Paris 8 - Université des créations

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Revue Médiévales. Langue Textes Histoire
Nombre de pages : 284
Langue : français
Paru le : 06/10/2016
EAN : 9782842925444
CLIL : 3386 Moyen Age
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 240×160 mm
Version papier
EAN : 9782842925444

Version numérique
EAN : 9782842925451

Lieux d’hygiène et lieux d’aisance en terre d’Islam

N°70/2016

Réflexions d’historiens et d’archéologues sur une question largement ignorée de l’historiographie habituelle : celle des latrines, lieux d’aisances et autres commodités.
Rarement abordée par les chercheurs, parce que jugée trop scabreuse ou relevant d’une trop grande intimité, la question des latrines et de l’élimination des déchets physiologiques est pourtant au centre du quotidien. Son impact sur l’organisation sociale, en particulier en milieu urbain, est loin d’être négligeable. Dans le monde islamique, elle fait partie des préoccupations relevant de la pratique religieuse. L’intensification actuelle du problème, sous l’effet de l’augmentation rapide de la population mondiale impose de comprendre comment celui-ci était posé et résolu dans le passé.
Introduction Patrice Cressier, Sophie Gilotte, Marie-Odile Rousset Lieux d’hygiène et lieux d’aisance au Moyen Âge en terre d’Islam 

Yassir Benhima Usages de bienséance et règles de pureté dans la littérature juridique de l’Occident musulman médiéval »

Laurence Moulinier-Brogi L’examen des urines dans la médecine médiévale en terre d’Islam et en Occident. Un aperçu

Louise Blanke Trois latrines publiques dans la Jerash de l’Antiquité tardive, en Jordanie

Ieva Reklaityte Les latrines en al-Andalus : leurs principales caractéristiques et les conditions sanitaires urbaines

Antonio Vallejo Triano Les latrines califales de Madīnat al-Zahrā’ : aspects techniques et ornementaux, hiérarchie sociale

Claire Déléry Piletas et bacines : des vases pour les ablutions ?

Marie-Odile Rousset Latrines et espaces d’ablution dans les mosquées du Proche-Orient médiéval : l’enseignement des fouilles de Tyr

Füsun Tülek Les latrines des monuments seldjoukides et mamelouks de Cilicie 

Cyril Yovitchitch Soulagement au château : les lieux d’aisances dans les fortifications du Proche-Orient médiéval

Elena Pezzini Les latrines dans l’architecture domestique et palatiale de Palerme, un marqueur social ?

Jean-Pierre Van Staëvel, Marie-Pierre Ruas, Ahmed S. Ettahiri, et Abdallah Fili Lieux d’aisances et de toilette en milieu rural dans le Maroc médiéval : l’exemple des latrines du site d’Igîlîz et leurs restes archéobotaniques

ESSAIS ET RECHERCHES

  Raoul Fievet L’ambivalence de l’honneur dans l’Angleterre de la fin du Moyen Âge : une force compétitive ou modératrice ? Yoan Boudès Hildegarde de Bingen et l’encyclopédisme médiéval. Le cas des livres animaliers de la Physica

POINT DE VUE

  Julian Führer, Marie-Laure Pain et Amélie Sagasser Charlemagne, 814-2014 : bilan historiographique d’une année de commémorations   – Notes de lecture – Livres reçus
Yassir Benhima – Université de Paris III-Sorbonne Nouvelle/UMR 5648-CIHAM Usages de bienséance et règles de pureté dans la littérature juridique de l’Occident musulman médiéval Cet article étudie les règles de bienséance, leur codification et leur signification dans la tradition juridique de l’Occident musulman médiéval. Préconisées préalablement au rituel canonique des ablutions, ces normes explicitent le comportement recommandé, notamment lors de la fréquentation des latrines. N’ayant pas un caractère obligatoire, ces règles s’imposent néanmoins parallèlement à la naissance d’une société urbanisée et répondent au souci permanent de la pureté qui préoccupe les juristes. excréments – islam – pureté/impureté – purification rituelle   Laurence Moulinier-Brogi – Université Lumière-Lyon 2/UMR 5648 – CIHAM L’examen des urines dans la médecine médiévale en terre d’Islam et en Occident. Un aperçu Cet article a pour objet non pas tant des lieux d’aisance que le produit d’une évacuation corporelle, à savoir l’urine, et son importance dans la médecine du Moyen Âge en terre d’Islam et en Occident. Le diagnostic comme le pronostic médical se fondaient en effet sur l’inspection de ce fluide recueilli dans un flacon particulier, l’urinal. Mais l’examen des urines n’avait pas toujours eu une telle importance dans la sémiologie : la part croissante de l’uroscopie dans l’examen clinique est liée à l’œuvre du Byzantin Théophile, dont le Peri ouron influença dans un premier temps la médecine byzantine et la médecine arabe : dès le xe siècle, le médecin Isaac Israëli (Ishāq al‑Isrā’īlī) consacra aux urines la première monographie en arabe sur le sujet. Puis, après que les traités de Théophile et d’Isaac eurent été traduits en latin au xie siècle, la médecine occidentale fit sien leur enseignement en la matière. Après avoir rappelé les fondements de l’uroscopie dans la médecine occidentale et dans celle dite arabe, et en se fondant sur les apports textuels, mais aussi iconographiques, on tente ici de comparer l’importance de l’inspection des urines dans ces deux espaces, et les brèches que les modalités d’un tel examen pouvaient ouvrir dans la relation entre malades et praticiens. Diagnostic – examen clinique – Isaac – Israeli – médecine – médecine arabe – pronostic – sémiologie médicale –Théophile – protospathaire – urines – urinal – uroscopie   Louise Blanke – Classical Studies, Aarhus Universitet, Danemark Trois latrines publiques dans la Jérash de l’Antiquité tardive (Jordanie) Cette étude présente trois latrines publiques fouillées à Jérash. Elle examine leur emplacement dans la ville, leur plan ainsi que les systèmes d’adduction et d’évacuation des eaux. Des comparaisons avec des installations trouvées dans d’autres régions du Proche-Orient permettent d’évaluer le nombre d’utilisateurs. L’article met l’accent sur des latrines qui ont été fouillées entre 2008 et 2010 dans le cadre du projet jordano-danois Islamic Jerash Project. Intégrées dans les bains centraux de Jérash, les latrines ont été fréquentées du ive à la fin du viie siècle. Elles ont été construites pour l’usage des clients de l’établissement balnéaire, mais pouvaient aussi être utilisées par des non-baigneurs, qui accédaient alors gratuitement à cette installation. Le mobilier retrouvé dans le comblement de l’égout offre non seulement un aperçu rare des activités ayant lieu dans les bains publics, mais donne aussi une idée de la manière dont l’élimination des déchets pouvait avoir été organisée dans le centre-ville de Jérash. Antiquité tardive – approvisionnement en eau – bains – Jérash – Jordanie, latrines   Ieva Reklaityte – URBS, Saragosse Les latrines en al‑Andalus : leurs principales caractéristiques et les conditions sanitaires urbaines Les données archéologiques montrent combien l’intimité à l’intérieur des latrines était un aspect clé de la maison d’al‑Andalus. Outre des rideaux ou des portes, le cabinet était souvent occulté par une cloison qui créait une entrée coudée et empêchait de voir, depuis l’extérieur, l’usager qui s’y trouvait. Ce réduit, habituellement très exigu, présentait un dispositif souvent légèrement surhaussé et de dimensions variables, fait en brique ou en pierre, et plus exceptionnellement en marbre, avec une fente étroite en son centre. Une petite ouverture était sûrement percée en haut des murs pour en assurer l’aération, elle-même facilitée par la circulation de l’air entre le patio et la rue. L’accès aux latrines s’effectuait généralement depuis le patio ou le vestibule. Même si certaines villes comme Murcie, par exemple, possédaient un ample réseau d’égouts, la solution la plus fréquemment adoptée pour l’évacuation était celle de puits perdus, tel que cela a été documenté dans de nombreuses agglomérations urbaines ainsi que dans la plupart des faubourgs califaux de Cordoue et dans des établissements de moyenne importance comme Siyāsa (Cieza, Murcie) ou Shaltish/Saltés (Huelva). Al‑Andalus – égouts – gestion de l’eau – latrines – puisards   Antonio Vallejo Triano – Museo de Bellas Artes, Cordoue Aménagements hydrauliques et ornementation architecturale des latrines de Madīnat al‑Zahrā’ : un indicateur de hiérarchie sociale en contexte palatial À partir du modèle omeyyade, la latrine, introduite en al‑Andalus durant l’émirat, acquiert sa configuration définitive au cours du xe siècle, restant inchangée jusqu’à l’époque nasride. Dans ce contexte de continuité typologique, les latrines de Madīnat al‑Zahrā’, la capitale du califat, présentent une série de progrès techniques et de singularités : adduction d’eau courante et, en conséquence, apparition d’un riche mobilier associé, destiné au contrôle du débit et à l’hygiène corporelle. La multiplicité des latrines dans la zone du qaṣr et leur diversité, au sein de laquelle peuvent se distinguer trois types différents, sont à l’image de l’organisation et de la hiérarchisation du palais et de la société califale en général. Califat – décoration architecturale – hiérarchisation sociale – hygiène – latrines – Madīnat al‑Zahrā’ – Omeyyades   Claire Déléry – Musée du Louvre, Paris Piletas et bacines, des vases pour les ablutions ? La découverte in situ, d’un vase cylindrique dans une niche pratiquée dans le mur d’une latrine a permis d’éclairer les pratiques hygiéniques et celles éventuellement liées au rituel des ablutions qui ont pu se dérouler dans les espaces intimes – publics et privés – de l’occident du monde islamique. Nous donnons à connaître d’autres vases similaires découverts dans des contextes différents et élargissons notre horizon au mobilier impliqué dans des pratiques connexes. Ablutions – céramiques – cuerda seca – latrines – mosquées   Marie-Odile Rousset – CNRS, Archéorient-UMR 5133, MOM Latrines et espaces d’ablution dans les mosquées du Proche-Orient médiéval : l’enseignement des fouilles de Tyr Pour le croyant, la pratique de la prière est conditionnée par la nécessité de se trouver en état de pureté. Si cette question est souvent évoquée par les sources écrites – notamment les textes juridiques médiévaux –, les sources archéologiques, en revanche, n’ont livré que peu d’informations sur les pratiques liées à la purification rituelle dans le monde islamique. Cet article dresse un état des connaissances sur les espaces d’ablutions et les lieux d’aisance associés aux édifices religieux musulmans en Orient. Il présente en détail la salle d’ablution de la mosquée fatimide de Tyr/Sour (Liban), attribuable au xie siècle. Cet essai de synthèse montre une conception ou une mise en œuvre différente des notions d’hygiène et de purification et de leur traduction architecturale, selon les périodes et les régions. Ces différences anthropologiques pourraient-elles être liées aux appartenances dogmatiques ? Ablution – latrines – Liban – mosquée – Sour – Tyr   Füsun Tülek – Département d’archéologie de l’Université de Kocaeli, Turquie Les latrines des monuments seldjoukides et mamelouks de Cilicie L’architecture seldjoukide d’Anatolie témoigne d’installations sanitaires bien établies, ainsi que de systèmes d’égouts et d’adduction d’eau. Les exemples fournis ne concernent pas uniquement les constructions domestiques et publiques mais aussi les édifices militaires. Les fouilles de Kubad Abad ont mis en évidence un système hydraulique planifié et organisé ainsi que des installations sanitaires datées du début du xiiie siècle. La conception et l’aménagement d’un complexe résidentiel et palatial pourraient avoir été hérités de la tradition de l’architecture précédente, turque et musulmane, telle celle de la résidence royale ghaznavide de Lashkar‑i Bazar (Afghanistan) datée du xie siècle. Il n’est pas surprenant que les militaires musulmans, nés dans un environnement qui comportait des installations sanitaires assez généralisées, aient inclus des commodités dans leurs forteresses. Les édifices militaires d’Anatolie comportent ainsi de nombreux exemples de latrines et de bains, comme dans la Tour Rouge d’Alanya d’époque seldjoukide ou à Toprakkale (province d’Osmaniye) mamelouke. Architecture militaire – Cilicie – époque mamelouke – latrines –Toprakkale   Cyril Yovitchitch – UMR 8167 Islam médiéval Soulagement au château : les lieux d’aisance dans les fortifications du Proche-Orient médiéval Cet article propose une brève immersion dans les latrines des forteresses médiévales proche-orientales à partir d’exemples issus du Bilād al‑Shām et de l’Égypte. Dans les forteresses, les lieux d’aisance se devaient de répondre à deux impératifs : remplir la fonction impérieuse de soulagement des militaires, ne pas fragiliser le dispositif défensif pour autant. Il fallait qu’elles soient situées dans des endroits rapidement accessibles, aussi bien depuis les lieux de vie que de combat. Néanmoins, cette proximité ne devait pas poser de problèmes d’hygiène ni de pollution visuelle ou olfactive, l’encasernement ne rimant pas nécessairement avec rusticité. D’ailleurs, parfois, les latrines témoignaient du raffinement du cadre de vie du maître des lieux. Croisé – forteresses – Islam – latrines – Proche-Orient   Elena Pezzini – Museo Archeologico Regionale di Palermo « A. Salinas » Les latrines dans l’architecture domestique et palatiale de Palerme, un marqueur social ? Le peu d’informations disponibles sur l’architecture domestique de Palerme islamique ne permet pas de comprendre si le nombre très réduit d’attestations de latrines est dû à une véritable absence de celles-ci ou à la difficulté à en reconnaître les vestiges. Quelques indices semblent confirmer toutefois leur existence, montrant de plus qu’elles étaient associées à des fosses. Quant aux sources textuelles, elles suggèrent que le tissu urbain n’était pas homogène et que les résidences des élites, plus sûrement dotées d’installations sanitaires, étaient concentrées dans des quartiers que nous connaissons peu, car les données archéologiques publiées sont rares et leur interprétation reste difficile. Pour l’époque normande, en revanche, le palais de la Zisa conserve un remarquable ensemble de latrines qui doivent être rapprochées de celles connues dans l’architecture palatiale islamique. Mais le caractère exceptionnel de ce palais, construit dans la seconde moitié du xiie siècle, interdit de généraliser ces observations à l’architecture domestique palermitaine antérieure ou contemporaine. Le lien entre lieux d’aisance et résidences des élites est réaffirmé par la redécouverte de latrines tant au château de Ségeste que dans l’édifice inférieur du palais fortifié d’Entella – ville que les sources islamiques considèrent comme le siège du prétendu « émirat des Montagnes ». Des études récentes, enfin, ont mis en relation les latrines extrêmement raffinées des châteaux fédériciens (Castel Maniace à Syracuse, Castello di Augusta) avec certains exemples de l’architecture résidentielle islamique. Architecture palatiale normande – latrines – Palerme islamique – puits perdus   Jean-Pierre Van Staëvel – Université de Paris-Sorbonne – UMR 8167 Marie-Pierre Ruas – UMR 7209, CNRS Ahmed S. Ettahiri – Insap, Rabat Abdallah Fili – Université Chouaib Doukkali, El Jadida Lieux d’aisance et de toilette en milieu rural dans le Maroc médiéval : l’exemple des latrines du site d’Igīlīz et les déchets des plantes consommées Les fouilles menées sur la montagne d’Igīlīz (Maroc), épicentre des débuts de la révolution almohade au début des années 1120, a livré jusqu’à présent six structures identifiées comme des latrines. Cet article présente une première synthèse des données archéologiques et archéobotaniques disponibles pour ces lieux d’aisance. Alimentation et consommation – archéobotanique – latrines – Maroc médiéval – période almohade   Raoul Fievet – Docteur en histoire et archéologie des mondes anciens et médiévaux de l’Université de Nice L’ambivalence de l’honneur dans l’Angleterre de la fin du Moyen Âge : une force compétitive ou modératrice ? Cet article met en lumière le lien complexe entre honneur et violence dans le contexte de l’Angleterre de la fin du Moyen Âge. Il montre que si la culture de l’honneur, en particulier celle du monde aristocratique, pouvait légitimer et exacerber dans une certaine mesure le recours à la violence, elle pouvait également la freiner. Dans un contexte où la loyauté personnelle constituait la valeur primordiale dans l’éthique de comportement des nobles et gentlemen, personne ne pouvait laisser passer le moindre affront affectant sa valeur sociale, mais personne ne pouvait aller au-delà d’un certain seuil dans l’usage de la force sous peine d’affecter sa réputation. Un tel homme représentait en effet une menace potentielle pour tous ses alliés présents et futurs. Angleterre – féodalité bâtarde – gentry – honneur – noblesse – violence   Yoan Boudès – Université Paris IV-Sorbonne – UFR de Langue française Hildegarde de Bingen et l’encyclopédisme médiéval. Le cas des livres animaliers de la Physica Hildegarde de Bingen, nonne allemande du xiie siècle, n’est pas seulement connue pour ses écrits mystiques, sa lingua ignota ou son œuvre de musicienne : elle est également l’auteur d’un Liber subtilitatum que sa complexe tradition manuscrite nous fait aujourd’hui connaître en partie sous le nom de Physica, dû à son premier éditeur, Jean Schott, qui le met sous presse en 1533 à Strasbourg. L’ouvrage présente une recension générale des éléments du Créé en huit livres, qui se présentent comme des successions de notices particulières. Malgré cette division livresque et le sujet traité, les relations entre la Physica hildegardienne et la tendance encyclopédique médiévale apparaissent comme incertaines et la critique n’a que très peu considérée l’œuvre à la lumière des problématiques posées par ce genre médiéval qui se développe principalement aux xiie et xiiie siècles en latin mais aussi en langues vernaculaires. Les livres animaliers de l’œuvre vont donc nous fournir une nouvelle occasion d’observer le texte comme œuvre de philosophie naturelle, éclairage nouveau sur les modalités de mise en écriture du savoir à l’époque médiévale. Comment l’œuvre parvient-elle alors à ordonner, classifier et nommer le vivant zoologique dans la partie qu’elle lui consacre ? Animaux – encyclopédisme – Hildegarde de Bingen – pharmacie – science   Julian Führer – Historisches Seminar (Zürich) Marie-Laure Pain – Deutsches Historisches Institut (Paris) Amélie Sagasser – Hochschule für jüdische Studien (Heidelberg) Charlemagne, 814-2014 : bilan historiographique d’une année de commémoration Cette étude se propose de dresser un panorama de la production historiographique de « l’année Charlemagne » 2014, mille deux cents ans après la mort du souverain. Sans prétendre à l’exhaustivité, les auteurs inscrivent les publications récentes dans le cadre des traditions historiographiques du xixe-xxe siècle des deux côtés du Rhin. Sont ensuite passées en revue les diverses manifestations scientifiques, expositions et parutions qui ont marqué cette année. Cet examen a révélé deux tendances : plusieurs nouvelles biographies ont vu le jour en Allemagne, alors qu’en France, le personnage a été commémoré différemment. Un courant historiographique très actif dans plusieurs pays s’intéresse à la création de l’empire uni dans la foi chrétienne et à la création et l’implantation de cette foi, à travers des réflexions théologiques mises en application sur le terrain. Charlemagne – empire – haut Moyen Âge – historiographie – théologie
Yassir Benhima – Université de Paris III-Sorbonne Nouvelle/UMR 5648-CIHAM Rules of Polite Society and Norms of Purity in the Jurisprudential Literature of Medieval Muslim West This article studies the rules of good behaviour concerning purity, their codification and meanings in the juristic literature of Medieval Muslim West. Recommended before the canonical ritual of ablutions, these norms describe the ideal behaviour to follow, in particular in latrines. Not obligatory, these rules were although largely diffused in parallel to the emergence of an urbanized society and also as response to the permanent preoccupation of jurists about purity. Ablution – Excrements – Islam – Purity/Impurity – Ritual of purification Laurence Moulinier-Brogi – Université Lumière-Lyon 2/UMR 5648 – CIHAM The Urine’s Examination in Medieval Medicine, between Islamic and Occidental Worlds. A Short Overview This paper does not focus on sanitary fixtures, but on a product of a bodily evacuation, that is to say the urine, and its importance in Arabic as well as in Western medicine in the Middle Ages. Uroscopy, an art of establishing a diagnosis and a progonosis by examining the patient’s urine collected in a special flak, was actually not born in Antiquity, but in Byzantium : the increasing part of the urine’s examination in the clinical examination is due to Theophilus, a Byzantine author who’s treatise on urines, called Peri ouron, influenced first byantine and arabic medicines : from the 10th century, the physician Isaac Israili (Ishāq al‑Isrā’īlī) dedicated the first monography in arabic on that theme. Then, once hose two important works had been translated in latin in the 11th century, the Peri ouron of Theophilus and the Liber urinarum of Isaac Israeli, the Western medicine adopted their doctrine. This paper reminds the foundations of uroscopy in the Western and in the so called arabic medicine, and then, relying on textual but also iconographic documents, it aims to compare the respective place on urine’s examination in those two areas, without forgetting the breaches that modalities of such an examination could open in the relationship between patients and practitioners. Arabic Medicine – Clinical Examination – Diagnosis – Flask – Isaac – Medical Semiology – Medicine – Prognosis – Urines – Uroscopy – Theophilus – Urinal Louise Blanke – Classical Studies, Aarhus Universitet, Danemark Three Public Latrines in Late Antique Jerash (Jordan) This study describes three public latrines excavated in Jerash. It examines their location in the city, their layout and also their water supply and drainage systems. Comparisons with facilities found in other parts of the Near East, allow to estimate how many people could have used them. The focus of this study is a latrine that was excavated between 2008 and 2010 as a part of the Danish-Jordanian Islamic Jerash Project. Integrated in the layout of Jerash’s Central Bathhouse, the latrine was in use from the 4th to the late 7th century. The latrine was constructed for the use of patrons of the Central Bathhouse, but could also be used by non-bathers, who could access the facilities without paying the fee to enter the bathhouse. The material retrieved from the latrine sewer not only offers a rare insight into activities taking place within the bathhouse, but also gives an insight into how waste disposal could be organised in the centre of the city. Bathhouse – Jerash – Jordan – Late Antiquity – Latrine – Water Supply Ieva Reklaityte – URBS, Saragosse The Latrine in Al‑Andalus : its Main Characteristics and the Urban Hygienic Conditions As it can be observed through the archaeological data, in an Andalusi house the privacy and the intimacy were key aspects whilst the latrine was being used. Apart from curtains and doors, the privacy was often concealed by a low wall that created a bend entrance and impeded viewing the person that was using the toilet by anyone who would have approached the room. Normally a latrine itself was an extremely reduced space. A small rectangular platform of dissimilar dimensions made of brick or stone, exceptionally of marble, with a narrow opening in the middle was placed in there. Most likely slim apertures in the upper part of the wall were used to ventilate the room. Due to the orifice in the wall, the air would circulate freely from the patio to the street. The access to the latrine was usually performed from the patio or the hallway. Although some Andalusi towns, as Murcia, for example, presented an extensive sewer network system, the most common solution for sewage was a use of cesspits as it has been documented in the major part of the Caliphal suburbs of Cordoba, in the settlements such as Siyāsa (Cieza, Murcia) or Shaltish/Saltés (Huelva) among others. Al‑Andalus – Cesspits – Latrine – Sewers – Water Management Antonio Vallejo Triano – Museo de Bellas Artes, Cordoue Hydraulic Development and Architectural Decoration in Madīnat al‑Zahrā’´s Latrines : a Social Hierarchy Indicator in Palatial Context From the Umayyad model, the latrine, introduced in al‑Andalus during the emirate, acquired its definitive configuration during the tenth century, remaining unchanged until the Nasride period. In this context of typological continuity, the latrines of Madīnat al‑Zahrā’, the capital of the caliphate, offer a series of technical progress and peculiarities: supply of running water and, later, appearance of a rich associated furniture, intended for the control of the flow and for personal hygiene. The multiplicity of latrines in the area of the qaṣr and their diversity, within which three different types can be distinguished, reflect the organization and the hierarchical structure of the palace and the caliphate society generally. Architectural Decoration – Caliphate – Latrines – Madīnat al‑Zahrā’ – Personal Hygiene – Social Hierarchy – Umayyads Claire Déléry – Musée du Louvre, Paris Piletas and bacines, Vases for Ritual Ablutions ? The discovery in situ of a cylindrical vase, in a recess located in the wall of a latrine, highlights some of the hygienic practices – including those associated with ritual ablutions – that may have taken place in the public and private bathing areas of western medieval Islam. We are presenting similar vases, discovered in different contexts, and we widen our approach by including other artifacts involved in related bathing practices. Ablutions – Ceramics – Cuerda seca – Mosques – Toilets Marie-Odile Rousset – CNRS, Archéorient-UMR 5133, MOM Latrines and Ablution Places in the Mosques of medieval Middle-East : the Contribution of Tyre Excavations For the Believer, the practice of the prayer is conditioned by a personal state of purity. This question is often evoked through the written sources, first of all the medieval legal texts. On the other hand, archaeology delivered only scarce information on the practices linked to the rituals of purification in the Islamic world. This article draws up a summary of our knowledge on the ablution spaces and latrines associated to Muslim religious buildings. It presents in detail the ablution area of the Fatimid mosque of Tyre/Sour (Lebanon), datable to the 11th century. It appeared to be different ways to implement hygiene and purification practices through their architectural design, according to different communities, periods and regions. Could these anthropologic differences be linked to dogmatic/religious rules ? Ablution – Latrines – Lebanon – Mosque – Sour – Tyre Füsun Tülek – Département d’archéologie de l’Université de Kocaeli, Turquie Latrines in Seljuk and Mamluk monuments of Cilicia Seljuk architecture in Anatolia demonstrates well-established sanitary installations, as well as sewage and water supply systems. Examples provided are not only in domestic and civic buildings but in military structures as well. Kubad Abad excavations yield evidence of well-planned and organized hydraulic systems, as well as sanitary installations dated to the beginning of the 13th century. Planning and installing infrastructure of a residential-palatial complex might have been inherited from building experiences of the former Muslim Turkish architecture, such as the royal residence of Lashkar‑i Bazar (Afghanistan) of the Ghaznavids dated to the 11th century. It is not surprising for Muslim soldiers born into well-established sanitary systems to be keen on getting latrines in their fortresses. Islamic military architecture in Anatolia contain rich examples of well-established toilets and bath systems, such as the Seljuk Red Tower in Alanya or the Mamluk castle of Toprakkale in Osmaniye. Cilicia – Latrines – Mamluk Period – Military Architecture – Toprakkale Cyril Yovitchitch – UMR 8167 Islam médiéval Relief in the Castle : The Latrines Rooms in the Near Eastern Medieval Fortifications This paper proposes a short immersion in the latrines of the Near-Eastern medieval fortresses based on examples taken in the Bilād al‑Shām and Egypt. In the fortresses, toilets had to meet the dual imperative to fulfil the compelling function of the relief of the soldiers without weakening the defensive system. They had to be situated in places quickly accessible, as well as from places of living and fighting. Nevertheless, this proximity was not to pose problems of hygiene, nor visual or olfactive pollution, as living in military barracks does not necessary go with rusticity. Moreover, sometimes, the latrines testify the refinement of the living conditions of the master of the place. Crusader – Fortresses – Islam – Latrines – Near-East Elena Pezzini – Museo Archeologico Regionale di Palermo « A. Salinas » Latrines in the Domestic and Palatial Architecture of Palermo The little information that we have on domestic architecture in Islamic Palermo makes it impossible to understand whether the reduced number of latrines is due to a problem of recognition of the archaeological datum or to the fact that there really were few such structures. Some evidences allow us to affirm that there were latrines and that they were connected to cesspits, while the sources indicate that Palermo was a city with a heterogeneous fabric in which the residences of the elites, presumably fitted out with sanitation, were concentrated in some districts that are little known because published archaeological data are few and difficult to interpret. By contrast, for the Norman age in the Zisa palace an exceptional system of latrines is preserved that is comparable to the latrines in Islamic palatial architecture and nevertheless, because of its exceptional character, cannot be considered indicative of the type of sanitation present in domestic architecture in Islamic and Norman Palermo. The connection between latrines and residences of elites is confirmed by the recovery of latrines both in Segesta Castle and in the lower building of the fortified palace at Entella, a city that Islamic sources identify as the center of the so-called “emirate of the Mountains”. Lastly, recent studies have connected to examples attested in Islamic residential architecture the very refined latrines of the castles of Frederick II (Castel Maniace in Syracuse, Augusta Castle). Cesspits – Islamic Palermo – Latrines – Norman Sicilian Palaces Jean-Pierre Van Staëvel – Université de Paris-Sorbonne – UMR 8167 MariePierre Ruas – UMR 7209, CNRS Ahmed S. Ettahiri – Insap, Rabat Abdallah Fili – Université Chouaib Doukkali, El Jadida Toilet and Bathroom in Rural Areas of Medieval Morocco : the Example of the Latrines of the Site of Igiliz and the Food Plant Waste Excavations on Mount Igīlīz (Morocco), the epicentre of the beginnings of the Almohad revolution in the early 1120s, has delivered so far six structures identified as latrines. This article presents a first synthesis of archaeological data and archeobotanical available for these structures. Almohad Period – Archaeobotanical Remains – Diet and Consumption –Latrines – Medieval Morocco Raoul Fievet – Docteur en histoire et archéologie des mondes anciens et médiévaux de l’Université de Nice The Ambivalence of Honor in Late Medieval England : a Moderating Force or a Competitive Force ? This article highlights the complex relationship between honour and violence in late medieval England. It shows that if the culture of honour, especially in the aristocratic world, could legitimize and exacerbate resort to violence, it could also be a moderating force. In a context where personal loyalty was paramount value in the value system of the landowners, no one could leave unpunished offense, but no one could go beyond a certain threshold in the use of force, since such a behaviour could tarnish his reputation. This kind of man indeed represented a potential threat to its allies present and future. England – Bastard Feudalism – Gentry – Honour – Nobility – Violence Yoan Boudès – Université Paris IV-Sorbonne – UFR de Langue française Hildegard of Bingen and Encyclopaedism. The Case of the Books on Animals from the Physica Hildegard of Bingen, the German nun of the twelfth century, is nowadays known for her theological works as well as her musical writings or the lingua ignota. However, Hildegard is also the author of a scientific writing : a primary Liber subtilitatum, today known as the Physica, due to the 1533 edition by Jean Schott, in Strasbourg, focuses on the presentation of the natural world, according to the elemental theory. The Physica is an eight books composition dealing with plants, herbs, rocks and animals by series of short notices focusing on peculiar species. In spite of this formal composition, this organization and the thematic subject, the hildegardian opus has been very little linked with the encyclopaedic texts of the twelfth and thirteen centuries and never described according to the problematical features of this medieval genre, in Latin or in vernacular languages. The zoological section of the Physica, from book VI to VIII, will be the medium through which we want to describe this text as concerned in natural philosophy. Dealing with encyclopaedic goals, topics and literary organization, the Physica could actually be considered as a new spot to study how medieval texts could write knowledge. How then the Physica manages to order, classify and name the diversity of the living animals in a determinate section of the nun’s project ? Animal World – Hildegard of Bingen – Encyclopaedism – Pharmacology – Science     Julian Führer – Historisches Seminar (Zürich) Marie-Laure Pain – Deutsches Historisches Institut (Paris) Amélie Sagasser – Hochschule für jüdische Studien (Heidelberg) Charlemagne, 814-2014 : Historiographical Report on a Year of Commemoration The article wants to offer a survey of the new historiographical production of the « Charlemagne Year » 2014, twelve centuries after the emperor’s death. It doesn’t pretend to be exhaustive. The authors embed the new publications into the historiographical traditions of both Germany and France in the nineteenth and twentieth centuries. Then, the article examines the scholarly events, exhibitions and new publications of that year. It appears that a couple of new biographies has been published in German and that, in France, Charlemagne has been commemorated in a different way. A new and very active historiographical stream examines the creation of a Christian empire based on the Christian faith and the implementation of this faith, with a special accent on theological reflections and their application. Charlemagne – Historiography – Empire – Early Middle Ages – Theology  
Médiévales 70, printemps 2016, p. 5-12
Patrice Cressier, Sophie Gilotte et Marie-Odile Rousset Lieux d’hygiène et lieux d’aisance au Moyen Âge en terre d’Islam Ce dossier est issu dans un premier temps d’une journée d’étude consacrée aux Lieux d’hygiène et lieux d’aisance au Moyen Âge en terre d’Islam, organisée à Lyon le 18 mars 2014 par le Centre Interuniversitaire d’Histoire et d’Archéologie Médiévales (CIHAM)1 et le Groupe de Recherches et d’Études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient (GREMMO)2. Pour compléter le bilan alors établi, nous avons fait appel à trois autres chercheurs dont les contributions sont venues renforcer le volet proche-oriental de cet apport. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’historiens et d’archéologues ayant eu l’occasion, au cours de leurs propres recherches, de s’interroger sur une question largement ignorée de l’historiographie habituelle : celle des latrines, lieux d’aisance et autres commodités. L’exposé des résultats de réflexions et de travaux de terrain menés dans des perspectives disciplinaires très différentes les unes des autres met en évidence l’intérêt historique de cet objet d’étude particulier et permet d’aborder également des aspects aussi méconnus que révélateurs de la société islamique médiévale. Dans l’immédiat, le recours à des exemples contemporains fera, paradoxalement, mieux saisir l’importance sociale des latrines dans la vie privée et collective. En effet, aujourd’hui comme hier, on perçoit bien que, lorsque les institutions d’État négligent leurs obligations contractuelles dans ce domaine, c’est à la société civile de s’impliquer et de trouver des solutions aux problèmes de santé publique qui se posent alors, au respect des obligations rituelles de la population ou, tout simplement, au maintien d’un certain bien-être de celle-ci. Ainsi, il y a quelques années, deux campagnes complémentaires de restauration ont eu lieu simultanément à Fès (Maroc) : l’une sur les grands sanctuaires de la ville, entreprise par le ministère des Habous et des Affaires Islamiques, et l’autre sur les latrines historiques qui leur étaient associées, menée par l’Agence pour le Développement et la Réhabilitation de la Médina. Ces édifices, remis en valeur après avoir été longtemps délaissés, doivent s’adapter dorénavant à une triple nécessité : leur conservation comme exemples d’architecture historique, leur rôle dans la pratique religieuse au quotidien, celui de simples toilettes publiques devenues nécessaires dans une médina arpentée par des milliers de visiteurs extérieurs à la ville et au pays. En France et dans le monde, plusieurs ONG – parmi lesquelles TDM. Toilettes du Monde et la World Toilet Organization – travaillent avec parfois une excessive discrétion à améliorer les conditions de l’hygiène collective, particulièrement en milieu urbain, en mettant en œuvre de grands projets d’installation de latrines, en Afrique surtout, mais aussi en Asie et en Amérique du Sud. Dans ces pays en voie de développement, la croissance extrêmement rapide des villes, souvent spontanée et donc incontrôlée, se produit en effet en négligeant les besoins les plus élémentaires en hygiène et en salubrité, avec les conséquences que l’on imagine sur la santé publique. L’ONU, à travers une de ses agences, l’OMS, a d’ailleurs instauré une « Journée mondiale des toilettes », fixée au 19 novembre. Dans la sphère du privé, on ne s’étonnera pas non plus que les nombreux sites internet de consultation religieuse (islamique) soient très fréquemment sollicités pour des conseils relatifs aux pratiques intimes et aux rites qu’il convient de respecter dans les toilettes. La hantise que manifestent les consultants est le risque d’offenser Dieu dans des lieux particulièrement exposés à la pollution et aux souillures. Purification du corps et purification de l’esprit sont indissociables dans la plupart des cultures. Dans l’Islam, la pratique des ablutions est quotidienne et constitue l’une des réponses à cette exigence d’hygiène personnelle et collective. Les travaux sur le bain (ḥammām) se sont multipliés dans les dernières décennies et ses caractéristiques architecturales et fonctionnelles sont aujourd’hui bien connues3. Il n’en est pas de même de ces autres types d’installations, publiques ou privées elles aussi, que sont les latrines et pour lesquelles un grand nombre de questions sont encore sans réponse, faute souvent d’avoir été posées. Ce désintérêt, qui n’est pas aussi marqué chez les historiens et les archéologues du monde occidental chrétien, peut être compris dans notre champ d’étude comme une réticence face au caractère incommode (pour ne pas dire tabou) d’un sujet perçu, de plus – et sans aucun doute à tort –, comme marginal. Il existe, pour le monde occidental, des synthèses sur les latrines à une époque concrète et dans une région définie4, ainsi que des ouvrages généraux retraçant de façon plus ou moins sérieuse l’histoire des lieux d’aisance sur la longue durée5. Nous ne disposons de rien de tel pour le Moyen Âge islamique. Les informations existent, mais sont extrêmement morcelées et dispersées. Quoique l’usage des latrines relève de la plus grande intimité, leur étude rejoint celle de l’ensemble des règles régissant la collectivité. C’est pourquoi, en milieu urbain surtout, cette question s’inscrit dans une perspective plus vaste, celle de l’assainissement et de la gestion coordonnée du domaine public et du privé. À ce propos, les traités de ḥisba ont peut-être encore été trop peu sollicités6, et leur apport devrait être systématiquement croisé tant avec ceux d’autres sources de nature juridique (ouvrages de réglementation de la construction, recueils de jurisprudence7, livres de waqf/ḥabus, etc.) qu’avec les données fournies par l’archéologie. Ces données, issues principalement de fouilles d’urgence et donc pratiquement limitées à la péninsule Ibérique, sont de plus en plus nombreuses, même si seules celles de quelques villes ont fait l’objet d’une analyse un tant soit peu systématique (Cordoue, Saragosse, etc.). À cet égard, la synthèse pionnière réalisée par Ieva Reklaityte ne connaît pas d’équivalent8. Elle en reprend certains points dans sa contribution. En milieu rural, et plus encore périurbain – car le problème posé dans les villes par leur évacuation est particulièrement délicat –, une rentabilité est trouvée aux produits de vidange des latrines par leur utilisation comme engrais. Un marché local est ainsi généré, assez peu évoqué par les sources textuelles. On signalera qu’il est des cas où cette pratique peut marquer le paysage, comme dans le Mzab post-médiéval, en Algérie, où les personnes circulant dans les oasis sont en quelque sorte sollicitées par l’implantation d’édicules soigneusement construits, dont les résidus seront utilisés pour l’engraissement des parcelles voisines. Parmi d’autres, les fouilles de la Fusṭāṭ (Le Caire, Égypte) des viie-ixe siècles ou celles de la bourgade proto-urbaine de Siyāsa (xiie-xiiie siècle, Murcie) ont montré la systématisation des puits perdus, toujours creusés à l’extérieur des maisons, en bordure des rues pour en faciliter les travaux de vidange9. Fonctions rituelles et hygiéniques se confondent dans les latrines publiques, dont le nombre des fidèles fréquentant les mosquées rend la construction indispensable. Certaines d’entre elles, fondations étatiques ou pieuses par le biais des ḥabus/waqf, font partie des monuments majeurs de l’architecture islamique10. De rares études de cas leur ont été consacrées. Pour al-Andalus et le Maghreb, on citera la miḍa’a de la grande mosquée de Cordoue (xe siècle)11, la qubba aujourd’hui seul vestige de la grande mosquée almoravide de Marrakech qui recouvrait un bassin d’ablution et était entourée des logettes des latrines elles-mêmes (xiie siècle)12, la miḍa’a de la grande mosquée almohade de Séville (fin xiie siècle) découverte il y a quelques années13, ou celle, magnifiquement conservée, de la mosquée Zaytuna à Tunis, commande du sultan hafside Abū ‘Amr ‘Uthmān (fin xve siècle)14. Le caractère somptueux des cas qui viennent d’être énumérés peut surprendre si l’on considère la nature des monuments qui en ont bénéficié. Ce serait ignorer l’importance donnée en terre d’Islam à la purification du corps. Sur cette méprise se sont sans doute fondés les tenants de certaines théories récentes faisant de la qubba de Marrakech un pavillon palatial15… Par ailleurs, il est vrai que cette nécessité n’est pas vécue avec la même intensité selon les appartenances dogmatiques et selon les régions du Dār al-Islām. Ainsi dans le Mzab ibādite, la prière doit être précédée d’ablutions complètes, ce qui suppose aujourd’hui l’installation de douches chaudes dans les mosquées, tandis que la convocation fréquente de grandes assemblées dans les musalla-s et les mosquées de nécropoles hors la ville a imposé la multiplication des miḍa’a-s auprès ou au cœur de ces cimetières, associées à des bassins ou des citernes. Si, pour le monde islamique d’Occident, peu de progrès ont été faits pour appréhender la question des miḍa’a-s dans sa globalité, Marie-Odile Rousset présente ici le cas particulièrement significatif de la salle d’ablution et des latrines de la mosquée de Tyr, récemment fouillée, dans le cadre d’une réflexion qui s’étend plus largement au Proche-Orient. Si les latrines collectives sont plutôt l’apanage des établissements antiques, celles-ci ont pu avoir une influence, au moins architecturale, sur le plan des latrines publiques du début de l’époque islamique, comme l’évoque Louise Blanke à propos de Jérash (Jordanie), mais un seul exemple d’installation à usage collectif nous est connu, dans les bains omeyyades de Qaṣr al-Hayr al-Sharqī (Syrie)16. On se gardera d’oublier que, dans un lieu public comme dans un espace privé, l’accomplissement des besoins physiologiques s’accompagne d’une série de comportements codifiés (gestes, invocations) et d’interdits, parfois propres à l’une ou l’autre des grandes écoles juridiques, dont on sait qu’elles s’attachent à prendre en considération tous les aspects de la vie du croyant. Mais toilette du corps et purification rituelle ne peuvent être complètement confondues. Dans sa contribution, Yassir Benhima propose une analyse très éclairante des notions de pur et d’impur appliquée à la question des excréments et des excrétions corporelles en général. Sur ce point évidemment, l’archéologie est à peu près muette. L’iden­tification même des objets liés à ces pratiques faisant problème, la question principale est de savoir si l’on a affaire à des récipients liés aux ablutions rituelles ou à la toilette et/ou aux besoins naturels, les deux fonctions n’étant pas vraiment interchangeables. Si la réponse est à peu près certaine pour les petites cuvettes rectangulaires qui se généralisent en Occident à partir de l’époque almohade, elle est beaucoup moins sûre pour les hauts vases cylindriques que l’on désigne en espagnol sous le nom de bacines et qui perdurent après la « Reconquête » chrétienne. Claire Déléry fait le point sur cette production céramique généralement porteuse d’une ornementation soignée. On ne s’étonnera pas que, au sein de l’architecture domestique, les latrines constituent un élément de différenciation sociale entre groupes ou individus d’origine et de capacité économique diverses : par leur présence ou leur absence tout d’abord, par leur monumentalité et la qualité des décors qu’elles reçoivent ensuite, mais aussi par le mode et la fréquence de leur approvisionnement en eau. On signalera tout d’abord que, au xe siècle, toutes les maisons des immenses faubourgs de Cordoue sont dotées de toilettes, ne différant pas dans leur principe de celles de Madīnat al-Zahrā’, le siège du pouvoir, sauf peut-être dans la continuité de l’approvisionnement en eau. Dans la frange sub-saharienne marocaine et plus précisément dans le bassin de l’oued Nūn, en revanche, une étude du peuplement médiéval laisse entendre – sous réserve d’inventaire – que seules les maisons d’un établissement fondé par l’État almohade, et occupé par une population probablement exogène, auraient disposé d’un tel aménagement17. La généralisation de l’usage des latrines est-elle propre à la culture islamique ? On peut se le demander à la lumière de trois faits ponctuels. En Palestine, des latrines n’ont été identifiées que dans une poignée de maisons franques18. À l’issue de la « Reconquête » chrétienne au xiiie siècle, la grande mosquée de Cordoue est convertie en cathédrale, mais sa miḍa’a est abandonnée et transformée plus tard en lavoir public. Les fouilleurs de la ville mérinide de Qaṣr al-Ṣaghīr, sur la côte sud du détroit de Gibraltar, laissent entendre que, parmi les conséquences de sa conquête par les Portugais au début du xvie siècle, les latrines sont abandonnées et que c’est alors le vase de nuit qui s’impose. En revanche, si les lieux d’aisance sont bien attestés dans les fortifications médiévales, aussi bien en Occident chrétien19 qu’au Proche-Orient20, c’est parce qu’ils sont indispensables aux impératifs de défense, comme le montrent Füsun Tülek et Cyril Yovitchitch. Les palais islamiques, qu’il s’agisse des ensembles résidentiels ou des bâtiments à fonction administrative, jouissent évidemment d’aménagements privilégiés. Elena Pezzini nous livre une première synthèse sur cette question dans la Palerme islamique. La lecture des espaces à partir de la distribution des latrines contribue aussi à la compréhension du fonctionnement de la zone palatiale (qaṣr) de la ville califale omeyyade de Madīnat al-Zahrā’, et amène à y distinguer les zones à caractère privé de celles vouées aux activités administratives, comme le montre Antonio Vallejo Triano. Les résidences omeyyades du Proche-Orient sont composées d’une juxtaposition de plusieurs appartements qui possèdent chacun ses propres latrines. Celles-ci témoignent d’aménagements variés, comme à ‘Umm al-Walid, où elles étaient conçues pour un usage assis, tandis qu’à Qaṣr al-Hayr al-Sharqī, dans le bâtiment E, elles étaient partie intégrante d’une salle de bains, accessible directement depuis la salle de réception dont elles n’étaient séparées que par un simple rideau. Dans ce même bâtiment, une même pièce associe deux usages différents, comme cuisine et comme salle d’eau/latrines21. Si les latrines quasi monumentales de Madīnat al-Zahrā’ n’ont fait l’objet de quelque attention que plusieurs décennies après avoir été mises au jour, celles des résidences omeyyades d’Orient ont fait l’objet de fouilles prêtant attention à la fois à leurs caractéristiques techniques et architecturales, mais aussi à leur contenu. La richesse de l’information obtenue à partir des analyses pratiquées sur les résidus des latrines est connue depuis longtemps et ces méthodes ont été appliquées tôt au siècle dernier en archéologie médiévale des pays d’Europe du Nord. Elles permettent en particulier d’accéder à une connaissance objective des pratiques alimentaires des populations concernées. Là encore l’archéologie islamique fait preuve d’un certain retard, pour le domaine occidental du moins, et les résultats que nous présentent Marie-Pierre Ruas et Jean-Pierre Van Staëvel sont donc pionniers dans ce domaine. Ils ont été obtenus dans le cadre du programme mené à bien sur le ribāṭ du fondateur du mouvement almohade dans l’Anti-Atlas marocain. Nous ne sommes pas sûrs que la vie d’un personnage aussi important de l’histoire du Maghreb n’ait jamais été abordée de façon aussi pragmatique… Des analyses similaires sur le contenu des latrines peuvent nous renseigner également sur certaines pathologies, parasitoses surtout, de leurs usagers. Si l’un des rares chercheurs s’y consacrant, Piers Mitchell, travaille bien au Moyen-Orient, c’est sur des établissements militaires chrétiens, croisés, qu’il a centré son intérêt22. Pour rester dans le domaine des pathologies et de la médecine, rappelons cependant que toutes les humeurs du corps humain ne finissent pas dans les latrines… Durant tout le Moyen Âge, chrétien (surtout ?) mais aussi musulman, la lecture des urines a joué un rôle essentiel dans l’établissement de diagnostics. Elle a généré ainsi une ample littérature scientifique23. C’est donc principalement à partir des sources écrites, complétées ponctuellement par l’iconographie, mais dans un souci de comparatisme entre deux mondes, que Laurence Moulinier évoque l’uroscopie. On voit que, si le domaine de recherche qui commence ainsi à être défriché impose de recourir à des disciplines variées et complémentaires (anthropologie, histoire des textes, etc.), l’archéologie offre aujourd’hui des perspectives particulièrement fructueuses et novatrices. Cette publication se propose d’en présenter quelques exemples, choisis dans diverses régions du Dār al-Islām et portant chacun sur un aspect jugé spécifique. Patrice Cressier – UMR 5648-CIHAM, Lyon Sophie Gilotte – UMR 5648-CIHAM, Lyon Marie-Odile Rousset – CNRS, Archéorient-UMR 5133, MOM
1.UMR 5648, désormais : « Histoire, Archéologie, Littératures des mondes chrétiens et musulmans médiévaux ».
2. Ce dossier a pu être publié grâce à un financement complémentaire du GREMMO et du programme ERC IGAMWI (Imperial Government and Authority in Medieval Western Islam 2010-2016, ERC StG-2010 n° 263361) dirigé par Pascal Burési (CNRS) que nous remercions.
3.Pour al-Andalus, on peut citer, entre de nombreux exemples, les ouvrages suivants : Baños árabes en el País Valenciano, Valence, 1989 ; B. Pavón Maldonado, Tratado de arquitectura hispanomusulmana. I. El agua, Madrid, 1991 ; M. Acién Almansa, P. Aguayo de Hoyos, J. M. Castaño Aguilar, Baños árabes. Arqueología y restauración. I Jornadas de Patrimonio Histórico en Ronda, Ronda, 1999 ; C. Vílchez Vílchez, Baños árabes, Grenade, 2001 ; Baños árabes en Toledo, Tolède, 2006 ; J. Navarro Palazón, P. Jiménez Castillo, « Arqueología del baño andalusí : notas para su comprensión y estudio », dans J. M. Iglesias Gil éd., Cursos sobre el Patrimonio histórico 13 : Actas de los XIX cursos monográficos sobre el Patrimonio histórico, Santander/Reinosa, 2009, p. 71-113 ; ainsi que C. Fournier, Les Bains d’al-Andalus. viiie-xve siècles, Rennes, 2016. Cette abondante bibliographie n’a pas d’équivalent, hélas, pour le Maghreb. On verra cependant : N. Chérif-Seffadj, Les Bains d’Alger durant la période ottomane (xvie-xixe siècles), Paris, 2008. Pour le Proche-Orient, il est indispensable de consulter : M.-F. Boussac, S. Denoix, T. Fournet et B. Redon éd., 25 siècles de bain collectif en Orient, Proche-Orient, Égypte et péninsule Arabique, Actes du colloque Balnéorient, Damas 2009, Le Caire/Beyrouth, 2014.
4.Par exemple : A. Bouet, Les Latrines dans les provinces gauloises, germaniques et alpines, 59e supplément à Gallia, Paris, 2009 ; C. G. Jansen, A. O. Koloski-Ostrow et E. M. Moormann éd., Roman Toilets : Their Archaeology and Cultural History, Babesch Supplement 19, Louvain, 2011 ; B. Hobson, Latrinae et Foricae : Toilets in the Roman World, Londres, 2009 ; H. Molotch et L. Norén éd., Toilets : Public Restrooms and the Politics of Sharing, New York, 2010 ; etc.
5.R.-H. Guerrand, Les Lieux. Histoire des commodités, Paris, 1997 ; S. Bourgey, A. Schneider, Le Grand Livre du petit coin, Paris, 2007 ; etc.
6.Un des exemples les mieux connus (sans doute parce que traduit) est celui d’Ibn ‘Abdūn (xie-xiie siècle) : É. Lévi-Provençal, Séville musulmane au début du xiie siècle. Le traité d’Ibn ‘Abdūn sur la vie urbaine et les corps de métiers, Paris, 2001 (réédition de l’original paru dans le Journal asiatique de 1934). On doit voir aussi G. S. Colin et É. Lévi-Provençal éd., Un manuel hispanique de ḥisba : traité d’Abū ‘Abdallāh Muḥammad b. Abī Muḥammad as-Sakaṭī sur la surveillance des corporations et la répression des fraudes en Espagne musulmane. I, texte arabe, introduction, notes linguistiques et glossaire, Paris, 1931, ainsi que Al-Saqaṭī al-Mālaqī, El buen gobierno del zoco, éd. P. Chalmeta et F. Corriente, Almería, 2014.
7.Voir l’échantillon qu’en propose F. Vidal Castro, « Agua y urbanismo : evacuación de aguas en fatwà-s de al-Andalus y el Norte de África », dans P. Cressier, M. Fierro et J.-P. Van Staëvel éd., L’Urbanisme dans l’Occident musulman au Moyen Âge. Aspects juridiques, Madrid, 2000, p. 101-123.
8.I. Reklaityte, Vivir en una ciudad de al-Ándalus : hidráulica, saneamiento y condiciones de vida, Saragosse, 2012.
9.R.-P. Gayraud, « Fostat : évolution d’une capitale arabe du viie au xiie siècle d’après les fouilles d’Istabl ‘Antar », dans Id. éd., Colloque international d’archéologie islamique, Le Caire, 1998, p. 435-460 ; J. Navarro Palazón, P. Jiménez Castillo, Siyāsa. Estudio arqueológico del despoblado andalusí (siglos xi-xiii), Murcie, 2007.
10.M. Meinecke, Die mamlukische Architektur in Ägypten und Syrien (648/1250 bis 923/1517), Glückstadt, 1992, donne la liste des fondations/constructions de l’époque mamelouke d’après les mentions textuelles et les inscriptions, en Égypte, Syrie, Jordanie, Liban, Palestine, Israël.
11.A. J. Montejo Córdoba, « El pabellón de abluciones oriental de la mezquita aljama de Córdoba correspondiente a la ampliación de Almanzor », Cuadernos de Madinat al-Zahra’, 4 (1999), p. 209-231 ; Id., « 2. 7. Pabellón de abluciones oriental de la mezquita aljama de Córdoba edificada por Almanzor », et R. Pinilla Melguizo, « 1. 2. Notas sobre las referencias textuales al pabellón de abluciones de Almanzor hallado recientemente en la mezquita de Córdoba », dans C. Álvarez de Morales, P. Marfil Ruiz et Ma J. Viguera Molins éd., « Crónica de al-Andalus », Qurtuba, 3 (1998), p. 225-276.
12.J. Meunié, H. Terrasse, G. Deverdun, Nouvelles recherches archéologiques à Marrakech, Paris, 1957.
13.M. Vera Reina, « La mida de la aljama almohade de Sevilla », dans M. Valor Piechotta éd., El último siglo de la Sevilla islámica (1147-1248)</sp

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Revue Médiévales. Langue Textes Histoire
Nombre de pages : 284
Langue : français
Paru le : 06/10/2016
EAN : 9782842925444
CLIL : 3386 Moyen Age
Illustration(s) : Oui
Dimensions (Lxl) : 240×160 mm
Version papier
EAN : 9782842925444

Version numérique
EAN : 9782842925451

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