Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis

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Collection Libre cours
Nombre de pages : 305
Langue : français
Paru le : 03/05/2022
EAN : 9782379242267
Première
CLIL : 3669 Histoire de l’art
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 180×120 mm
Version papier
EAN : 9782379242267

Version numérique
EAN : 9782379242298

Philosophies de la création artistique

Empruntant les chemins de la création artistique, cet ouvrage ambitionne d’en éclairer le sens et la portée. Il s’interroge à la fois sur ses motivations profondes, son processus interne, et ses fonctions dans la société.

Cet ouvrage enquête sur la nature de l’art et de la création artistique. Afin d’enrichir la réflexion sur l’art de nouvelles perspectives, il met en œuvre une méthode originale qui consiste à s’interroger dans chaque chapitre sur les rapports entre la notion d’art et une autre notion précise avec laquelle elle est étroitement liée. Cherchant à se tenir au plus près des œuvres et du geste créateur, le livre ne présente pas seulement l’intérêt de faire dialoguer différentes cultures entre elles, mais aussi différentes philosophies de la création artistique. Il relie les problèmes clés de l’esthétique aux interrogations contemporaines sur l’art.

Auteur·ices : Guyot Laurent

Introduction                                                                                        

 

Chapitre 1. Art et création
L’art et la création, ou sur le rôle de l’idée dans l’art                          

Chapitre 2. Art et marchandise
Peut-on assimiler l’œuvre d’art à une marchandise ?                        

Chapitre 3. L’art et le Beau
Réflexions sur le Beau artistique                                                          

Chapitre 4. L’art et la forme
Réflexions sur la forme, ou Rubens et le dévoilement de la structure du monde

Chapitre 5. Art et langage
Essai sur les rapports entre le langage et l’art                                  

Chapitre 6. Art et intuition intellectuelle
La sensation et l’absolu                                                                     

Chapitre 7. Art et politique
Schiller ou l’art au cœur du politique                                                

Chapitre 8. Art et philosophie
Novalis et la question du prolongement poétique de la philosophie de Fichte

Chapitre 9. L’art et le style
Le style et les deux pôles de l’art                                                       

 

Conclusion                                                                                        

Bibliographie                                                                                   

Ce livre enquête sur la nature de l’art et de la création artistique, en mettant en œuvre une méthode originale : chaque chapitre interroge la notion d’art à partir d’une autre notion à laquelle elle est étroitement liée : la création, la marchandise, le beau, la forme, le langage, l’intuition intellectuelle, la politique, la philosophie, le style. Cette démarche aboutit à une clarification progressive de l’idée d’art et permet de se « rapprocher », selon le mot de Paul Klee, de « la source de la force créatrice ». Croisant et diversifiant les champs de réflexion sur l’art pour l’enrichir de nouvelles perspectives d’analyse, l’ouvrage fait non seulement dialoguer les œuvres entre elles, mais aussi les différentes philosophies de la création artistique. Il intéressera aussi bien les étudiants confrontés au cours de leur formation à la nécessaire réflexion critique de la notion même d’art, que les créateurs et les professionnels aguerris à cette réflexion.

 

Laurent Guyot est professeur de philosophie au lycée Emile-Littré (Avranches, Académie de Normandie)

Introduction

Il s’agit dans ce livre d’enquêter sur la nature de la création artistique et d’en sonder les profondeurs en appliquant la méthode suivante : interroger systéma­tiquement dans chaque chapitre les liens entre la notion d’art et une autre notion avec laquelle elle est tantôt souvent étroitement liée – art et création, art et langage, art et marchandise, art et philosophie, art et politique, l’art et le style, l’art et la forme, l’art et le beau –, tantôt plus rarement unie – l’art et l’intuition intellectuelle.

La création artistique est appréhendée à partir de multiples entrées, croisant à la fois les problèmes classiques de l’esthétique et les questions actuelles qui se posent à l’endroit de l’art, ce qui justifie doublement le pluriel du titre Philosophies de la création artistique. Non seulement plusieurs philosophies s’y trouvent nécessairement mobi­lisées, discutées et confrontées, mais aussi plusieurs axes de réflexion sur la création artistique motivent notre recherche : au-delà de la distinction convenue entre auteur et spectateur, la création artistique peut être envisagée, par exemple, du point de vue de ce qui la fait surgir et de ce qui la nourrit, du point de vue de ses effets et de ce qu’elle nourrit, du point de vue des diverses formes et manifestations qu’elle revêt, du point de vue des divers domaines qu’elle habite, du point de vue des facteurs qui la déterminent, y compris du point de vue du recoupement de ces différents points de vue eux-mêmes, etc. Ce sont encore différents champs d’étude qui se rencontrent autour de la notion de création artis­tique : psychanalytique, anthropologique, méta­physique, sociologique, politique, notamment.

Les neuf chapitres visent à dégager des pistes de réflexion nouvelles et à construire, à propos de la création artistique et de l’expérience esthétique qui en est inséparable, ce que Sartre, dans son Esquisse d’une théorie des émotions, a pu appeler une « psychologie phénoménologique ». Ils constituent à ce titre, dans leurs prolongements réci­proques les uns dans les autres, un essai de psychologie phénoménologique de la création artistique. Sans doute, la création artistique touche à la sensibilité, je veux dire à la sensation, au sentiment, à l’émotion, aux tendances inscrites au fond du moi humain, et tombe au moins par ce côté dans la psychologie empirique. Mais elle se fonde, aussi bien, sur ce que nous appellerions l’« essence » de l’homme, si ce terme issu de la philosophie platonicienne ne continuait à véhiculer cette idée d’arrière-monde et de soubassement métaphysique de la réalité sensible incompatible avec les principes directeurs de toute enquête phénoménologique. Notre essai n’appartient pas à la pure et simple psychologie, bien qu’il s’y rattache, parce qu’il ne décompose pas le processus créateur artistique en états ou en faits de conscience isolables sur eux-mêmes, comme s’ils pouvaient être séparés et abstraits sans trop de dommage de la « substance intellectuelle » ou de la réalité « en soi » qui paraît les porter et leur servir de support. Il n’y a pas de substance indifférente à ce qu’elle porte, c’est d’ailleurs pourquoi – selon la perspective phénoménologique – il n’y a pas de substance du tout. L’homme est contenu tout entier dans cet état psychologique qu’est celui de l’expérience de la création artistique, et il n’existe rien de plus qui se tiendrait ou qui subsisterait derrière lui. La création artistique – qu’elle appartienne directement à celui qui la fait et en qui elle se fait ou à celui qui la contemple en spectateur et en qui elle se renouvelle – n’est pas une expérience parmi d’autres, mais une conduite humaine : elle est humaine au sens exact où elle engage, sinon « l’essence » de l’homme, du moins le fond de l’homme qui ne se tient pas « derrière » ou « sous » ses manifestations empiriques, mais bien au cœur de celles-ci, comme le sens profond qui les habite. En bref, c’est une expérience humaine privilégiée dans laquelle s’épuise l’être de l’homme. Aussi n’a-t-elle rien d’un fait, d’une donnée passive existant à la surface de la conscience, et relève-t-elle plutôt d’un phénomène chargé de signification, d’une posture active, mieux, d’une attitude au sein de laquelle l’homme se fait artistiquement percevant, se rend artistiquement disponible pour le monde.

C’est ainsi que, dans son Esquisse d’une théorie des émotions, Sartre dépasse la psychologie comme telle et s’installe dans une « psychologie phénoménologique » ([1939] 1995 : 7) en n’analysant pas l’émotion comme un simple fait de conscience mais comme une structure essentielle de la conscience, si bien que la réalité humaine n’est pas seule­ment ce sur fond de quoi se détache l’émotion – comme si la réalité humaine pouvait rester en retrait derrière elle et ne pas pleinement apparaître en elle – mais bien plutôt ce qui se retrouve tout entière dans l’émotion, « puisque l’émotion c’est la réalité-humaine qui s’assume elle-même et se « dirige-émue » vers le monde » (Sartre [1939] 1995 : 15). Si, pour Sartre, une émotion n’est pas un fait, c’est parce qu’elle signifie quelque chose, qu’elle a une signification : « Pour le psychologue l’émotion ne signifie rien parce qu’il l’étudie comme fait, c’est-à-dire en la coupant de tout le reste. […] Si nous voulons faire de l’émotion, à la manière des phénoménologues, un véritable phénomène de conscience, il faudra au contraire la considérer comme signifiante d’abord » (Sartre [1939] 1995 : 16). Pour l’expérience de la création artistique, il en va de même. Elle possède une signification, et ne se laisse pas juste engranger comme une donnée de plus parmi les contenus de conscience, par ce qu’elle dit ou indique de l’être de l’homme, c’est-à-dire de l’homme tout entier.

C’est dans ce cadre que le chapitre « L’art et la création » réfléchit sur le rôle de l’idée dans la genèse d’une œuvre d’art. Cela revient à savoir, premièrement, si et comment des idées impersonnelles qui dominent une époque se coulent nécessairement dans les œuvres qui lui sont rattachées ; deuxièmement, dans quelle mesure les idées théoriques personnelles de l’artiste qui s’ajoutent aux premières peuvent se convertir en expérience existentielle et esthétique et la fonder.

Le chapitre « Art et marchandise » analyse le fait de savoir si, dans la société de consommation qui est la nôtre, où le lien entre marchandise et œuvre d’art est devenu de plus en plus étroit par la compromission entre l’art et l’argent comme entre la publicité et l’art, l’œuvre d’art peut réellement devenir une marchandise et en assumer le statut.

« L’art et le beau » donne l’occasion de réfléchir à la possibilité d’une définition du Beau qui ne tombe ni dans le subjectivisme pour lequel le Beau n’est que dans l’esprit de celui qui juge, ni dans le réalisme métaphysique pour lequel il n’existe que dans un modèle unique et dans un seul type.

« L’art et la forme » questionne, à partir de l’analyse du tableau La Chute des damnés de Rubens, le rapport entre l’appréhension esthétique d’un objet et le fait pour celui-ci de s’enclore dans une forme, chaque objet pouvant être saisi lui-même comme une partie d’un objet plus vaste ayant forme à son tour ou au contraire comme un tout renfermant comme ses parties des objets. C’est cet assemblage allant à l’infini de formes à l’intérieur de formes qui compose la structure du réel que l’art interroge et qui joue sur la réception esthétique des œuvres chez le spectateur.

« L’art et le langage » répond à la question de savoir si, en dépit des conventions historiques et de la différence de mentalité qui passe entre les différentes époques et les différentes cultures, l’art peut se constituer comme un langage universel.

« L’art et l’intuition intellectuelle » traite, à partir de la découverte du nouveau champ d’application d’un concept emprunté à la philosophie spéculative de l’idéalisme allemand, de ce qui fonde la possibilité de la poésie entendue comme expérience où fusionne l’âme de celui qui contemple la nature avec ce qu’il perçoit en elle comme âme et sensibilité des choses naturelles elles-mêmes.

« L’art et le style » analyse les tendances mentales de l’homme dont découle le phénomène du style en art, et reconduit les différents styles existant et possibles de l’art à une proportion chaque fois unique du mélange de deux tendances fondamentales de l’esprit humain enveloppées dans la création artistique et identifiées comme les deux pôles entre lesquels, consciemment ou inconsciemment, évolue tout artiste.

Les deux derniers essais, tout en continuant d’articuler la réflexion sur l’art à une autre notion générale qui la reflète et qui l’éclaire, traitent en même temps de philosophes et de poètes précis : le chapitre « Art et politique » se fonde sur Schiller et le rapport que ce dernier théorise entre art et liberté politique ; « Art et philosophie » traite, plus particulièrement, de Novalis et de Fichte 1.


1. Ce dernier chapitre part d’un de nos articles, ici légèrement remanié : « Novalis et la question du prolongement poétique de la philosophie de Fichte » (Fichte-Studien, vol. 43, « Fichte und seine Zeit », dir. Matteo Vincenzo d’Alfonso, Caral De Pascale, Erich Fuchs, Marco Ivaldo, 2016 : 277-289).

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Paru le : 03/05/2022
EAN : 9782379242267
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Illustration(s) : Non
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