Paris 8 - Université des créations

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Revue Marges. revue d'art contemporain
Nombre de pages : 192
Langue : français
Paru le : 02/11/2022
EAN : 9782379242427
Première édition
CLIL : 3675 Revues sur l’art
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782379242427

Version numérique
EAN : 9782379242434

L’art face aux urgences écologiques

N°35/2022

L’équipe de Marges consacre ce numéro à la question des pratiques artistiques face aux urgences écologiques – question qui est rarement abordée sous cet angle.
L’impuissance des différents gouvernements à répondre à l’urgence climatique est l’une des grandes questions sociales, politiques, économiques de notre temps. Les rapports alarmistes se succèdent, comme les mobilisations citoyennes dans le monde entier, avec pour le moment assez peu d’effet. Au même moment, et en tenant compte de ce contexte, la question des transformations de notre monde, de la nature et de notre rapport à la nature alimente un certain nombre de projets artistiques, dont il est question dans ce numéro.

Éditorial – Jérôme Glicenstein

 

Dossier : L’art face aux urgences écologiques

Joshua de Paiva

« Vers une esthétique du vivant en temps d’extinction : le rôle de l’art ou l’art de faire connaissance »

Fanny Dujardin

« Partages de l’écoute : l’art sonore écologique de Félix Blume »

Nicolas-Xavier Ferrand

« Špela Petrič, une esthétique au-delà de l’humain ? »

Juliette Bessette

« La possibilité d’une nouvelle symbiose »


Témoignages

Matthieu Raffard et Mathilde Roussel

« Des prototypes d’action pour le futur »

Allan Deneuville, Gala Hernández López, Ariane Papillon, Ysé Sorel Guérin

« S’approprier l’effondrement – retour critique sur une expérience d’atelier de recherche-création »

Ana Magalhães, Marta Bogéa, Cauê Alves

« Zona da Mata »


Entretien

Entretien de Benjamin Arnault avec Lauranne Germond


Portfolio

Michel Blazy

 

Notes de lecture et comptes rendus d’expositions

Abstracts français et anglais

« Vers une esthétique du vivant en temps d’extinction : le rôle de l’art ou l’art de faire connaissance »

Joshua de Paiva

Interrogeant l’idée que seul un art anesthétique saurait jouer un rôle face aux urgences écologiques, l’enquête sur la rencontre sensible avec les vivants – et son potentiel de transformation de l’attention – chez Tomás Saraceno et Marguerite Humeau invite à réévaluer les enjeux possibles de l’art et, à l’horizon, d’une esthétique du vivant en temps d’extinction – à condition de prendre au sérieux la dimension expérientielle de la crise actuelle, et de repenser les rapports entre sensibilité et action.

 

« Partages de l’écoute : l’art sonore écologique de Félix Blume »

Fanny Dujardin

Que peut l’art sonore, à l’ère de la crise écologique ? Le sonidista Félix Blume, preneur de son et artisan de l’écoute, répond ingénieusement à la question. En créant des situation de partage de l’écoute, il transforme nos manières de prêter attention à notre milieu et aux autres êtres qui le peuplent. Il permet ainsi de penser, avec Vinciane Despret, que l’anthropocène est aussi un « phonocène » propice à la redécouverte des sons de la terre et des chants des autres qu’humains.

 

« Špela Petrič, une esthétique au-delà de l’humain ? » 

Nicolas-Xavier Ferrand

Cet article vise à analyser la façon dont le travail de l’artiste Špela Petrič s’affranchit de la dichotomie entre nature et culture. Dans ses propositions à la frontière entre art et science, Petrič met en avant les non-humains comme des producteurs de signes, voire même comme des parents potentiels. L’article examine la façon dont le travail de l’artiste peut être considéré comme un exemple d’une forme d’esthétique au-delà de l’humain. L’article replace la pratique de l’artiste au sein du champ intellectuel du « tournant ontologique » (Latour, Descola, Haraway).

 

« La possibilité d’une nouvelle symbiose »

Juliette Bessette

Cet article analyse comment la notion de symbiose, issue du domaine de la biologie, a été détournée de son premier champ d’application, notamment dans le contexte de la culture cybernétique aux États-Unis dans les années 1960. Il clarifie la portée historique de ce détournement métaphorique, puis s’arrête sur deux cas d’étude contemporains à travers lesquels designers et artistes s’approprient à leur tour le concept afin de questionner la pertinence de ces transpositions.

 

« Des prototypes d’action pour le futur »

Matthieu Raffard et Mathilde Roussel

L’urgence planétaire de notre situation écologique nous oblige à effectuer un changement radical de paradigme si nous voulons survivre aux crises qui se présentent devant nous. Pour cela nous n’aurons probablement pas le temps d’inventer intégralement les gestes, les outils, et les attitudes dont nous allons avoir besoin. Il nous semble que certains artistes à travers leur travail peuvent nous aider à repérer les « prototypes d’actions » qui nous serons nécessaires.

 

« S’approprier l’effondrement – retour critique sur une expérience d’atelier de recherche-création »

Allan Deneuville, Gala Hernández López, Ariane Papillon, Ysé Sorel Guérin

Le workshop de recherche-création « S’approprier l’effondrement », organisé par l’association Après les réseaux sociaux a réuni des artistes et chercheur·ses émergent·es afin de confronter théories et pratiques, affects et regards critiques autour de la collapsologie, à travers un matériau privilégié : les contenus générés par les utilisateurs (CGU) disponibles en ligne. Le texte qui en résulte problématise et prolonge les réflexions et gestes créatifs qui en sont nés, en se posant notamment la question suivante : Comment un tel travail de recherche-création collectif, s’immergeant dans les discours et les représentations de l’Effondrement, peut-il permettre de résister au sentiment d’impuissance ?

 

« Zona da Mata »

Ana Magalhães, Marta Bogéa, Cauê Alves

Dans cet article, nous présentons le projet de l’exposition Zona da Mata, organisée par le Musée d’Art Contemporain de l’Université de São Paulo (MAC USP) et le Musée d’Art Moderne de São Paulo (MAM), entre mai 2021 et mai 2022. Il s’agit d’une exposition d’art et d’architecture contemporaines qui a considéré des œuvres et des projets en reconnaissant la contribution des peuples autochtones et des communautés diasporiques de l’Afrique, au regard de la construction de l’idée de paysage et les rapports entre culture et nature au Brésil.

« Towards an aesthetics of the living in times of extinction: the role of art or the art of getting to know each other »

Joshua de Paiva

Questioning the idea that art ought to be an-aesthetic should it play any role in times of ecological upheaval, an inquiry into the encounter with living beings – and how it transforms our modes of attention – in Tomás Saraceno and Marguerite Humeau’s works invites us to reconsider the potential roles of art, and of an aesthetics of the living in times of extinction – provided that we take seriously the experiential dimension of the current crisis, and rethink the relation between sensibility and action.

 

« Shares of Listening: Felix Blume’s Ecological Sound Art »

Fanny Dujardin

What can sound art do in a time of ecological crisis ? The sonidista Félix Blume, sound taker and craftsman of listening, ingeniously answers the question. By creating situations of shared listening, he transforms the way we pay attention to our environment and the other beings who inhabit it. He thus makes it possible to think, with Vinciane Despret, that the Anthropocene is also a “phonocene” conducive to the rediscovery of the sounds of the earth, and of the songs of others than humans.

 

« Špela Petrič, an aesthetic beyond the human? »

Nicolas-Xavier Ferrand

This article aims to analyze the way Špela Petrič’s work get rid of the dichotomy between nature and culture. In artistic propositions between art and science, Petrič presents non-humans as sign producers, or even as potential parents. The article examines the way the artist’s work can be viewed as an example of aesthetics beyond the human. This paper replaces Petric’s art within the intellectual field of what has been labeled the “ontological turn”, as represented by B. Latour, P. Descola or D. Haraway.

 

« The possibility of a new symbiosis »

Juliette Bessette

This paper analyses how the notion of symbiosis, which originates from the field of biology, has been reused outside this field, particularly in the context of the cybernetic culture in the United States in the 1960s. It clarifies the historical scope of this metaphorical detour, and then focuses on two contemporary case studies through which designers and artists, in turn, appropriate the concept in order to question the relevance of these transpositions.

 

« Action prototypes for the future »

Matthieu Raffard et Mathilde Roussel

The planetary emergency of our environmental situation forces us to make a radical paradigm shift if we want to survive the crises that come our way. For that we probably won’t have the time to fully invent the gestures, tools, and attitudes that we will need. It seems to us that some artists through their work can help us detect « prototype of actions » that the climate situation will require.

 

« Appropriating collapse—a critical return on a research-creation experiment »

Allan Deneuville, Gala Hernández López, Ariane Papillon, Ysé Sorel Guérin

The research-creation workshop “Appropriating collapse”, organized by the association After Social Networks, brought together emerging artists and researchers to confront theories and practices, affects and critical perspectives around collapsology, through a privileged material: user-generated content (UGC) available online. The following text problematizes and develops the discussions and creative works that emerged, asking the following question: How can such a collective research-creation work, immersing itself in the discourses and representations of the collapse, could allow us to resist the feeling of powerlessness?

 

« Zona da Mata »

Ana Magalhães, Marta Bogéa, Cauê Alves

In this article, we present the project of the exhibition Zona da Mata, organized by the Museum of Contemporary Art of the University of São Paulo (MAC USP) and the São Paulo Museum of Modern Art, between May 2021 and May 2022. This was an exhibition of contemporary art and architecture, in which the selected works and projects engaged autochthonous and African diasporic communities and knowledge in regard to the issue of the construction of the idea of landscape and the relationship between culture and nature in Brazil.

Éditorial 

Dans le contexte des urgences climatique, économique et sociopolitique auxquelles nos sociétés font face, ce numéro de Marges propose d’étudier les cadres réflexifs de la création artistique contemporaine. Pour nombre d’observateurs, ces crises à répétition sont provoquées par un système économique fondé sur la croissance et l’exploitation ; face à cela, les tentatives de réponses sont nombreuses depuis les années 1960, autant dans les discours et activismes militants que dans les formes issues d’engagements artistiques.

L’évolution dramatique de l’écosystème mondial et les impasses des différentes conférences sur le climat ont sans doute contribué à engager les artistes et les théoriciens (chercheurs, intellectuels, critiques d‘art) en direction des sphères plus explicitement militantes : art écologique, éco-art, pratiques du care, écologie de l’attention ou éco-féminisme, sont autant de mouvances investies en tant que processus de réflexion pour penser ce qui vient. Au même moment, l’œuvre au sens traditionnel est mise en cause au profit de l’action concrète, y compris lorsque cela implique de sortir du monde de l’art. Multipliées et combinées, les focales semblent être à la fois d’ordre philosophique, anthropologique, éthologique, géographique, issues des théories du genre, de la décroissance, etc. Les prises de position des chercheurs et intellectuels dans le débat public (comme celles des sociologues Bruno Latour ou Yves Citton) évoluent parfois vers une littérature critique et scientifique (Donna Haraway, Emanuele Coccia, Vinciane Despret), anthropologique (Philippe Descola, Eduardo Viveiros de Castro, Anna Tsing, Nastassja Martin), philosophique (Bernard Stiegler, Émilie Hache) ou poétique (Marielle Macé)… Par ailleurs, ces analyses interagissent chaque fois plus avec celles de l’histoire ou de la critique d’art (Bénédicte Ramade, Paul Ardenne, Nicolas Bourriaud). Il nous semblait crucial d’observer et d’étudier les cadres de pensée à partir desquels les artistes appréhendent les crises actuelles.

Au moment où les conférences sur le climat et les mouvements citoyens se multiplient pour nous alerter et nous inciter à agir – en réponse aux rapports du GIEC – que font les artistes ? Face aux crises majeures de notre époque, comment peut-on continuer à produire des œuvres ? Quelles ambitions les artistes – et plus largement les mondes de l’art – peuvent-ils formuler en termes de responsabilités environnementales ? Jusqu’à quel point l’art peut-il contribuer à une prise de conscience écologique ? Il n’y a pas de réponse simple à ces questions et les artistes, pas plus que les décideurs politiques, ne sont aptes à donner de solutions miracles pour résoudre les problèmes de notre temps. De ce fait, le numéro a un caractère assez ouvert, laissant largement la parole aux artistes, aux opérateurs culturels, ainsi qu’à des présentations de débats sur ces questions.

Le premier article, dû à Joshua de Paiva, s’interroge sur le peu d’attention accordé au vivant à notre époque. Les artistes qu’il étudie – Tomás Saraceno ou Marguerite Humeau – cherchent à l’inverse à favoriser la prise de conscience d’autres modalités d’existence que celles qui sont centrées sur la perception humaine des choses : les araignées et mauvaises herbes qui sont évoquées ont leur propre rythme et réagissent à notre présence sans que nous en ayons conscience. De ce point de vue, le rôle des artistes oscille entre celui de porte-parole et celui de révélateur de phénomènes autrement négligés. Félix Blume, l’artiste dont traite Fanny Dujardin, s’intéresse aussi à la différence de perception et spécifiquement à la question de l’écoute. Selon Blume, « l’écoute dépasse le sonore : écouter c’est aussi prendre en considération, accepter une présence, donner son attention », ce qu’il s’emploie à faire au moyen d’enquêtes de terrain auprès d’enfants des villes, de chiens de rues, d’abeilles ou d’habitants de la forêt amazonienne. L’ambition de l’artiste va jusqu’à l’écoute du phénomène de la montée des eaux. Nicolas-Xavier Ferrand, s’intéresse quant à lui aux œuvres de Špela Petrič, une biologiste de formation, souvent associée au bio-art. Ici il est question davantage de la manière dont les humains et non-humains (animaux ou végétaux) peuvent interagir, Petrič étant l’auteure de différents dispositifs ayant cette ambition. La dernière étude de cas, due à Juliette Bessette, part de la question de la symbiose – « l’association durable de deux ou plusieurs organismes dans une dynamique réciproquement profitable » –, promue dans les années 1950 par Buckminster Fuller et John McHale et appliquée aux relations entre l’humain et son environnement naturel et technologique. Différents exemples sont étudiés : de la cybernétique, au World Game, à la designer Neri Oxman et aux œuvres de Raffard-Roussel.

La deuxième partie du numéro est constituée de ce que nous avons qualifié de témoignages : des réflexions en chantier sur ce que la crise écologique change à notre façon de penser et d’agir. Le premier prolonge en quelque sorte l’article qui le précède directement, puisqu’il est dû au duo Raffard-Roussel. Celui-ci revient sur les conditions de ses recherches : la manière dont il établit des protocoles en partant de l’idée selon laquelle il existe des modes de pensée non-hégémoniques dont il pourrait être utile de s’inspirer. Les artistes s’intéressent à la fonction prototypantes de certaines œuvres d’art et aux démarches qui conduisent à leur réalisation, évoquant en particulier le cas de leur Machine terrestographique, un dispositif ayant pour but de se substituer à leur imprimante défaillante. Le deuxième texte, écrit par quatre personnes – Allan Deneuville, Gala Hernández López, Ariane Papillon, Ysé Sorel Guérin –, a quelques points communs avec l’article de Raffard-Roussel. Il s’agit principalement d’un compte rendu de différentes discussions ayant eu lieu au cours d’un atelier collectif de recherche-création à Poush-Manifesto en juin 2021. Des interventions y sont documentées au sein d’un portfolio spécifique. Le dernier article, en forme de témoignage, est dû à trois curatrices brésiliennes : Ana Magalhães, Marta Bogéa, Cauê Alves. Elles reviennent sur leur expérience d’organisation de l’exposition « Zona de Mata », organisée en quatre parties au Musée d’art contemporain de l’Université de São Paulo (MAC USP) et au Musée d’art moderne de São Paulo (MAM) entre juin 2021 et juin 2022.

Le dossier « L’art face aux urgences écologiques » est complété d’un entretien réalisé par Benjamin Arnault avec Lauranne Germond, fondatrice et directrice de l’association COAL, une association qui mobilise les artistes et les acteurs culturels sur les enjeux sociétaux et environnementaux. Un portfolio a, par ailleurs, été confié à Michel Blazy, un artiste dont la réflexion sur les transformations du vivant est reconnue de longue date.

Jérôme Glicenstein

Octobre 2022

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Revue Marges. revue d'art contemporain
Nombre de pages : 192
Langue : français
Paru le : 02/11/2022
EAN : 9782379242427
Première édition
CLIL : 3675 Revues sur l’art
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782379242427

Version numérique
EAN : 9782379242434

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