueil : anthologie de chansons ou répertoire de procédés d’enchaînement ?

Daniel STRUVE : « Les recueils comiques de kyôka : l’exemple du Tokuwaka go manzai shû »

Dans le Japon de l’époque d’Edo, l’introduction de l’imprimerie et le succès des genres poétiques comiques du haikai et du kyôka donnent lieu à la compilation de nombreux recueils. L’article retrace l’évolution des recueils du kyôka à partir du milieu du XVIIe siècle jusqu’à l’apogée du genre à l’ère Tenmei (1781-1791), en relevant le statut ambigu que conserve tout au long de son histoire ce genre poétique. Il analyse en particulier l’organisation du recueil Tokuwaka go manzai shû d’Ôta Nanpo dont il fait ressortir la virtuosité dans l’utilisation des procédés de l’anthologie classique. Pour finir, il étudie la mise en scène ironique par Nanpo de son propre personnage de compilateur, et la relation complexe qu’il cherche à instaurer avec son lecteur.

Emmanuel BURON : « L’autorité du compilateur dans quelques recueils français de la Renaissance »

Les anthologies japonaises assurent au compilateur une autorité supérieure à celle des auteurs de poèmes, alors que dans les anthologies françaises, généralement didactiques, le compilateur tend à s’effacer devant les textes. Toutefois, certaines anthologies du XVIe siècle en français ménagent un statut d’auteur au compilateur : ainsi L’Anthologie de Pierre Breslay (1574 ; première attestation du mot en français), où le genre tend vers l’essai, ou Le Parnasse des poètes françois modernes de Gilles Corrozet (1571). Le fait s’explique par la prégnance d’une théorie de l’imitation, qui confère aussi aux anthologies une valeur d’affirmation culturelle, trait commun aux anthologies japonaises, et peut-être au genre. Quant au principe d’enchaînement des poèmes, on le rencontre de manière non systématique dans des recueils personnels plus que dans des anthologies – nous examinerons Les Regrets de Du Bellay (1558) -, indice d’un rapport entre littérature et politique moins étroit en France qu’au Japon.

François MARTIN : « Anthologies in Ancient and Medieval China : from Genesis to Diversification »

The history of the anthology in China goes back to the dawn of poetry. The first anthology, the Shijing, offered through its complex exegetical procedure a comprehensive representation of humanity that was rather removed from literary considerations. Every succeeding anthology had to position itself in one way or other with respect to the Shijing. By the 6th century, the return to literary criteria had come full cycle, as reflected by the Chuci, the Shipin, the Wenxuan and the Yutai xinyong. From then on, the history of anthologies is rich and diverse, but the five works studied here form a coherent set containing all the elements that were to shape future anthologies.

Maria Chiara MIGLIORE : « The Anthology between Tradition and Transformation : Japanese Collections of Poems in Chinese (8th-9th centuries) »

With the adoption of Chinese writing Japan entered the sphere of Chinese culture, which it assimilated to its own needs. The use of Chinese was essential not only to international relations but also for maintaining a stable government that could bear comparison with the more advanced Chinese system. The Japanese aristocratic and bureaucratic elite derived its prestige from the composition of Chinese poetry, which from the beginning acquired a social and political significance. The first anthology of poetry compiled in Japan was in Chinese, and so were the following three that were compiled at the imperial behest. This article traces the main features of anthologies of Chinese poetry in the 8th and 9th centuries, with particular attention to their political and social meaning.

Michel VIEILLARD-BARON : « Narrating Voices : the Compilation of the Shinkokin waka shû as described in the Accounts of Two Witnesses »

Ever since Emperor Daigo ordered the compilation of the Kokin waka shû in 905, an imperial collection of Japanese poetry was considered an important symbol of a monarch’s reign. Twenty-one imperial anthologies were compiled, the last completed in 1439. In this paper, I describe the compilation of the Shinkokin waka shû, the eighth imperial collection, which was commissioned in 1201 and completed in 1216. In order to reconstruct the process, I have used two major complementary sources : the Ienaga nikki, the memoir of Minamoto Ienaga, secretary of the office that provided research and editing support for the anthology, and the Meigetsuki, the diary of the famous poet Fujiwara Teika, one of the principal compilers. By examining these two texts in tandem, we can more fully grasp the long and arduous process that produced one of the most perfect masterpieces of Japanese literature.

Tvetana KRISTEVA : « “Purple Tears” : the Arrangement of Poems in Anthologies as a Key to the Interpretation of Poetic Language »

This paper is an attempt to trace the poetic and meta-poetic levels of meaning in classical Japanese waka poetry, a tradition much neglected, not to say doomed to oblivion, by the predominant “positivist thinking” of 20th century interpretive practice in Japan. The analysis focuses on the multiple possibilities of interpretation derived from the characteristics of the Japanese poetic language and poetic canon, rather than any single, unambiguous reading in a given concrete situation (ba). By following the evolution of the meaning of the expression sode no namida no iro, “the colour of the tears on the sleeves”, this paper draws attention to the order of the poems in the Imperial Poetic Anthologies Hachidai shû, seen as an expression of the processes of signification in waka and of the “poetization” of poetic vocabulary.

Sumie TERADA : « Prose in Poetic Anthologies : the Case of the First Eight Japanese Imperial Anthologies »

Presentation, explanation, and commentary are the functions of the prose parts that accompany poems in official Japanese anthologies. These brief texts place the poems in a paradoxical context of two opposed processes – fragmentation and linkage, making them at the same time unique and collective. This paper aims to clarify the highly strategic function of these prose passages and to trace their evolution in classical Japanese poetry.

Jacqueline PIGEOT : « Triumph or Death of the Anthology ? the Kangin shû, a Collection of Lyric Poems »

The Kangin shû / Songs for Leisure Hours, compiled in 1518, is a collection of 311 songs (kouta) of various forms, styles, and origins. Despite these differences, the anonymous compiler has succeeded in creating a work of great coherence and consistency, through the use of subtle and varied – often playful – principles to link each poem to the next. In this paper, the corpus of the songs and the linking principles employed are discussed, as well as the question of the ontological status of the collection : is it an anthology of songs or a compendium of linking principles ?

Daniel STRUVE : « Humorous Collections of Kyôka : the Example of Tokuwaka go manzai shû »

Numerous collections of comic poetry were compiled during the Edo period, as a result of the introduction of printing techniques as well as the success of the comic genres of haikai and kyôka. This study highlights the evolution of kyôka collections from de middle of the 17th century to the Tenmei era (1781-1791), considered the high point of the kyôka genre, and emphasizes the persistent ambiguity that characterized it throughout its history. Then it takes up the inner structure of the Tokuwaka go manzai shû by Ôta Nanpo, showing the virtuosity displayed by this author in handling the various devices used in classical poetry collections. Finally, it addresses the ironic staging of the author’s own character and the complex relations established with the reader.

Emmanuel BURON : « The Authority of the Compiler in some French Collections of the Renaissance »

Japanese anthologies confer on the compiler a greater authority than on the authors of the poems compiled, whereas in French anthologies, which are often didactic, the compiler tends to take second place. Nevertheless, some French anthologies from the 16th century also bestow on the compiler the status of an author. For example, L’Anthologie of Pierre Breslay (1574, first attestation of the word in French) or Le Parnasse des poètes françois modernes of Gilles Corrozet (1571). A pervasive theory of imitation explains this fact : it lends anthologies the function of a cultural affirmation, a feature shared with Japanese, if not all, anthologies. As for the principle of linking poems, found in authorial collections of poetry rather than in anthologies – we shall here examine Les Regrets of Du Bellay (1558) &endash; it suggests a weaker link between literature and politics in France than in Japan.

ajouter au panier

Revue Extrême-Orient - Extrême-Occident
Nombre de pages : 176
Langue : français
Paru le : 10/10/2003
EAN : 9782842921446
Première édition
CLIL : 4036 Asie
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842921446

Sur le même thème