Paris 8 - Université des créations

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Revue Marges. revue d'art contemporain
Nombre de pages : 192
Langue : français
Paru le : 10/04/2016
EAN : 9782842925291
Première édition
CLIL : 3675 Revues sur l’art
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842925291

Version numérique
EAN : 9782842925307

L’artiste-théoricien

N°22/2016

La théorie, qu’elle soit produite par les artistes ou importée au sein de leurs activités, soutient-elle nécessairement leur pratique ?

Dans ce numéro, Marges s’interroge particulièrement sur l’importance accordée à la constitution d’un discours théorique lors de la formation des artistes. Cette question est en effet un enjeu de la normalisation des écoles d’art, depuis l’entrée en vigueur du processus de Bologne (processus de rapprochement des systèmes d’enseignement supérieur européens, débuté en 1999). Cet aspect est notamment traité sous un angle sociologique – à travers une enquête menée au sein des écoles d’art – mais aussi sur ses implications multiples, avec le passage de la figure de l’artiste-théoricien (années 60-70) à celle de l’artiste-chercheur au service de la production de nouvelles formes de valeur.

Éditorial

Dossier : « L’Artiste-théoricien »

Gabriel Zacarias
« Le paradoxe situationniste : la fonction de la théorie dans l’art de Guy Debord »

Denis Laoureux
« De l’usage de Wittgenstein dans la théorie de l’art et la pratique de l’exposition (Kosuth et Broodthaers) »

Nina Léger
« Misunderstandings et “Babels illusoires” : penser avec Mel Bochner et Robert Smithson »

Nicolas Heimendinger
« Le Grand récit de la critique institutionnelle »

Giuseppe Burighel
« Le Danseur performer et la conférence-spectacle »

Jérémie Vandenbunde
« Savoirs théoriques et production de discours dans les écoles supérieures d’art »

Evangelos Athanassopoulos
« L’Art comme production de connaissance : entre théorie et pratique »

Varia

Geneviève Chevalier
« “Raid the Icebox 1 with Andy Warhol” et critique institutionnelle : les origines de la carte blanche »

Sarah Heussaff
Entretien avec Kamil Guenatri (La Terrasse)

Portfolio

Noémie Goudal, Les Observatoires

Le paradoxe situationniste: la fonction de la théorie dans l’art de Guy Debord 
Gabriel Ferreira Zacarias
Dans cet article j’étudierai la fonction de la théorie dans l’élaboration des propositions artistiques de dérive et de situation construite, formulées par Guy Debord. En me servant des fiches de lectures inédites de l’auteur, j’examinerai comment ces deux notions ont évolué en dialogue avec différents ouvrages théoriques. Qui plus est, je tenterai de montrer comment la théorie acquiert progressivement une fonction spécifique dans la pratique artistique de Debord, occupant la place laissée vide par l’abandon situationniste de l’œuvre d’art.

De l’usage de Wittgenstein dans la théorie de l’art et la pratique de l’exposition (Broodthaers et Kosuth)
Denis Laoureux 
Cette contribution s’intéresse à la (re)lecture du Tractatus logico-philosophicus dans les années 1970 et 1980. Elle se centre sur deux artistes s’étant référés à l’essai de Ludwig Wittgenstein dans leur réflexion sur le langage et dans leur pratique curatoriale : Marcel Broodthaers et Joseph Kosuth. Le travail mené par ces artistes autour de Wittgenstein permet d’observer ce qui ressort de la théorie de l’art quand celle-ci se soumet à l’épreuve de l’exposition.

Misunderstandings et « Babels illusoires » : penser avec Mel Bochner et Robert Smithson
Nina Leger 
Les années 1960-1970 sont un moment d’intense activité théorique pour une jeune génération d’artistes états-uniens. Si leur premier élan fut de fonder les bases d’un art neuf, le moment qui s’ouvrit à partir du milieu des sixties chercha, au contraire, à défaire les définitions trop rapidement adoptées et simplifiées. À cette fin, plusieurs artistes reconfigurèrent les formes et les lieux de leur discours. Le terme de théorie peut-il s’appliquer à ces formes sans en gommer la spécificité ? Et ce terme est-il fidèle à la conception qu’avaient ces artistes de l’activité spéculative ? Considérant les travaux de Mel Bochner et de Robert Smithson, cet article se propose de problématiser ce qui, dans l’application du terme d’« artiste-théoricien », semblait aller de soi

Le grand récit de la critique institutionnelle
Nicolas Heimendinger
La critique institutionnelle offre le paradoxe d’un mouvement créé a posteriori par des critiques d’art proches de la revue October, puis réapproprié par des artistes qui ont été présentés vers 1990 comme sa « seconde génération ». Élaborée d’abord comme une « anti-esthétique » postmoderniste, la critique institutionnelle est devenue au cours des années 1980 l’instrument d’une résistance au cultural turn. Sous son aura de radicalité politique transparaît le constat mélancolique de la dissolution des avant-gardes et de l’espace public oppositionnel.

Le danseur performer et la conférence-spectacle. Xavier Le Roy, Jérôme Bel, Claudia Triozzi
Giuseppe Burighel 
Qu’est-ce que danser ? Par le détournement de l’outil de la conférence, Le Roy, Bel et Triozzi s’inscrivent dans le débat chorégraphique contemporain qui vise à la danse comme art autonome, à travers une attitude performative qui met en avant leurs présences – formations, expériences de vie – en faveur de la cause artistique. Ils deviennent également des théoriciens performers de la scène, c’est-à-dire des artistes capables d’entamer un processus ouvert d’action critique au sujet de leur art.

L’art comme production de connaissance : entre théorie et pratique
Evangelos Athanassopoulos 
Cet article cherche à se situer au croisement de trois approches différentes de l’art – esthétique, sociologique, et historique – dans l’objectif d’interroger le rapport qui existe entre, d’une part, le statut et la fonction du discours dans l’art contemporain et, d’autre part, les politiques culturelles, les réformes éducatives et les reconfigurations institutionnelles grâce auxquelles l’activité créative est en train de faire son entrée dans le marché de la connaissance.

Savoirs théoriques et production de discours dans les écoles supérieures d’art
Jérémie Vandebunder
Cet article considère le statut des enseignements théoriques dans les écoles d’art et la façon dont ceux-ci interviennent dans les mécanismes de la socialisation professionnelle. Il met en lumière la façon dont les étudiants en art découvrent les représentations du groupe professionnel et comment celles-ci introduisent un rapport particulier avec le discours théorique. Il introduit également la question du processus de Bologne et les débats que celui-ci a pu susciter dans les écoles d’art. 

VARIA

« Raid the Icebox 1, with Andy Warhol » et critique institutionnelle : les origines de la carte blanche
Geneviève Chevalier
Cet essai examine les origines de la carte blanche lancée aux artistes par les musées, particulièrement lorsqu’elle s’incarne dans une nouvelle exposition des objets de la collection permanente. À travers l’étude du cas d’espèce que constitue l’exposition « Raid the Icebox 1, with Andy Warhol » et l’évocation des premières interventions associées au mouvement de la Critique institutionnelle, l’auteur se penche sur l’émergence d’une pratique qui est aujourd’hui l’apanage des artistes, des commissaires et des musées.

ENTRETIEN

Entretien Kamil Guenatri
Sarah Heussaff
Kamil Guenatri (La Terrasse) puise ses influences dans la littérature, la poésie et la philosophie transposés, sans compromis, au domaine des arts visuels. Cet entretien questionne la construction de la démarche artistique de l’artiste : du « mythe de la terrasse » à l’acte performatif dans lequel l’engagement du corps est plein et franc. Tout en prenant le temps du du quotidien et du détail, cette discussion amorce des questionnements plus larges et engagés relatifs aux recherches dans les Disability Studies et les Disability Arts.

The situationist paradox: the function of theory in the art of Guy Debord
Gabriel Ferreira Zacarias  
In this article I’ll study the function of theory in the elaboration of Guy Debord’s two main artistic proposals, those of drift and constructed situation. With the aid of the author’s unpublished reading notes, I’ll examine how these two notions have evolved in dialogue with different theoretical works. Moreover, I’ll try to show how the theoretical discourse progressively gains a more specific function inside Debord’s artistic practice, occupying the empty space of the art work, which was proscribed by situationists.  

The use of Wittgenstein in the theory of art and curatorial practice (Broodthaers and Kosuth)
Denis Laoureux 
This contribution is devoted to the reading of Tractatus logico-catalogicus in the 1970s and 1980s of the 20th century. Our analysis is focused on two artists who are referred to the Wittgenstein’s book in their theoretical thought on language and practice of art exhibition : Marcel Broodthaers and Joseph Kosuth. The artistic research made by these artists regarding Wittgenstein is an angle throughout we can observe what the theory of art become when she is submitted to the reality of exhibition.

Misunderstandings and “illusory Babels” : Thinking with Mel Bochner and Robert Smithson
Nina Leger 
In the 1960s-1970s, some young American artists engaged into prolific theoretical activity. They first aimed at the foundation of a new art. But in the mid-sixties, the mood changed and so did the aim: artists began to write to deconstruct the definitions that had been too quickly endorsed and simplified (as was the case with Minimalism). Consequently, artists chose to re-define the forms and sites of their discourses. Was it still theory that they were producing? One might suggest the use of the term obliterate the very specificity of the writing that was produced at the time. Besides, does the term “theory” suit the way these artists perceived speculative thinking? Tackling the works of Mel Bochner (b. 1940) and Robert Smithson (1938-1970), this essay aims at problematizing the seemingly obvious notion of the artist as theoretician.

The Grand Narrative of Institutional Critique
Nicolas Heimendinger 
The Institutional Critique offers the paradox of an art movement created in retrospect by art critics close to the October journal and then extended by artists which were labelled around 1990 as a “second generation”. Emerging at first as a postmodernist “anti-aesthetic”, Institutional Critique became in the 1980s an instrument of resistance against the “cultural turn”. Behind its aura of political radicalism appears the melancholic experience of the dissolution of the avant-garde and the vanishing of the oppositional public sphere.

The dancer performer and the conference-spectacle. Xavier Le Roy, Jerome Bel, Claudia Triozzi
Giuseppe Burighel 
What is dance? Thorugh appropriation of the tool of conference, Le Roy, Bel and Triozzi engage in the contemporary choreography debate which focuses on dance as an indipendent form of art. They do so through a performative approach which puts their own presences first – training, life experiences – in favor of the artistic cause. They become theorists/performers of the scene, i.e. artists capable of initiating an open process of critical action about their own art.

Art as knowledge production: between theory and practice
Evangelos Athanassopoulos 
This article seeks to come across three different approches of art – aesthetic, historical, and sociological – in order to question the relation between the status and the function of discourse in contemporary art, on the one hand, and the cultural politics, educational reforms and institutional reorganisations, on the other hand, through which creativity is currently in the process of making its entrance in the market of knowledge.

Theoretical knowledge and speechmaking in art schools
Jérémie Vandenbunder
This article considers the status of theoretical teaching in art schools and how they are involved in the mechanisms of professional socialization. It highlights how art students discover the representations of the professional group and how these introduce a special relationship with the theoretical discourse. It also introduces the issue of the Bologna process and the debates that it may have caused in the art schools.

VARIA

“Raid the Icebox 1, with Andy Warhol” and Institutional Critique: the origins of museum interventions
Geneviève Chevalier
This essay focuses on the origins of museum interventions initiated by museums who invited artists to create a new exhibition using objects and artworks taken from their permanent collection. In analyzing the singular case of the « “Raid the Icebox 1, with Andy Warhol” (1969-1970) exhibition and revisiting the first interventions associated with the Institutional Critique movement, the author examines the emergence of a practice that is now the preserve of artists, curators and museums.

ENTRETIEN

Interview Kamil Guenatri
Sarah Heussaff
Kamil Guenatri (La Terrasse) draws his inspiration from literature, poetry and philosophy, which are transposed into the domain of visual arts. This interview addresses the artist’s artistic process: from the “mythe de la terrasse” to the final performing act, in which the body is engaged fully and genuinely. While this interview focuses on details of everyday life, it also addresses broader questions related to the research in Disability Studies and Disability Arts.

Selon un schéma hérité de la Renaissance – en un lointain souvenir de Léonard de Vinci ou de Leon Battista Alberti – les artistes se font à l’occasion théoriciens de leur propre pratique. Leurs écrits revêtent alors des formes très variées : essais, critiques, mémoires, notes, carnets, romans… suivant un modèle qui a été repris et accentué à l’époque des avant-gardes historiques. Dans certains cas, l’artiste en vient même à élaborer des programmes théoriques qui ne se limitent pas au champ de l’art (de Seurat au Futurisme, en passant par le Bauhaus ou le constructivisme). Plus près de nous, au milieu des années 1960, le modèle de l’artiste comme théoricien est repensé : l’art conceptuel, en établissant une équivalence entre art et discours sur l’art, donne alors pour objectif à la création de se définir par elle-même et des artistes comme Daniel Buren déclarent que la théorie est indissociable de leur pratique. Ces artistes entendent alors revendiquer une position de résistance face à l’hégémonie des discours institutionnels, tout en s’opposant aux catégorisations qu’ils imposent. 

Depuis la fin des années 1970, ce modèle semble être en perte de vitesse. En revanche, d’autres figures d’artistes apparaissent qui empruntent des éléments théoriques et méthodologiques à une grande diversité de champs disciplinaires : artiste-ethnographe, artiste-archiviste ou documentaliste, artiste-producteur, artiste-narrateur, artiste-cartographe, artiste-scientifique… Dans ces nouvelles postures, l’artiste s’intéresse davantage à des connaissances appliquées qu’à des élaborations spéculatives et laisse de côté l’idée d’une maîtrise complète de savoirs abstraits au profit de connaissances plus pratiques. Cette nouvelle situation suscite des questions. La théorie, produite ou importée par les artistes, soutient-elle nécessairement leur pratique ? Quelle est la nature de cette théorie, quelles formes prend-elle et comment en juger ? L’objet de ce numéro est d’interroger les différentes facettes et enjeux que recouvre l’activité théoricienne pour un artiste, les conséquences sur sa pratique ou sur son statut d’artiste.

Le premier texte conserve une certaine ambiguïté, ne serait-ce que parce que l’artiste dont il est question a eu d’autres activités que strictement artistiques. Gabriel Ferreira Zacarias revient ainsi sur le paradoxe apparent qui tient souvent Guy Debord pour un théoricien, alors que l’ensemble de son œuvre n’a eu de cesse de fonder un art « basé sur l’expérience », qui ne se contenterait pas d’illustrer passivement des théories esthétiques. Face à ce genre de position, c’est un peu un mouvement inverse qui conduit Marcel Broodthaers et Joseph Kosuth à s’inspirer du Tractatus logico-philosophicus de Ludwig Wittgenstein. Pour ces deux artistes, ainsi que le montre Denis Laoureux, la référence très marquée à un texte théorique permet de s’interroger sur l’autonomie de l’expérience – même si ce texte n’est pas lu ou illustré littéralement.

L’idée d’un rapport détaché à l’élaboration théorique se retrouve dans le texte de Nina Leger qui s’intéresse, elle, aux élaborations théoriques de Robert Smithson et Mel Bochner, des artistes emblématiques du mouvement de théorisation des pratiques artistiques aux États-Unis dans les années 1960. Ces artistes, explique-t-elle, entretiennent une relation très singulière à la théorie, s’en servant plus comme d’un moyen (un outil parmi d’autres) que comme d’une fin en soi.

Nicolas Heimendinger s’interroge quant à lui sur le bien fondé d’une dénomination telle que « critique institutionnelle » – laquelle a souvent été utilisée pour qualifier les pratiques d’artistes des années 1960-70 – et sur la manière dont cette notion a été construite rétrospectivement par des artistes et théoriciens des années 1980-90, dans le but sans doute de redonner vigueur à des mouvances en perte de vitesse. Ici, les artistes ne sont pas seuls : ils font partie d’un ensemble plus large et sont pris pour objets de débats théoriques qui ne les concernent pas nécessairement. La pratique des artistes de ces dernières années conduit de fait à reconsidérer la notion d’artiste-théoricien.

De nouvelles formes, telles que la conférence-performance, engagent en effet à inclure la dimension théorique d’une œuvre dans sa réalisation pratique. Les danseurs dont parle Giuseppe Burighel – Xavier Le Roy, Jérôme Bel, Claudia Triozzi – entretiennent ainsi avec leur pratique une relation qui n’est pas purement de l’ordre de l’élaboration théorique, même si elle joue d’une prise de distance métadiscursive, ce dont témoigne par exemple l’usage de narrations autobiographiques dans les conférences-spectacles.

Les deux textes suivants s’interrogent quant à eux sur l’importance accordée à la constitution d’un discours théorique lors de la formation des artistes. Cette question est en effet un enjeu de la normalisation des écoles d’art, depuis l’entrée en vigueur du processus de Bologne (1999). Jérémie Vandenbunder traite de cette question sous un angle sociologique – à travers une enquête menée au sein des écoles d’art – alors qu’Evangelos Athanassopoulos s’interroge quant à lui sur ses implications multiples, avec le passage de la figure de l’artiste-théoricien à celle de l’artiste-chercheur au service de la production de nouvelles formes de valeur.

Dans les varias de ce numéro nous publions un article de Geneviève Chevalier sur les origines des cartes blanches proposées aux artistes afin de réaccrocher les collections permanentes de certains musées. L’auteure s’appuie en particulier sur le cas d’Andy Warhol et de son exposition « Raid the Icebox 1 » (1969-1970). Nous publions également un entretien mené par Sarah Heussaff avec Kamil Guenatri (La Terrasse), un artiste performeur dont la condition physique lui impose d’être constamment assisté – ce qui crée une relation ambivalente avec ses assistants de vie, également vecteurs de réalisation des performances.

Selon une tradition désormais bien ancrée, nous présentons deux interventions d’artiste : un portfolio de Noémie Goudal, Les Observatoires et une proposition textuelle de Sébastien Rémy, ainsi que quelques comptes rendus d’ouvrages et d’expositions récents.

 

Jérôme Glicenstein

avril 2016

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Revue Marges. revue d'art contemporain
Nombre de pages : 192
Langue : français
Paru le : 10/04/2016
EAN : 9782842925291
Première édition
CLIL : 3675 Revues sur l’art
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842925291

Version numérique
EAN : 9782842925307

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