Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis

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Collection Libre cours
Nombre de pages : 188
Langue : français
Paru le : 09/04/2019
EAN : 9782842927356
Première édition
CLIL : 3668 Histoire de l’art, études
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 180×120 mm
Version papier
EAN : 9782842927356

Version numérique
EAN : 9782842927387

Les études visuelles

Première synthèse française retraçant les débats d’idées consacrés à une discipline très populaire aux Etats-Unis et dans le monde anglo-saxon.
Cet ouvrage écrit dans un langage très clair est la  première synthèse française retraçant les débats d’idées consacrés à une discipline très populaire aux États-Unis et dans le monde anglo-saxon. À la confluence de l’histoire de l’art, de l’esthétique, de la théorie littéraire et des Cultural Studies, les Visual Studies sont un important champ de réflexion universitaire, artistique et militant. L’ouvrage présente les principaux auteurs en confrontant leurs thèses, de manière accessible, aux nouvelles formes d’images et de visibilité.
Auteur·ices : Boidy Maxime

Introduction Trajectoires

Chapitre 1 Histoire, controverses, disciplinarité Chapitre 2 Francfort, Birmingham, Vincennes Chapitre 3 Art, culture, populisme 

Concepts

Chapitre 4 Image, vision, visualité Chapitre 5 Spectacle, observation, reconnaissance Chapitre 6 Signification, pouvoir, désir 

Horizons

Chapitre 7 Idolâtrie, fétichisme, totémisme Chapitre 8 Iconologie, représentations, dominé-e-s Chapitre 9 Médias, attention, transversalités Conclusion Bibliographie

Apparues aux États-Unis durant les années 1990, les Visual Studies sont nées d’un déplacement des études culturelles anglo-saxonnes vers les questions visuelles. Elles résultent également d’un décloisonnement de l’histoire de l’art. Les contours de ces savoirs universitaires, artistiques et militants, nourris de nombreuses influences françaises, demeurent pourtant mal connus. Si les notions d’« études visuelles » et de « culture visuelle » sont désormais de plus en plus mobilisées par la recherche francophone sur l’image, ce livre montre qu’elles n’ont rien de convenu. Il en retrace les origines avant de présenter les principaux concepts permettant de penser la place prépondérante désormais occupée par le regard et l’imagerie dans la vie quotidienne. Plus qu’une simple introduction raisonnée, Les études visuelles applique les préceptes des Visual Studies à leur propre histoire, tout en méditant sur les nouvelles visibilités populaires et politiques. Maxime Boidy est chercheur au sein des Universités Paris 8 Vincennes-Saint-Denis et Paris Ouest Nanterre. Ses recherches portent sur l’histoire intellectuelle des savoirs visuels et sur les esthétiques de la représentation politique. Traducteur de plusieurs ouvrages du théoricien étasunien des Visual Studies W.J.T. Mitchell, parmi lesquels Iconologie : image, texte, idéologie (Les Prairies ordinaires, 2009), il a récemment coordonné et préfacé la réédition de Techniques de l’observateur. Vision et modernité au XIXe siècle de Jonathan Crary (Éditions Dehors, 2016)

Introduction

Les notions d’« études visuelles » et de « culture visuelle » sont en vogue dans le monde francophone depuis quelques années, aussi bien dans les milieux artistiques qu’au sein de la recherche académique. Colloques, thèses, programmes scientifiques, publications diverses s’en réclament, et pourtant ce qu’elles désignent reste flou, ou pour le moins paradoxal. Ces étiquettes apparaissent fédératrices dans la mesure où certaines unités de recherche universitaires rassemblent désormais derrière elles différents champs disciplinaires, traditionnellement hermétiques. Néanmoins, elles demeurent étrangement exclusives : de grands noms de la pensée visuelle française contemporaine, tel Jacques Rancière, ne se revendiquent ni de l’une, ni de l’autre dans leurs écrits.

Qu’est-ce à dire ? Tout simplement que les études visuelles et la culture visuelle ont une histoire, qui trouve son origine principale dans le monde académique anglo-américain. L’essor francophone de ces notions ne représente qu’une portion infime et tardive de leurs trajectoires intellectuelles. Infime, mais révélatrice, car l’universalité est aussi un leurre aux États-Unis, où ces idées ont fait l’objet de vifs débats lorsqu’elles sont apparues au cours des années 1990. « I hate Visual Culture », a ainsi pu déclarer la théoricienne américaine Rosalind Krauss au cours d’un entretien (Krauss 1997). « Je hais la culture visuelle » : confession étonnante qu’il s’agit de décrypter. Par ces mots, Krauss n’entendait nullement avouer un iconoclasme viscéral ou une défiance devant l’image, qui serait bien curieuse de la part d’une figure majeure de l’historiographie de l’art moderne et contemporain. Le fond de sa déclaration était tout autre : « Je hais ce nouveau champ intellectuel appelé culture visuelle ». L’objet de sa critique n’était pas le visible en général, mais une certaine manière de l’appréhender – historiquement, institutionnellement, politiquement.

D’autres auteurs surprennent davantage encore en adoptant de singulières postures de compromis. Dans son maître ouvrage Suspensions of Perception, l’historien de l’art américain Jonathan Crary a proposé une historiographie approfondie de la notion d’« attention », qui fait également l’objet d’un intérêt considérable en France à l’heure actuelle. Tout en affirmant étudier la « culture visuelle du xixe siècle », Crary a pris ses distances avec les Visual Studies, coupables d’opérer, selon lui, une réduction sur le visible pouvant amener à négliger d’autres formes de sensorialité (Crary 1999 : 2-3). Pour sa part, le théoricien britannique Nicholas Mirzoeff a produit l’une des plus stimulantes introductions à la Visual Culture en se défiant des études visuelles, jugées trop enclines à restreindre au monde universitaire des problèmes qui concernent n’importe qui (Mirzoeff 2009). Selon Mirzoeff, l’enjeu central de la culture visuelle est une démocratie du visible et par le visible, dont l’effectivité ne peut résulter de connaissances élitistes. Au contraire, il s’agit de privilégier un « activisme visuel » articulant la théorie à la pratique politique (Mirzoeff 2015a : 287-298). Du reste, cet activisme intéresse une large frange de la recherche visuelle anglo-américaine contemporaine, comme en témoigne une récente livraison du Journal of Visual Culture (Bryan-Wilson et al. 2016), la principale revue d’études visuelles anglophone, fondée en 2002.

Ce faisant, Jonathan Crary et Nicholas Mirzoeff ont tracé des lignes de fracture entre les « études visuelles » et la « culture visuelle », pour des raisons différentes, mais indubitablement fondées sur des politiques du savoir. Charge à nous d’éclairer ces politiques afin de mettre en évidence la pertinence de leurs écrits, et, au-delà, ce que signifie penser le visible aujourd’hui. Aussi ce livre ne propose-t-il pas une introduction à la Visual Culture à proprement parler – les ouvrages de Mirzoeff et bien d’autres sont des références en la matière qu’il est plus urgent de traduire ou de recenser que de piller ou d’accaparer. Il ne s’agit pas non plus de donner à lire un énième vade-mecum décontextualisé sur les théories classiques ou contemporaines de l’image, rassemblées pour l’occasion sous la bannière des « études visuelles ». Cet ouvrage souhaite offrir autre chose : d’une part, un espace de discussion historico-théorique (partie 1) et conceptuel (partie 2) autrement plus ambitieux que celui dont ont bénéficié les Visual Studies jusqu’à présent dans le monde francophone ; d’autre part, des horizons d’investigation que ces savoirs anglo-américains hybrides, ou certains faits d’actualité récents, dessinent dorénavant devant nos yeux (partie 3).

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Commençons par une définition riche de sens : la culture visuelle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images. Les lecteurs férus de l’Internationale situationniste et de la pensée de Guy Debord auront reconnu au premier coup d’œil l’une des maximes-clés de La Société du spectacle (Debord [1967] 1992 : 16). Ils se réjouiront peut-être de voir la notion de spectacle perdurer, ainsi détournée – il est plus probable qu’ils se méfieront d’une appropriation académique douteuse. Cette définition comporte pourtant plusieurs ingrédients théoriques et pragmatiques précieux dans notre situation : une historicité complexe ; une politisation incontournable ; une puissance intellectuelle et sensible ; une énonciation à la fois déjà vue et inédite, détachée de toute définition anglophone canonique bien que fidèle en traduction. La notion de spectacle est en effet l’un des fondements de la culture visuelle telle que l’entend Jonathan Crary (2016). À l’appui d’une telle définition, l’iconographie ne constitue pas une priorité. L’enjeu n’est pas dans l’imagerie elle-même, mais dans les formes sociales et politiques qu’elle visualise, qu’elle contribue à produire, et que l’on peut saisir à travers elle. Ce premier cadrage trouvera à s’affiner tout au long du livre, en densifiant la sémantique du rapport social, de la médiatisation et, bien évidemment, de l’image.

Les problèmes de représentation, de production et de perception concernent, au même titre, les trajectoires intellectuelles passées, l’outillage conceptuel présent et les horizons d’étude futurs de la culture visuelle. C’est la raison pour laquelle nous avons organisé ce livre en neuf chapitres brefs répartis en trois parties distinctes. L’absence complète d’iconographie, aussi surprenante soit-elle dans un ouvrage sur le visible, est volontaire. Si ce choix éloigne la forme du propos de certaines références majeures de la littérature discutée, qui ont relevé le défi de l’essai visuel dépourvu de mots (Berger 2014), il prolonge d’autres partis pris d’écriture sans illustrations (Mitchell 2009). Certes, la culture visuelle est un rapport social entre des personnes médiatisé par des images, mais ses implications sociopolitiques concernent aussi un rapport esthétique qui, de longue date, oppose le visible aux mots qui le verbalisent – qui « parlent à sa place ». C’est là tout le sens de l’iconologie revisitée par W.J.T. Mitchell depuis les années 1980, et plus spécifiquement de la croix qui sépare le texte et l’image (« Image X Text ») dans le titre du chapitre consacré à cette question dans son dernier livre, Image Science (Mitchell 2015 : 39-47).

La première partie, intitulée « Trajectoires », entend décrire et relire les débats parfois houleux qui ont émaillé l’essor des études visuelles aux États-Unis. Le chapitre 1 explore leur préhistoire, telle que la New Art History dans le champ de l’histoire de l’art, et quelques références bibliographiques majeures des années 1970 et 1980. Il vise à documenter certaines controverses induites par le découpage des savoirs en « Studies ». Le chapitre 2 s’intéresse aux apports provenant de diverses traditions critiques européennes : les Cultural Studies britanniques, la Théorie critique de l’École de Francfort et la pensée structuraliste et poststructuraliste française, couramment appelée « French Theory » aux États-Unis. Le chapitre 3 aborde les problématiques relatives à l’art ou à la culture qui ont accompagné la formation des études visuelles. Il cherche en outre à clarifier certaines de leurs spécificités sur le plan des politiques du savoir.

La deuxième partie, intitulée « Concepts », porte sur l’appareil théorique développé au sein des Visual Studies. Elle ouvre l’histoire des idées vers la boîte à outils que les études visuelles fournissent pour penser les visibilités. Outre les principales théories de l’image et de la vision, le chapitre 4 décode la « visualité », concept aussi incontournable que polysémique. Le chapitre 5 porte sur le rapport au visuel ; il passe successivement en revue diverses approches contemporaines du spectacle et de l’observation avant de traiter la « reconnaissance » du visible, qui cristallise certaines antinomies du regard. Le chapitre 6 conclut cette approche conceptuelle en se concentrant non plus sur l’action du regardeur, mais sur les capacités de l’image elle-même, à travers les thématiques du pouvoir, du désir et de la signification.

La dernière partie, intitulée « Horizons », entend remettre en perspective ces trajectoires intellectuelles et cet appareil conceptuel à partir de travaux d’ores et déjà en cours dans le champ francophone, ou qui restent à initier. Le chapitre 7 explore la riche actualité du totémisme, du fétichisme et de l’idolâtrie, la triade qui gouverne depuis quatre décennies les investigations iconologiques de W.J.T. Mitchell (2014 : 123-206). Le chapitre 8 déploie certaines réflexions récentes sur les représentations et les visibilités politiques. Le chapitre 9 revient sur deux champs de recherche en plein essor dans le monde académique français. L’« archéologie des médias » ou l’« économie de l’attention » médiatisent, directement ou indirectement, certains questionnements initialement développés au sein ou à la marge des Visual Studies. Ce chapitre propose une ouverture nécessaire étant donné que les concepts de « médium » et d’« attention » concernent les visibilités sans pour autant être centrés sur le visible – ou « occulocentrés », pour reprendre une terminologie un temps en vogue dans les études visuelles (Jay 1993).

La conclusion revient sur le « tournant pictorial » (pictorial turn) diagnostiqué par W.J.T. Mitchell (1994 : 11-34) il y a un quart de siècle. La définition et la validité de cette notion, dérivée entretemps en divers tournants « visuel » ou « iconique » (Boehm et Mitchell 2009 ; Moxey 2008), ne peuvent être correctement jugées qu’au terme d’une telle investigation – les lecteurs impatients ont toute latitude de commencer par la fin. Sont aussi discutées en conclusion certaines acceptions du « populaire », du « populisme » ou du « peuple » abordées au fil du propos, notamment en fins de chapitres. Il s’agit d’une sorte d’hypertexte confrontant tour à tour les études visuelles à leurs politiques savantes, à leurs objets d’étude ou aux discours de leurs détracteurs. Employées tantôt positivement, tantôt péjorativement, ces notions polysémiques peuvent permettre d’éclairer non seulement les ambitions et les lignes de fracture des Visual Studies, mais aussi l’émergence de nouvelles visibilités sociopolitiques contemporaines de l’essor de ce champ depuis les années 1990. Les visibilités du « peuple » concernent des contributions anglo-américaines qui excèdent toute définition restrictive des Visual Studies (Butler 2013). En retour, elles donnent accès à certaines réflexions visuelles germanophones (Bredekamp [2005] 2008) ou francophones (Didi-Huberman 2016) aujourd’hui essentielles. En somme, elles dessinent l’ouverture irréductible d’un champ dans le geste même consistant à tracer ses contours.

Ce livre se double d’une grille thématique susceptible d’intéresser les lecteurs connaisseurs de ces débats d’idées. De format modeste, il n’a nulle prétention à l’exhaustivité. S’il n’ambitionne pas de remplacer les introductions existantes à la Visual Culture (Elkins 2003 ; Mirzoeff 2009 ; Mitchell 2014), il peut encore moins être l’équivalent des readers, c’est-à-dire des anthologies de textes dans lesquelles figurent les pierres angulaires de ce champ, ainsi que de nombreuses références historiques qui ont jalonné sa construction (Evans et Hall 1999 ; Mirzoeff 2002 ; Jones 2003). Cela est tout particulièrement vrai sur le plan des pensées féministes, queer, postcoloniales et décoloniales, et de l’étude des rapports sociaux de genre ou de race, dont on ne saurait trop insister sur le caractère central dans les Cultural Studies anglo-américaines en général (Cervulle et Quemener 2015).

De nombreuses idées reprises dans ce livre ont fait l’objet de développements antérieurs dans des interventions et des publications. Que celles et ceux qui, par leurs critiques, leurs conseils et leurs efforts, ont contribué à leurs matérialisations soient anonymement remercié-e-s. Seules les références bibliographiques personnelles où figurent des analyses complémentaires seront mentionnées. Dans le même souci, un certain nombre de thèses à la marge des études visuelles seront présentées succinctement, sans référence directe vers des lectures annexes. Ce choix vise à restreindre l’appareil de notes de manière à constituer une bibliographie de travail synthétique, transversale et féconde.


Les études visuelles

Entretien avec Maxime Boidy / Les études visuelles from Université Paris 8.

PUV/Université Paris 8 - Pôle Création Audiovisuelle

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Collection Libre cours
Nombre de pages : 188
Langue : français
Paru le : 09/04/2019
EAN : 9782842927356
Première édition
CLIL : 3668 Histoire de l’art, études
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 180×120 mm
Version papier
EAN : 9782842927356

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EAN : 9782842927387

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