La « chose »
Ce troisième volume de notre enquête sur la création cinématographique part à la rencontre de quatre cinéastes et un technicien, pour aborder une question qui préoccupe de façon récurrente les étudiants présents lors de ces entretiens : un technicien peut-il être créateur ?
Et si le rôle des techniciens ressemblait – de l’autre côté des machines – à celui, plus largement connu, des comédiens ? Sont-ils, eux aussi, à leur manière, les indispensables interprètes des cinéastes ?
C’est l’hypothèse avancée par Emmanuel Croset, technicien du son et plus précisément du mixage – dernière étape où il s’agit aussi de parer à l’angoisse de terminer le film.
Qu’en pensent les cinéastes ? En quoi ont-ils une place spécifique dans le travail collectif du cinéma ? Tel est le fil, déjà tissé précédemment, qui relie nos interlocuteurs à travers la diversité de leurs expériences.
Mia Hansen-LØve et René Féret se situent du côté de la fiction, Richard Dindo et Claudio Pazienza sont des documentaristes, mais les frontières entre ces deux grands domaines sont poreuses. Nous avons cherché à les définir plus exactement :
Mia Hansen-LØve se dit portraitiste (parfois autoportraitiste). René Féret est l’auteur-réalisateur-producteur de tous ses films (parfois producteur d’autres réalisateurs), il nous donne sa vision croisée de l’acte de création et des arcanes de la production. Richard Dindo, biographe, fait revivre des artistes du passé à partir de leurs écrits. Claudio Pazienza, qui est aussi producteur de ses propres films, est essayiste. Ses films gravitent autour de la question de la disparition, du rapport du cinéma à la « sauvagerie du réel ». D’emblée, il se voit en taxidermiste.
Chacun, ici, à son tour, enrichit le propos qui, de rencontre en rencontre, tente de cerner cette spécificité, et parle à sa façon de la « chose » présente en soi, qu’il-elle transpose dans des personnages, à la recherche de la vérité la plus intime.
État second, fébrilité joyeuse, don de voyance, nécessité d’inspiration pour pénétrer dans le labyrinthe intérieur d’un passé toujours présent, où ils se risquent sans protection.
Dominique Villain