« Le parcours à l’œuvre. Temps, espace et déplacement dans l’œuvre de Matthew Barney »
Guillaume Baychelier
On examinera en quoi la pratique de M. Barney est ouverte à des temporalités multiples. Nous analyserons comment ses œuvres reposent sur une approche temporelle processuelle inspirée du biologique. Nous verrons comment processus de développement corporel et processus poïétiques viennent à se confondre, impliquant dans l’œuvre de Barney une création par la contrainte, dans la résistance. Enfin, nous verrons comment la création, la performance et même la présentation de ces œuvres ont à voir avec le parcours, véritable exercice de création dans le temps et l’espace.
« Accélérations, rétrospections, anticipations : le temps en jeu dans les revues d’artistes ».
Marie Boivent,
Cet article propose, par l’analyse d’une série d’exemples de revues d’artistes depuis les années 1960, de saisir les tensions à l’œuvre dans l’appréhension du facteur temps par les artistes. Il s’agit de repérer de quelles manières la contrainte temporelle peut devenir un paramètre déterminant pour leurs publications – même lorsque les artistes tentent de faire signe vers une autre temporalité, indépendante des contraintes du calendrier – et d’examiner les enjeux qui accompagnent les différentes stratégies mises en œuvre.
Mots clés : revue d’artiste, magazine, périodique, périodicité, ponctualité, anticipation, lecture, contrainte, quotidien, presse, numérotation.
« La Vittoria racontée par Tinguely : histoire de la cohabitation d’une œuvre et de sa recréation imaginaire »
Déborah Laks
Lors d’un entretien de 1971 avec Alfred Pacquement et Éric Michaud, Jean Tinguely est revenu sur l’histoire de la Vittoria, son œuvre éphémère créée pour le festival du Nouveau Réalisme à Milan en 1970. Le récit et les dessins qu’il fait rétrospectivement de la Vittoria deviennent des extensions de l’œuvre et des repères pour son historicisation. Nous proposons de considérer que ces deux sources produisent une œuvre supplémentaire, imaginaire ou conceptuelle, dont le fonctionnement diégétique repose sur une multiplicité de temporalités imbriquées.
Mots clés : archives orales, récit, imagination, analyse linguistique, style épique, dessin, Tinguely, Nouveau Réalisme, éphémère.
« Quand l’image condense le temps ; le cas de L’arche russe d’Alexandre Sokourov »
Francis Gauvin
L’analyse des différentes temporalités dans le film L’Arche russe (Sokourov, 2002) montre que le dédoublement entre le présent et le passé, propre à l’image cinématographique, permet au plan‑ séquence de simuler le regard vécu d’un être qui, en explorant le musée de l’Ermitage, rencontre par le fait même l’histoire dans laquelle il s’enracine; et que ce dédoublement serait au cœur des processus sémiotiques par lesquels on entre en relation avec le monde.
Mots-clés : Sémiotique, temporalité, Sokourov, historicité, être-au-monde, regard vécu, Deleuze, contemporanéité.
« Vexations x8, musique et politique à Buenos Aires »
Violeta Nigro Giunta
Vexations est un motif pour piano composé par Erik Satie en 1893. Sa singularité réside dans le fait que le compositeur français ait indiqué de le répéter 840 fois. La première édition de Vexations (en 1949) et sa première interprétation intégrale (1963) viennent de la main de John Cage et font figure de véritable manifeste esthétique. En 2001, le IUNA (Institut Universitaire National des Arts) de Buenos Aires donnera Vexations durant une semaine afin de réagir contre des réformes politiques du système éducatif. Cet article analyse plusieurs interprétations de l’œuvre et s’interroge sur les différentes temporalités de la musique.
« Le silence-après d’Yves Klein »
Noémi Joly
Le corpus sonore et musical de l’œuvre d’Yves Klein se résume à sa célèbre Symphonie Monoton et à son paratexte. Cette œuvre convoque différentes temporalités, dans les strates de son élaboration, dans son immanence même, mais aussi et surtout dans le jeu d’échanges, immédiats ou temporisés, qui se tissent avec la pensée de ses contemporains. L’article se propose d’examiner le déploiement de ce projet dans le temps, de son invention conceptuelle, à ses prémices autour de la création d’un son unique et électronique avec Pierre Henry et à la réflexion autour d’un continuum spatial et sonore avec Karlheinz Stockhausen. Tardivement renommée Symphonie monoton-silence, la pièce accuse la réception différée du silence de John Cage par son ultime caractérisation, celle du « silence-après ».
Summary:
Mots-clés : Yves Klein, Pierre Henry, Karlheinz Stockhausen, John Cage, Symphonie Monoton, musique concrète, silence.
« Horloges au présent : présences de l’horloge dans l’art contemporain »
Claire Labastie
Pourquoi l’horloge, désertant les intérieurs bourgeois à la fin des années 60, a fait son entrée dans les œuvres d’art ? Après avoir été un motif peint tendu entre fixité et mouvement dans la modernité, elle devient un matériau banal dans la sculpture contemporaine. Résistance au temps de travail aliénant ou volonté de le promouvoir, temps collectif ou individuel, mesure et démesure : les œuvres à horloge offrent aux artistes un champ d’expression démultiplié pour inventer de nouvelles approches et des perceptions inédites du Temps.
« Le temps du remontage : entre cinéma et installation, The Clock de Christian Marclay »
Marie Rebecchi
Si on s’interroge sur la dimension hybride de l’œuvre d’art cinématographique à l’époque de la vidéo installation, et sur les rapports entre le temps vécu par le spectateur et celui de l’œuvre, il semble intéressant d’interroger aussi la question de la temporalité par rapport à l’acte du remontage. Quel est donc le modèle de temps d’une œuvre de remploi des images-temps différentes, projetée dans un musée d’art contemporaine, comme The Clock de Christian Marclay, où le temps virtuel de l’œuvre est à la fois remonté et greffé sur le temps réel vécu par les visiteurs-spectateurs ?
Mots clés : Montage, remontage, The Clock, Christian Marclay, cinéma, installation, cinéma d’exposition images-temps, temps exposé, Nachleben.
« Run, Run, Run : Les temps suspendus du cinéma de la Factory ».
Justin S. Wadlow
D’une manière extrêmement radicale, Andy Warhol cherche à démembrer le cinéma en le vidant de toute substance narrative et pose la question de l’expérience du temps en tant que tel. Un temps en quelque sorte premier, immobilisé et pris au piège de la pellicule. En refusant toute forme d’action Andy Warhol accueille et matérialise la présence envahissante du plan, que celui-ci soit un homme qui dort ou un gratte-ciel. Le temps est ainsi l’unique sujet des films de la Factory, et leur absence de montage nous plonge au cœur de l’écoulement lui-même, développant une temporalité, très différente de celle de ses œuvres visuelles, abordant ainsi une zone floue entre image animée et image fixe, se situant dans un espace incertain entre le temps du cinéma et celui de la peinture. Là où Andy Warhol travaille les images de façon totalement immobile et comme hors du temps, Jonas Mekas travaille à l’inverse sur la prolifération incessante des évènements et des temporalités ; là où Andy Warhol dénude le cinéma et la narration jusqu’à l’abstraction, Jonas Mekas cherche la profusion des images, des formes et des histoires. Toute la temporalité du cinéma de Jonas Mekas tient donc dans la circularité et le retour des souvenirs. Que ce soit a New-York ou lors de ses nombreux voyages, Jonas Mekas est donc confronté à l’extrême fragmentation du temps et des images qui l’entourent, ainsi qu’à leur incessante mobilité. D’où finalement la seule forme cinématographique adoptée par Jonas Mekas à travers toute son œuvre du film-journal. Ainsi, un questionnement commun relie profondément la démarche d’Andy Warhol et de Jonas Mekas : la notion de flux temporel, mais les réponses sont diamétralement opposées. Et chaque tentative prolonge ainsi, à sa manière, l’un des aspects des films de la Factory : l’immobilisme ou la fragmentation.