Paris 8 - Université des créations

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Revue Théorie Littérature Epistémologie
Nombre de pages : 192
Langue : français
Paru le : 10/11/2004
EAN : 9782842921583
Première édition
CLIL : 3146 Lettres et Sciences du langage
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842921583

Version numérique
EAN : 9782842923112

Penser par le diagramme – de Gilles Deleuze à Gilles Châtelet

N°22/2004

Exploration, sous le triple patronage de Foucault, Deleuze et Châtelet, des caractéristiques de la pensée diagrammatique, pour conduire des expériences dans le domaine des mathématiques, de la philosophie, de l’architecture et de la littérature.

Aux antipodes du schéma, de la figure ou de l’illustration, le diagramme, dans le geste qui le trace, convoque le virtuel et fait advenir la pensée. Retravaillant la notion introduite par Michel Foucault à propos du dispositif panoptique, Deleuze écrit : “Le diagramme ne fonctionne jamais pour représenter un monde préexistant, il produit un nouveau type de réalité, un nouveau modèle de vérité. Il fait l’histoire en défaisant les réalités et les significations précédentes.[…] Il double l’histoire avec un devenir.” Gilles Châtelet, de son côté, parlait des diagrammes comme des “sourires de l’être”.
Ce numéro propose d’explorer les ressources de la pensée diagrammatique, de tester les potentialités du diagramme et les expériences de pensée originales qu’il inaugure dans différents domaines. Le diagramme sera aussi confronté dialogiquement à d’autres notions, telle la contrainte oulipienne.

Noëlle Batt
L’expérience diagrammatique : un nouveau régime de pensée


Alexis de Saint-Ours
Les sourires de l’être

 

Alison James
Pour un modèle diagrammatique de la contrainte : l’écriture oulipienne de Georges Perec

 

Charles Alunni
Diagrammes & Catégories comme prolégomènes à la question : Qu’est-ce que s’orienter diagrammatiquement dans la pensée ?

 

Mathieu Duplay
La pensée impossible : le diagramme insulaire dans « The Merry Men » de Robert Louis Stevenson

 

Jean-Philippe Narboux
Diagramme, dimensions et synopsis

 

Kenneth J.Knoespel
Diagrammes, matérialité et cognition

 

Yves Abrioux
Diagramme, histoire, devenir. Ou, quand Deleuze fait de l’histoire de l’art

Noëlle Batt : « L’expérience diagrammatique : un nouveau régime de pensée »
Il s’agit ici de retracer le parcours, dans l’oeuvre de Gilles Deleuze, d’un concept ” in progress ” &endash; diagramme &endash;, élaboré à partir de trois sources : le sémioticien Charles S. Peirce commenté par le linguiste Roman Jakobson, le peintre Francis Bacon, le philosophe Michel Foucault, et de le confronter à la réflexion sur le concept du même nom, du philosophe-mathématicien Gilles Châtelet dans Les Enjeux du Mobile. De l’un, de l’autre et de leur confrontation, on déduira la possibilité de fonder un régime de pensée dit “diagrammatique” dont il restera à tester la productivité dans différents domaines de savoirs : littérature, arts, philosophie, sciences humaines en général.

Alexis de Saint-Ours : « Les sourires de l’être »
L’objet de cet article est l’examen du rôle joué par les diagrammes en mathématiques et en physique. À travers l’étude de différents types de configurations diagrammatiques (diagrammes d’espace-temps en relativité, diagrammes d’Argand, diagrammes de Dynkin, etc.), l’accent est mis sur l’étonnante capacité des diagrammes à articuler visible et calculable.

Alison James : « Pour un modèle diagrammatique de la contrainte : l’écriture oulipienne de Georges Perec »
Correspondant à un moment de la création artistique, le diagramme est pour Deleuze une ” catastrophe ” qui contient en même temps un germe d’ordre. Il est associé à la machine abstraite qui n’a ni forme ni substance, mais seulement des fonctions et des matières. Les contraintes de l’Oulipo visent précisément à tracer un ensemble de potentialités plus ou moins abstraites, qui peuvent ensuite être actualisées dans une oeuvre. Dans La Vie mode d’emploi de Perec, les contraintes combinatoires sont des traits non formés qui représentent un principe d’organisation mais créent aussi, par leur complexité, des distributions imprévisibles. Dans le recueil de poèmes Alphabets, la contrainte hétérogrammatique défait la syntaxe, mais risque de ne pas toujours refaire des configurations signifiantes. Dans le cas de La Disparition, la contrainte lipogrammatique permet d’échapper aux automatismes linguistiques. Comme modèle conceptuel, la notion de diagramme nous permet de dépasser l’idée courante que les contraintes oulipiennes soient forcément formelles ou syntaxiques. Enfin, cette discussion offre une nouvelle perspective sur le “réalisme” de Perec : les contraintes ouvrent de nouvelles voies à la perception et à la création, création qui peut désormais capter “l’énergie considérable” de la vie.

Charles Alunni : « Diagrammes & Catégories comme prolégomènes à la question : Qu’est-ce que s’orienter diagrammatiquement dans la pensée ? »
À partir de la remarque de Wittgenstein selon laquelle « Je pense avec ma plume », sont explorés les enjeux du raisonnement diagrammatique en physique et en mathématique contemporaines, plus particulièrement en théorie des Catégories. Est également mis en valeur l’aspect dynamique des diagrammes et ses conséquences sur des phénomènes tels que la compactification formelle et le transfert conceptuel.

Mathieu Duplay : « La pensée impossible : le diagramme insulaire dans “The Merry Men” de Robert Louis Stevenson »
Chez Deleuze, le concept de diagramme sert non seulement à penser le processus d’actualisation, mais aussi à retrouver, en amont des formations particulières, qu’elles soient politiques, conceptuelles ou artistiques, la puissance immanente du virtuel. Le conte de Robert Louis Stevenson intitulé « The Merry Men » met en lumière cette réversibilité. Tout au long du récit, un dispositif panoptique travaille à rendre possible un rigoureux contrôle du visible, tandis que l’énonçable se trouve régi par des règles de parole inspirées du dogme religieux. Mais l’objet que se fixe la narration est moins de décrire ce modèle disciplinaire que de remonter jusqu’aux multiplicités dynamiques qui doublent chaque vision et chaque énoncé. L’écriture de Stevenson se fait ainsi expérience du dehors du langage, ou mieux : du langage comme dehors, experimentum linguae qui non seulement éclaire la réflexion deleuzienne sur le virtuel, mais incite à la confronter à la pensée de Wittgenstein, quelque étrange que puisse paraître un tel rapprochement.

Jean-Philippe Narboux : « Diagramme, dimensions et synopsis »
On se propose de montrer que le propre du diagramme est d’atteindre à une synopticité dynamique, opératoire, en restreignant, exhibant et corrélant celles des dimensions du symbolisé qu’il symbolise, qu’il s’agisse de dimensions à l’aune de quoi il prend la mesure de ce qu’il dénote (cas de ce que nous appellerons ici des diagrammes dénotatifs), ou bien de dimensions à l’aune de quoi il donne la mesure de ce qu’il exemplifie (cas des diagrammes exemplificatifs). En vertu de sa synopticité réglée, le diagramme est essentiellement manipulable. Sa manipulation fait émerger tantôt des relations externes entre coordonnées (cas des diagrammes dénotatifs) tantôt des relations internes entre dimensions (cas des diagrammes exemplificatifs). On argue d’un tournant pris par la pensée de Wittgenstein au sujet du lien qu’entretient la généralité avec la négation pour faire valoir cette solidarité entre synopsis et sélection de dimensions. Le confinement à certaines dimensions qui est au principe du diagramme cesse de frapper celui-ci d’indétermination ou d’incomplétude à partir du moment où l’état de choses cesse de se voir prêter des dimensions qui lui seraient intrinsèques, comme c’était encore le cas dans le Tractatus ; inversement, le caractère pleinement déterminé du sens du diagramme atteste que, loin de ressortir à un repérage exhaustif des dimensions selon lesquelles l’état de choses se déclinerait, la complétude ou la détermination du sens provient d’une monstration synoptique qui passe par la sélection de dimensions.

Yves Abrioux : « Diagramme, histoire, devenir. Ou, quand Deleuze fait de l’histoire de l’art »
Après avoir rappelé la place du concept de diagramme dans la pensée de Gilles Deleuze, en insistant sur ses rapports étroits avec les notions de force et de devenir, cet article s’intéresse à la manière dont le philosophe s’adonne à l’histoire de l’art dans Francis Bacon. Logique de la sensation, ouvrage dans lequel (suite à un premier travail sur Foucault et à quelques passages de Mille Plateaux) il fait un usage systématique du diagramme. Or, la philosophie deleuzienne range explicitement le diagramme du côté du devenir et du virtuel, non pas de l’histoire et des formes. Je relève que, dans sans son écriture d’un récit paradigmatique de l’acte de peindre comme dans son histoire de la figuration depuis l’Égypte ancienne jusqu’à Bacon (en passant par différentes moutures de la peinture abstraite), Deleuze a recours à un discours aussi dogmatique que conflictuel, voire guerrier. Découlant d’une fixation sur le cliché, cette tonalité conduit l’écriture deleuzienne loin du devenir et du virtuel. Si le discours historique schématique développé dans le Bacon territorialise fortement les propos de Deleuze sur l’art, il n’en laisse cependant pas moins deviner une autre dynamique de la pratique picturale qui ne privilégierait pas nécessairement l’organicisme de la lutte de l’oeil et de la main et pourrait conduire à une tout autre approche de l’abstraction en peinture.

Noëlle Batt : « L’expérience diagrammatique : un nouveau régime de pensée »
The purpose of the article is :
1-to trace down the evolution of a concept – that of
diagramm – along the work of Gilles Deleuze, starting from three main sources : the semiotician Charles Sanders Peirce via the linguist Roman Jakobson, the painter Francis Bacon and the philosopher Michel Foucault ; 2-to confront it with the use of the same concept handed by Gilles Châtelet in his book : Les Enjeux du Mobile. To deduce from this confrontation the possibility of a new regime of thought : ” diagrammatics “, the productivity of which will be tested in different domains : literature, art, philosophy and the humanitie.

Mathieu Duplay : « La pensée impossible : le diagramme insulaire dans “The Merry Men” de Robert Louis Stevenson »
As elaborated by Deleuze, the concept of diagram performs a double function : it accounts for the process of actualisation, and it testifies to the power of the virtual, which continues to underlie all the specific formations to which it gives rise, be they political, conceptual or artistic in nature. The dual role of the diagram is illustrated by Robert Louis Stevenson’s tale entitled “The Merry Men”. The narrative describes the regimentation of the visible in terms that bring to mind Foucault’s version of the panopticon ; at the same time, discourse is subjected to a particularly rigorous form of surveillance in the name of religious dogmas. However, the text’s aim is less to account for the workings of this disciplinary model than to highlight the dynamic multiplicities to which the narrator constantly correlates whatever is seen or spoken in the course of the tale. Thus, Stevenson invites his readers to experience the outer side of language, or rather to experience language itself as if from outside, thereby pointing out the importance of an experimentum linguae which not only sheds light on Deleuze’s concept of the virtual, but also suggests a possible comparison with Wittgenstein’s Tractatus, odd though such a parallel may seem.

Alison James : « Toward a Diagrammatic Model of the Constraint : Georges Perec’s Oulipian Writing »
The diagram, for Deleuze, corresponds to a moment in artistic creation ; it is a “catastrophe” that also contains a seed of order. The diagram is also associated with the abstract machine, which has neither form nor substance, but only functions and matters. The Oulipo’s constraints aim precisely to trace a set of abstract potentialities that can later be actualized in a literary work. In Perec’s La Vie mode d’emploi (Life A User’s Manual) the combinatoric constraints are unformed traits that produce a set of possibilities. They represent an organizational principle but also create, through their complexity, unpredictable distributions. In the poem collection Alphabets, the heterogrammatic constraint undoes normal syntax, but does not always succeed in recreating meaningful configurations. In the case of La Disparition (A Void), the lipogrammatic constraint allows the writer to escape from linguistic habits. As a conceptual model, the notion of the diagram enables us to move beyond the widespread idea that Oulipian constraints are necessarily formal or syntactic. Finally, this discussion offers a new perspective on Perec’s “realism” : constraints open up new paths for perception and creation, helping writing to capture the “considerable energy” of life.

Jean-Philippe Narboux : « Diagramme, dimensions et synopsis »
This paper aims at showing that diagrams acquire operational perspicuity through restricting, exhibiting, and coordinating with each other those dimensions of what they symbolize that are being symbolized, whether these dimensions are standards according to which diagrams assess what they denote (this is true of “denotative” diagrams) or whether they are standards in terms of which they set the standards of what they exemplify (this is true of “exemplificative” diagrams). Due to their rule-governed perspicuity, diagrams can essentially be operated upon. Their manipulation brings to the fore, now external relations between coordinates (in the case of denotative diagrams), now internal relations between dimensions (in the case of exemplificative diagrams). We proceed to substantiate the claim that perspicuity and dimension-selection are closely linked, by inquiring into the significance of a shift in Wittgenstein’s thought concerning the interweaving of generality and negation. It turns out that if each and every state of affairs possessed its own set of intrinsic dimensions, diagrams would indeed be bound to be indeterminate or incomplete, since they are confined by nature to a limited range of dimensions. On the other hand, the fact that diagrams are endowed with a fully determinate sense might suggest that it is to their perspicuity that diagrams owe the determinacy or completeness of their sense.

Alexis de Saint-Ours : « Les sourires de l’être »
This article aims at looking into the part played by diagrams in mathematics and physics. Through the study of different types of diagrams configurations (space-time diagrams in relativity, Argand diagrams, Dynkin diagrams, etc.) the emphasis is placed on the bewildering capacity of diagrams to express the visible and the calculable.

Charles Alunni : « Diagrammes & Catégories comme prolégomènes à la question : Qu’est-ce que s’orienter diagrammatiquement dans la pensée ? »
Starting with Wittgenstein’s remark “I think with my pen” I explore the issue of diagrammatic reasoning in contemporary physics and mathematics, particularly in the Category theory. I stress the dynamic aspect of diagrams and its bearing upon such phenomena as formal compactification and conceptual change.

Yves ABRIOUX : « Diagramme, histoire, devenir. Ou, quand Deleuze fait de l’histoire de l’art »
My article begins by retracing the part played by the concept of the diagram in the philosophy of Gilles Deleuze. After insisting on the relations between diagrams, force and becoming, I examine the manner in which Deleuze turns to art history in Francis Bacon. The Logic of Sensation, where (after first using the term in an article on Foucault and returning to it in certain passages of A Thousand Plateaus) he makes extensive use of the idea of the diagram. It should be noted that Deleuzian philosophy explicitly links diagrams to becoming and to the virtual, as opposed to history and form. When, in his book on Bacon, Deleuze sets about writing a generic narrative of the act of painting, as well as a short history of figurative art from Ancient Egypt to Francis Bacon (taking in various versions abstract painting on the way), his tone becomes strident, dogmatic and indeed warlike. Stemming from a strong hostility to the cliché, this style of writing leads Deleuze away from all that is implied by the notions of becoming and the virtual. However, if Deleuze’s schematic history of art forcibly territorializes the act of painting, it also hints at a different dynamics of painterly practice – one which would not necessarily lay so much stress on the very organic struggle between hand and eye and might also lead to a different approach to the question of abstract painting.

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Revue Théorie Littérature Epistémologie
Nombre de pages : 192
Langue : français
Paru le : 10/11/2004
EAN : 9782842921583
Première édition
CLIL : 3146 Lettres et Sciences du langage
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782842921583

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