Paris 8 - Université des créations

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Revue Extrême-Orient - Extrême-Occident
Nombre de pages : 192
Langue : français
Paru le : 22/03/2022
EAN : 9782379242304
CLIL : 4036 Asie
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782379242304

Version numérique
EAN : 9782379242335

Pluralité et tolérance religieuses en Asie de l’Est

N°45/2021

La revue explore fonctionnement et les conséquences culturelles et sociales de la pluralité religieuse en Asie de l’Est en dépassant une simple approche essentialiste et en analysant les modes de coexistence et les expressions de tolérance ou d’intolérance par les États, les groupes et les individus.
En Asie de l’Est, différentes traditions religieuses cohabitent depuis près de deux millénaires, mais l’histoire de leurs relations n’est pas dénuée de tensions souterraines. La problématique envisagée dans ce numéro vise à comprendre leurs interactions au sein d’une société donnée en explorant le fonctionnement et les conséquences culturelles et sociales de la pluralité religieuse. Quels sont les phénomènes tenant à cette pluralité qui peuvent être observés dans les pays d’Asie de l’Est, hier et aujourd’hui ? Qu’est-ce qui caractérise leurs modes de coexistence et leurs expressions de tolérance ou d’intolérance ? Ouvrage publié avec le soutien de l’INALCO, IFRAE – UMR 8043 et du CNRS, Laboratoire Centre de Recherche sur les Civilisations de l’Asie Orientale (CRCAO)

Pluralité et tolérance religieuses en Asie de l’Est : comment les comprendre ? Religious Plurality and Tolerance in East Asia: How to Understand Them ? Kim Daeyeol

I. Penser une diversité à plusieurs facettes – Thinking Multifaceted Diversity

Historiens et anthropologues repensent la diversité religieuse en Chine Historians and Anthropologists Rethink Religious Diversity in China Vincent Goossaert  

Ancêtre, dieu et « bodhisattva ». Hachiman ou la pluralité religieuse personnifiée Ancestor, God, and “Bodhisattva”. Hachiman, Religious Plurality Personified François Macé  

II. Un patrimoine religieux composite ou comment négocier l’harmonie – A Composite Religious Heritage or How to Negotiate Harmony

Religious Identity and Contemporary Ritual Practices of the Cham Ahiér in Vietnam Identité religieuse et pratiques rituelles contemporaines chez les Cham Ahiér du Vietnam Mai Bui Dieu Linh  

Au-delà des Trois Enseignements. La pluralité religieuse et la religion Ch’ŏndogyo en Corée au début du xxe siècle Beyond the Three Teachings. Religious Plurality and the Ch’ŏndogyo Religion in the Beginning of the Twentieth Century Carl Young

III. Identité religieuse et hiérarchie interne – Religious Identity and Internal Hierarchy

« Dix mille courants, une seule racine ». Le syncrétisme de Deguchi Onisaburō dans la première moitié du xxe siècle “Ten Thousand Teachings, One Root”. Deguchi Onisaburō’s Syncretism during the First Half of the Twentieth Century Édouard L’Hérisson   

Communalisation religieuse et pluralité nationale. L’accueil des migrants par les Églises protestantes en Corée du Sud Religious Communalization and National Plurality. The Reception of Migrants by Protestant Churches in South Korea Kim Hui-yeon

Regard extérieur – The View from Outside

Vérité théologique et pluralité religieuse. Retour sur la construction occidentale du pluralisme Theological Truth and Religious Plurality. Revisiting the Western Construction of Pluralism Philippe Portier 

Résumés Abstracts ´£­n

Notices bio-bibliographiques Bio-bibliographical Notes

Vincent Goossaert Historiens et anthropologues repensent la diversité religieuse en Chine La société chinoise est reconnue par les spécialistes de la diversité religieuse comme un cas remarquable de diversité ancienne et toujours très vivace. Pourtant, les travaux de sciences sociales portant sur la diversité religieuse en Chine appliquent largement des théories développées en Occident. Cet article présente l’état actuel des modèles et théories dans lesquelles est étudié le pluralisme religieux chinois, et d’esquisser les développements les plus prometteurs qui rendent pleinement compte de la diversité religieuse réelle sur le terrain. Il développe notamment deux outils analytiques : les quatre dimensions de la société et les cadres liturgiques. Il montre ensuite que ces outils mettent en relief la forte propension de la société chinoise à la division régulée du travail religieux. Kim Hui-yeon Communalisation religieuse et pluralité nationale : l’accueil des migrants par les Églises protestantes en Corée du Sud En Corée du Sud, le nombre croissant de migrants n’entraîne pas forcément une pluralité religieuse. La présence de ces étrangers incite, en revanche, les Églises protestantes à ajuster leur pratique religieuse en accueillant des migrants dans des communautés de différentes nationalités créées en leur sein. Une communalisation religieuse semble avoir lieu entre les fidèles coréens et ces étrangers, grâce au partage supposément égalitaire de la même foi. Cependant, la confrontation des différences suscite également l’affirmation d’une identité ethnique de la part des Coréens comme des migrants étrangers en provoquant une ethnicisation réciproque. Cet article analyse ces processus à travers l’étude du cas de l’Église presbytérienne Onnuri afin de mieux comprendre comment les membres nationaux et étrangers de cette Église se les approprient. Edouard L’Hérisson « Dix mille courants, une seule racine » : le syncrétisme de Deguchi Onisaburō dans la première moitié du XXe siècle À travers un jeu d’échelles croisant les niveaux microscopique et mésoscopique, le présent article met en lumière la construction de la doctrine syncrétique de Deguchi Onisaburō, le cofondateur du nouveau mouvement religieux Ōmoto, au cours des années 1920. Il s’emploie avant tout à saisir les enjeux et les limites de ce syncrétisme en contexte impérial. En effet, malgré une ambition universelle et la constitution d’un réseau transnational fondé sur l’idée d’harmonie religieuse internationale, le discours syncrétique du leader ne s’en appuie pas moins sur un postulat particulariste qui place le Japon au sommet de la hiérarchie mondiale et souligne le statut de messie universel du cofondateur détenteur de la vérité divine transmise par les divinités shintō. Le credo d’Ōmoto apparaît dès lors comme un syncrétisme stratégique agissant tel un véritable colonialisme spirituel à même de soutenir l’entreprise impérialiste du Japon moderne. François Macé Ancêtre, dieu et “bodhisattva” : Hachiman ou la pluralité religieuse personnifiée À première vue, l’évolution des relations entre dieux autochtones et bouddhas paraît relativement simple : existence séparée, coexistence sans fusion, fusion, séparation tranchée et enfin coexistence pacifique. Cet article entend montrer, à partir d’un exemple précis que la réalité était beaucoup plus complexe. La fusion, tout en ayant été précoce, ne fut jamais complète. Le dieu Hachiman apparaît, dès l’origine, fortement lié au bouddhisme et fut rapidement considéré comme un bodhisattva. Pourtant, son sanctuaire d’Iwashimizu est devenu le second des vingt-deux sanctuaires shintô les plus importants du pays. Par ailleurs, son assimilation à l’empereur Ōjin en fit un ancêtre impérial au même titre que la grande déesse Amaterasu. Le « grand bodhisattva » Hachiman fut aussi considéré la divinité tutélaire des guerriers. À travers l’étude des transformations successives d’un des plus bouddhéïsés des dieux indigènes, nous montrons que ceux-ci n’ont jamais perdu une part de leur divinité particulière.   Mai Bui Dieu Linh Identité religieuse et pratiques rituelles chez les Cham Ahiér contemporains au Vietnam Cet article est consacré à l’identité religieuse et aux pratiques rituelles du peuple Cham contemporain du centre-sud du Vietnam (provinces de Bình Thuận et Ninh Thuận) en mettant l’accent sur la communauté des Chams Ahiér. La compréhension contemporaine de l’identité Cham a été dérivée d’un certain nombre d’ouvrages novateurs publiés par des chercheurs occidentaux pendant la période coloniale française. Cependant, la réflexion passée sur le rôle central des religions “indianisées” (hindouisme et bouddhisme) dans la formation des croyances et pratiques religieuses des Chams a été remise en cause par des publications plus récentes consacrées à la croissance des pratiques islamiques au cours du deuxième millénaire de notre ère. Bien que la communauté Cham contemporaine soit divisée en différents groupes qui ont hérité de ces différences religieuses historiques, les Chams du centre-sud maintiennent un niveau relativement élevé de cohérence ethnique et culturelle grâce à une référence au concept de dualisme cosmologique Ahiér-Awal. Ce concept dualiste permet de transcender les conflits religieux entre les communautés Chams “hindouiste” et “musulmane” de la population Chams. Cet article décrit les complexités de l’identité religieuse des Chams Ahiér et analyse leurs pratiques rituelles. Il aborde la communauté des Chams Ahiér et ses pratiques religieuses dans le contexte plus large du milieu religieux afin d’expliquer comment différentes sources de traditions religieuses ont été appropriées et entrelacées, tout en reconnaissant qu’il y avait aussi des tensions dans ce processus. Carl Young Au-delà des Trois Enseignements : La pluralité religieuse et la religion Ch’ŏndogyo en Corée au début du XXe siècle Établi en décembre 1905, le Ch’ŏndogyo (Enseignement de la Voie Céleste) est une continuation et une modernisation du mouvement Tonghak (Savoir oriental). Son Pyŏng-hŭi, le patriarche du Tonghak, renomma et réorganisa sa religion afin de resserrer son autorité sur le mouvement après plusieurs années d’absence de la Corée. L’essentiel de cette réorganisation initiale du Ch’ŏndogyo se produisit pendant les années menant à l’annexion japonaise de la Corée en août 1910, une période de bouleversements sociaux, économiques et politiques. Le Ch’ŏndogyo devait assurer sa continuité avec le Tonghak tout en créant une nouvelle identité pour l’ère moderne. La réponse du Ch’ŏndogyo consista à maintenir la conception du Tonghak comme religion « orientale » en harmonie avec les Trois Enseignements (bouddhisme, confucianisme et taoïsme), tout en soulignant un contraste net avec le christianisme venu d’Occident. Toutefois, le Ch’ŏndogyo se présentait aussi comme une sorte de mise à jour de la tradition, ouverte à la modernité, la technologie et aux nouveaux courants éducatifs. En se voulant une religion nationale et nationaliste, il dépassa les Trois Enseignements et devint un mouvement spécifiquement coréen, adapté aux évolutions profondes que subissait la péninsule coréenne. Le Ch’ŏndogyo devint ainsi un nouvel acteur dynamique au sein de la pluralité religieuse coréenne.

Vincent Goossaert Historians and Anthropologists Rethink Religious Diversity in China Chinese society is recognized by scholars of religious diversity as a remarkable case of ancient and still very much alive diversity. Yet social science research on religious diversity in China largely applies theories developed in the West. This article presents the current state of the models and theories in which Chinese religious pluralism is studied, and outlines the most promising developments that fully account for actual religious diversity on the ground. In particular, it develops two analytical tools: the four dimensions of society and liturgical frameworks. He then shows that these tools highlight the strong propensity of Chinese society for a regulated division of religious labor. Kim Hui-yeon Religious communalization and national plurality: The reception of migrants by Protestant churches in South Korea In South Korea, the growing number of migrants does not necessarily lead to religious plurality. The presence of these foreigners, on the other hand, encourages Protestant churches to adjust their religious practice by welcoming migrants in communities of different nationalities created within these churches. A religious communalization seems to take place between the Korean faithful and these foreigners, as they share the same faith on an equal basis. Yet the confrontation of differences also arouses the affirmation of an “ethnical identity” on the part of Koreans as well as migrants by provoking “mutual ethnicization”. This article analyzes these different processes through the case study of the Onnuri Presbysterian Church in order to better understand how domestic and foreign members of this Church appropriate them. Edouard L’Hérisson “Ten Thousand Teachings, One Root”: Deguchi Onisaburō’s Syncretism during the First Half of the Twentieth Century Bridging an analysis at both microscopic and mesoscopic scales, this article sheds light on the construction of the syncretic doctrine of Deguchi Onisaburō, the co-founder of Ōmoto, a new religious movement in the 1920s. It explores the issues and limits of this syncretism in an imperial context. Despite a universal ambition and the constitution of a transnational network based on the idea of international religious harmony, the leader’s syncretic discourse was nonetheless based on a particularist postulate that placed Japan at the top of the world hierarchy and emphasized the universal messiah status of the co-founder, holder of the divine truth transmitted by the Shintō deities. Ōmoto’s creed thus appears as a strategic syncretism acting as a veritable spiritual colonialism capable of supporting the imperialist enterprise of modern Japan. François Macé Ancestor, God, and “Bodhisattva”: Hachiman, religious plurality personified. At first glance, the evolution of the relationship between local gods and Buddhas seems relatively simple: separate existence, coexistence without fusion, fusion, clear-cut separation and finally peaceful coexistence. This article intends to show, from a specific example, that the reality was much more complex. The fusion, though it began early on, was never complete. The god Hachiman appears, from the beginning, strongly linked to Buddhism to the point of being quickly considered a bodhisattva. However, his sanctuary of Iwashimizu has become the second of the twenty-two most important Shintō Shrines in the country. On the other hand, his assimilation to the Emperor Ōjin made Hachiman an imperial ancestor in the same way as the great goddess Amaterasu. The “Great bodhisattva” Hachiman was also considered the tutelary divinity of warriors. Through the study of the successive transformations of one of the most “Buddhistized” of the indigenous gods, we show that they never lost any of their particular divinity.   Mai Bui Dieu Linh Religious identity and ritual practices of the contemporary Cham Ahiér of Vietnam This article is devoted to the religious identity and ritual practices of the contemporary Cham people of South-Central Vietnam (Bình Thuận and Ninh Thuận provinces) with a particular focus on the Cham Ahiér community. Contemporary understanding of Cham identity was derived from a number of pathbreaking works published by Western scholars during the French colonial period. However, past thinking about the central role of “Indianized” religions (Hinduism and Buddhism) in the formation of Cham religious beliefs and practices was challenged by more recent publications devoted to the growth of Islamic practices in the second millennium CE. Although the contemporary Cham community overall is divided into different groups that inherited these historic religious differences, the South-Central Cham maintain a relatively high level of ethnic and cultural coherence through a reference to the concept of Ahiér-Awal cosmological dualism. This dualist concept helps transcend the religious conflicts between the Cham Ahiér (“Cham Hindu”) and Cham Awal (Cham Muslim.”) This article describes the complexities of Cham Ahiér religious identity and analyzes their ritual practices. It approaches the Cham Ahiér community and its religious practices within the broader context of the religious

milieu

, explaining how different sources of religious traditions were appropriated and intertwined, while, at the same time, acknowledging that there were tensions involved in this process as well. Carl Young

Beyond the Three Teachings: Religious Plurality and the Ch’ŏndogyo Religion in the Beginning of the Twentieth Century

Ch’ŏndogyo (Teaching of the Heavenly Way) is a continuation and modernisation of the earlier Tonghak (Eastern Learning) movement and was organized in December 1905. Son Pyŏng-hŭi, the Tonghak patriarch, renamed and reorganised his religion to reassert his authority over the movement after several years away from Korea. Much of Ch’ŏndogyo’s early organization occurred during the years that eventually led to the Japanese annexation of Korea in August 1910 that was a period of intense social, economic and political change. Ch’ŏndogyo was faced with the issues of continuity from Tonghak and also forging a new identity for the modern age. Ch’ŏndogyo continued Tonghak’s stress on being an “Eastern” religion, in harmony with the Three Teachings (Buddhism, Confucianism, and Daoism), in contrast to Christianity coming from the West. However, it also stressed its openness to modernity, technology, and new education and attempted to combine this with earlier tradition. It also presented itself as a national and nationalist religion, and by so doing, it went beyond the Three Teachings, becoming a specifically Korean doctrine adapted to the deep changes affecting the Korean nation. It became thereby a new dynamic actor in Korea’s religious plurality. 

提要   Vincent Goossaert高萬桑 历史学家重新思考中国的宗教多样性 研究宗教多样性的学者认为,中国社会是一个古老的、仍然充满活力的多样性的显著案例。然而,关于中国宗教多样性的社会科学研究在很大程度上采用了在西方发展起来的理论。本文介绍了研究中国宗教多元化的模式和理论的现状,并概述了充分说明当地实际宗教多样性的新論述。特别是,它开发了两个分析的論述,即社会的四个方面和儀式框架。本文以此表明这些分析的論述凸显了中国社会对宗教分工的强烈倾向。 Kim Hui-yeon 김희연 종교적 공동체화 국적의 다양성 : 한국 개신교회의 이주민 수용 한국에서 이주민수의 증가가 반드시 종교적 다원성으로 연결되지는 않는다. 반면 개신교는 교회내 개설된 국가별 이주민 공동체에 그들을 받아들이고 그에 맞추어 신앙 신앙 방식을 바꾸어가고 있다. 같은 교회 교인으로써 같은 신앙을 평등하게 공유하며 한국과 외국인 신자들 사이에 종교적 공동체화가 이루어지는 것처럼 보인다. 그러나 서로 다른 문화와의 충돌은 ‘상호적 민족화’를 야기함으로써 외국인 이민자로써 또한 한국인으로써의 정체성을 강조하게 만든다. 본 논문은 온누리 장로교회의 사례 연구를 통해 이러한 과정들을 분석하여 교회의 한국, 외국인 성도들이 어떻게 이러한 상황을 자신들의 상황에 맞게 활용하는지를 연구한다. Edouard L’Hérisson エドワール・レリソン 万教同根-二十世紀前半における出口王仁三郎の諸教混淆的教義 本論文では二つのレベル(ミクロ領域と中間領域)にまたがるスケール分析を通して、1920年代における新宗教大本教の二代教祖、出口王仁三郎の教義の発展過程の考察を試みる。特に帝国時代を背景にしてその教義の目的と限界をどのように捉えることができるかを考えてみたい。王仁三郎は教義の普遍化の野望を抱き、国境を超えた宗教ネットワークを築いておりながら、日本を世界の頂点にし、神々の真理を授かった世界的メシアとして自分を位置付けた。そこで、大本教の教義は諸教混淆的な性格を戦略的に発展させた、近代日本の帝国主義を支え得る「スピリチュアル」植民地主義として見直す可能性があると考えられる。 François Macé フランソワ・マセ 祖先、神、菩薩——多様的な宗教の顕現としての八幡 神仏の関係は、一見簡単に展開したかのように見える。別々の存在から、融合無しの共存、融合、はっきりとした区別、そして平和的な共存へと。ここでは、一例を取り上げ、この関係は実はもっと複雑なものであったことを論じてみる。神と仏の「混淆」は早く始まったものの、完全なる融合には至らなかった。八幡神は、 菩薩と早くから見なされているほどに、最初から仏教と強いつながりをもつ神である。 しかし、石清水八幡宮は日本の最も重要な二十二の神社のなかで伊勢神宮についで十世紀以降二番目の位置をしめている。 その一方で、応神天皇と同化されることにより、天照大神のように天皇家の祖先と見なされていた。又、 八幡は武士の氏神とも考えられていた。この最も仏教化した神格の変貌を追うことにより、「神々」が決してその特性を失ったわけではないことを論じる。  Mai Bui Dieu Linh Bản sắc tôn giáo và thực hành nghi lễ của người Chăm Ahier ở Việt Nam hiện nay Bài viết này tập trung nghiên cứu về vấn đề bản sắc tôn giáo và các thực hành nghĩ lễ của cộng đồng người Chăm hiện đang sống ở khu vực Nam Trung Bộ Việt Nam (tỉnh Bình Thuận và Ninh Thuận), với đặc biệt chú trọng đến cộng đồng người Chăm Ahiér. Những hiểu biết hiện có về bản sắc tôn giáo Chăm phần lớn đều dựa trên những công trình mang tính đột phá được xuất bản bởi các học giả người Pháp. Tuy nhiên, những nghiên cứu trước đây đề cập đến vai trò trung tâm của Ấn Độ giáo và Phật giáo trong việc hình thành tín ngưỡng và thực hành tôn giáo của người Chăm đã bị thử thách bởi các nghiên cứu gần đây bởi sự phát triển của việc thực hành Hồi giáo trong thiên niên kỷ thứ hai Công nguyên. Mặc dù cộng đồng người Chăm hiện nay chia thành nhiều nhóm do thừa hưởng những tôn giáo khác nhau và những thay đổi của dòng chảy lịch sử, nhưng người Chăm ở khu vực Nam Trung Bộ hiện nay vẫn duy trì một mức độ gắn kết văn hoá và dân tộc tương đối cao bởi họ cùng thực hành tôn giáo thông qua thuyết “cấu trúc lưỡng hợp” Ahiér-Awal. Chính khái niệm “lưỡng hợp” này đã giúp họ vượt qua những khác biệt về tôn giáo, một bên là Chăm Ahiér (“Chăm ảnh hưởng Ấn Độ giáo”) và một bên là Chăm Awal (“Chăm ảnh hưởng Hồi giáo”). Bài viết này tập trung mô tả sự phức tạp của vấn đề bản sắc tôn giáo của người Chăm Ahiér, đồng thời phân tích một số nghi lễ của họ. Thông qua tiếp cận việc thực hành tôn giáo của cộng đồng người Chăm Ahiér và đặt trong bối cảnh môi trường thực hành tôn giáo rộng lớn hơn, bài viết giải thích sự hiện diện, hoà nhập và đan xen của các nguồn tôn giáo khác nhau chính đã tạo nên tôn giáo Chăm Ahiér hôm nay, đồng thời thừa nhận rằng xuyên suốt quá trình đó, cũng có lúc đã xảy ra những xung đột và căng thẳng.   Carl Young 삼교를 넘어서: 종교적 다원성과 20세기 초의 천도교  천도교는 초기 동학 운동의 연속이자 현대화된 형태로 1905년에 조직되었다. 동학의 교주였던 손병희는, 몇 해 동안의 외유를 마친 후, 조직 내에서의 자신의 권위를 회복하기 위해서 이 종교 운동에 새 이름을 부여하고 체재를 재구성했다. 천도교의 초기 구성은, 조선이 1910년 결국 일본에 합병되기까지, 사회적, 경제적, 정치적으로 극심한 변화가 일어났던 몇 년 사이에 행해졌다. 천도교는 동학으로부터의 연속성과 관련된 문제에 직면하고 있었고 또한 새로운 시대를 위한 새로운 정체성을 구축하고 있었다. 천도교는, 동학이 서양으로부터 온 기독교와는 달리 삼교(불교, 유교 그리고 도교)와 조화되는, ‘동양’의 종교임을 강조하는 것을 계승했다. 그러나, 동시에 새로운 시대, 기술 그리고 새로운 교육에 열려있음을 강조했고, 이러한 것들과 이전의 전통을 조화시키려고 노력했다. 천도교는 스스로를 민족의 그리고 민족적 종교라고 알리고, 또 그렇게 함으로써 삼교를 넘어서고, 조선 민족이 겪고 있는 극심한 변화에 적응하는 전형적으로 한국적인 교리 체계가 되었다.

Introduction

Pluralité et tolérance religieuses en Asie de l’Est : comment les comprendre ?*

Kim Daeyeol

À la différence d’un Occident longtemps marqué par l’hégémonie culturelle et politique du christianisme, les traditions dites « religieuses » en Asie de l’Est, telles que bouddhisme, confucianisme, chamanisme et taoïsme, se caractérisent par leur coexistence ancienne et une certaine hybridité tant à l’échelle des sociétés que des individus. Certes, à différents moments de leurs histoires, les gouvernements de cette région ont pu adopter tel ou tel système de pensée, et les pratiques rituelles qui en découlent, pour les mettre au service d’une idéologie d’État, et, de ce fait, discriminer les autres. Néanmoins, malgré d’éventuelles répressions, ces autres doctrines ont rarement été complètement interdites, et encore moins éradiquées, ayant eu le temps – parfois plus d’un millénaire –, pour s’enraciner profondément dans les groupes sociaux. Cet aspect, qui distingue l’histoire de ces traditions en Asie de celle de l’Occident, ne semble pas encore avoir fait l’objet d’étude globale en une langue occidentale 1.

Afin de mieux discerner l’orientation et la problématique du présent numéro et d’éviter toute confusion éventuelle, il nous semble nécessaire de distinguer d’emblée les trois termes suivants : « pluralisme », « diversité » et « pluralité ». Ces trois concepts non interchangeables sont invoqués lorsque différents aspects des phénomènes religieux sont liés les uns aux autres sur divers plans. La notion de « pluralisme » s’inscrit dans une démarche telle que le dialogue interreligieux, lui-même interprété comme une valeur idéologique. Ce mouvement prône l’idée, l’idéologie ou la valeur selon laquelle les diverses religions qui coexistent dans une société doivent être reconnues et respectées à parts égales. Le pluralisme se réalise sous des formes multiples en fonction de la société concernée, mais il comprend nécessairement des principes tels que la tolérance, la concurrence libre entre les groupes religieux, ainsi que la liberté de croyance et de pratique des individus. La notion de « diversité » religieuse est utilisée pour sa part lorsque l’on s’interroge sur ce qui différencie les expériences religieuses et leurs expressions, et que l’on compare les vérités revendiquées par les religions en question 2. La notion de « pluralité », enfin, qualifie la situation dans laquelle diverses traditions, expressions et organisations religieuses coexistent dans une société. Elle est employée quand on s’intéresse aux contacts, interactions et échanges entre différentes religions, ainsi qu’à leurs conséquences. Le concept de « pluralité religieuse » sous-entend que la société est envisagée comme un espace où cohabitent et interagissent croyants, non-croyants et indécis, chaque catégorie retirant à sa manière des bénéfices culturels des religions.

La pluralité culturelle ne constitue ni un sujet d’intérêt nouveau ni une terminologie foncièrement neuve. Mais si la pluralité religieuse en Asie de l’Est a été observée et mentionnée dans des études antérieures, elle n’a pas constitué pour autant un objet d’analyse et de problématisation dans son ensemble. Un regard rétrospectif sur l’origine historique de cette indifférence (ou exclusion) et la situation actuelle de l’Occident nous paraît ainsi instructif du point de vue épistémologique. Car les interrogations savantes modernes sur la « religion » y ont débuté et évolué, et leur cadre épistémique est toujours présent au sein même du vocabulaire qui nous sert à penser l’Asie de l’Est.

À partir du moment où les missionnaires chrétiens d’Europe ont développé leurs activités d’évangélisation dans les autres régions du monde, ils ont considéré les croyances autochtones ou populaires avec un regard dépréciatif, et les ont au mieux qualifiées de « syncrétisme ». Depuis, et malgré la neutralité acquise par ce terme dans le domaine de l’anthropologie, il a gardé une connotation péjorative qui tend à expliquer pourquoi, hier comme aujourd’hui, la notion occidentale de « religion » a toujours du mal à s’appliquer aux traditions religieuses extra-européennes 3. Une autre origine de cette indifférence vis-à-vis de l’Asie de l’Est peut se trouver dans la sociologie fonctionnaliste de la religion d’Émile Durkheim. Ce dernier avance que l’intégration et la cohésion sociale constituent des fonctions sociales essentielles de la religion. Or son explication se focalise sur les rôles de la religion dans une société où les contours du groupe religieux coïncident à ceux de la société elle-même. La coexistence de diverses religions apparaît donc comme l’une des origines du schisme social ou encore comme une situation de crise indésirable qu’il convient d’affronter si elle devient inévitable. Dans les pays d’Europe et du monde arabe, le sentiment « national » est d’ailleurs souvent lié à une identité religieuse. Un parti pris négatif sur la pluralité religieuse a ainsi longtemps dominé, et c’est seulement depuis ces dernières décennies que le monde savant occidental s’intéresse activement à cette thématique 4. Cette situation présente un net contraste avec celle des pays d’Amérique où la coexistence ancienne (et contrainte) de différentes religions, amène aujourd’hui à étudier la pluralité du point de vue du pluralisme religieux.

La question de la pluralité religieuse est une problématique qui ouvre un angle d’approche encore assez neuf dans l’étude des faits religieux, en lien étroit avec les questions de culture, d’individu et de société. Comme tous les domaines de la culture tels que langue, littérature, musique, beaux-arts, architecture ou même cuisine, la religion connaît des processus d’hybridation qui méritent d’être analysés. Des études récentes et innovantes ont montré qu’une influence culturelle n’est jamais unilatérale, et ce même dans des rapports de force inéquitables 5. Il semble donc plus pertinent d’utiliser d’autres concepts comme par exemple celui de « transfert culturel » (Michel Espagne). Par suite des contacts et interactions sur la longue durée peuvent apparaître aussi des opérations plus complexes d’acculturation, telles que le « bricolage » (Claude Lévi-Strauss), le « ré-emploi » (Michel de Certeau) ou le « branchement » (Jean-Louis Amselle). Ces différentes procédures rendent possibles l’apparition d’une nouvelle position « syncrétique » ou l’adoption d’une nouvelle forme « hybride 6 ». Ce phénomène culturel d’hybridation se produit aussi dans la dimension religieuse d’une culture et constitue un sujet d’étude significatif pour une société où se produisent les phénomènes d’individualisation et de sécularisation.

Après avoir admis que la religion constitue une forme de la culture, nous pouvons nous interroger comme suit : alors que nous sommes conscients de jouir d’une liberté de choix face à d’autres éléments culturels, pourquoi nous sentirions-nous contraints de ne choisir qu’une seule religion ? Cette idée est soutenue par deux autres : l’une est que « chaque religion posséderait une identité immuable » et l’autre, que « seule une religion serait détentrice de la vérité absolue ». Directement liée à la tension entre le terme « religion » utilisé pour désigner une religiosité universelle et l’acception du même terme appliquée à différentes traditions revendiquant chacune une identité propre, la question posée plus haut s’enracine dans l’histoire de la société prémoderne où le monde visible empruntait l’autorité du monde invisible. Autant (ou plus) qu’une question de confession ou de conscience, proclamer le choix d’une seule religion répond à une demande sociale 7. Mobilisée pour sa qualité à attribuer de la légitimité à un groupe ou à contrôler une population, par exemple, la religion est souvent entendue comme l’identité sociale elle-même. À un niveau individuel, l’appartenance religieuse ne procède pas nécessairement d’une profession de foi dans une vérité unique. Elle peut ne pas être choisie (religion des conjoints ou de la communauté) ou au contraire relever d’une adaptation à des circonstances particulières, par exemple dans le cas où un immigré se rapproche de la religion de ses compatriotes déjà présents dans une région donnée. L’identité religieuse ne peut donc être que flottante et circonstancielle. Nous verrons dans les pages suivantes qu’elle est mise en question dans diverses combinaisons de situation : entre différentes religions, entre éléments religieux et non religieux ou dans une situation complexe faisant intervenir différentes religions et facteurs non religieux à la fois.

Les chercheurs européens dont les études portent sur la religion ont prêté une attention particulière au fait que, de nos jours, les phénomènes religieux évoluent en présentant des aspects nouveaux. L’essentiel est de dire que la religion qui avait semblé disparaître au nom de la rationalité moderne, non seulement subsiste mais reprend de la vigueur avec l’évolution de la modernité elle-même assortie d’aspects et de rôles transformés. La religion, dotée de nouvelles fonctions, est à même de s’étendre en tissant des relations inédites avec d’autres domaines. Aujourd’hui, en Occident, l’autorité religieuse a perdu sa capacité de mobilisation sociale et de définition du sens de la vie dans un contexte où chaque individu cherche à définir ce sens lui-même, la diversité étant de nos jours considérée comme une valeur positive. La société et la religion ont vécu la modernisation et la sécularisation, et leur rapport a évolué vers une phase plus fondamentale et universelle 8.

À propos de sécularisation et de pluralisme, Jean-Paul Willaime évoque un point qui concerne notre travail de très près : la simple juxtaposition des diverses cultures religieuses dans une société relativise la vérité de chacune d’elles et stimule le processus d’individualisation. La culture religieuse, dont l’origine humaine, et non transcendante, est dévoilée, se trouve exposée aux goûts des « consommateurs » et confrontée à la logique du marché. Par conséquent, au fur et à mesure que le religieux s’étend et devient flottant, l’attribution de la transcendance et la ritualisation en viennent à s’appliquer à des objets divers, et la possibilité de trouver la trace du religieux dans le monde profane augmente. Que la religiosité profane puisse exister, ou qu’il soit difficile de distinguer le profane et le religieux, cela témoigne de la diffusion du religieux et de l’hybridité de la croyance et de la non-croyance, de la tradition et de la modernité 9. De ce point de vue, on ne saurait atteindre une compréhension plus fine du monde religieux de la société contemporaine par un simple catalogue des grandes traditions religieuses considérées comme dominantes. Il est nécessaire d’accorder de l’importance aux actualisations tant au niveau individuel que social. Si l’individu se constitue par la structure sociale, cette dernière se trouve graduellement modifiée par la liberté et la créativité de chacun. On ne peut négliger le rôle de la subjectivité individuelle dans la culture, puisque le sens subjectif se socialise et s’objective à travers la culture 10.

Par ailleurs, il est nécessaire de prendre en considération des différences à plusieurs niveaux quand on applique la notion de « religion », modelée en Occident, à une autre société et à une autre culture. L’Asie de l’Est a vécu et est encore en train de vivre autrement le processus qui peut être appelé « modernisation » et qui inclut une forme de « sécularisation ». Par conséquent, l’ensemble des caractéristiques de la société « ultramoderne » ne peut s’y appliquer de la même façon. Si certains éléments de la modernité y sont encore à l’état latent, d’autres sont apparus plus tôt que dans le monde occidental 11. En Inde et en Chine, aucune « religion » ne s’est trouvée durablement dans une situation de monopole étatique comparable à celle du christianisme en Europe. Excepté de menues variations de niveau et de degré, on constate à travers divers exemples qu’en Asie de l’Est, quelques aspects susceptibles d’être qualifiés de « postmodernes » dans le rapport existant entre la religion et la société sont apparus en même temps que des caractéristiques qualifiées de « prémodernes » dans d’autres sphères 12. Les traditions appelées « religions » présentent des différences de fond non négligeables les unes par rapport aux autres. De divers points de vue, la tradition judéo-chrétienne, de laquelle est née la notion moderne de religion, ne peut constituer un modèle pour les traditions dites « religieuses » de l’Asie de l’Est. Une « religion » conditionnée par l’affirmation de l’expérience du sacré, de la transcendance et du monde invisible à travers une profession de foi n’est qu’un des modèles de religion parmi d’autres. Force est de constater qu’il est possible de jouir de biens culturels religieux sans faire acte de foi. On retrouve souvent cet aspect dans l’histoire des « religions » de l’Asie de l’Est.

Comment expliquer la pluralité religieuse marquée qui distingue l’Asie de l’Est de l’Occident ? Pourra-t-on parler d’une idiosyncrasie éclectique, syncrétique ou œcuménique propre aux traditions religieuses de cette région ? Dans une vision de la culture au sens large 13, la description du phénomène religieux, qu’il s’agisse de mythe, d’histoire, ou de profession de foi, n’est possible que sur un fond culturel et social. L’expérience religieuse, même celle de la transcendance, se déroule forcément à l’intérieur du monde et de l’histoire 14. Le fait que l’invariabilité du religieux ait sa réalité au sein même de l’histoire nous oblige à relier des expériences religieuses individuelles aux conditions d’existence de la société humaine 15. Plutôt que de se focaliser sur un système de pensée ou un discours propre à une tradition, les articles du présent numéro procèdent à la contextualisation de la pluralité. Ils s’intéressent aux faits historiques et socioculturels et aux modalités de coexistence des religions. Celles-ci incluent conflit et tolérance mais aussi échange et partage, et impliquent des systèmes, attitudes et pratiques susceptibles de révéler une diversité culturelle au sein du même milieu social et d’attester de son dynamisme.

Quand différents systèmes de croyance coexistent et interagissent depuis longtemps, leurs frontières peuvent se résorber, en particulier du côté des pratiques, surtout celles qui affectent relativement moins les dogmes. À travers des approches, des assimilations ou des adaptations graduelles, les idées et les pratiques d’un système peuvent être admises de part et d’autre comme un patrimoine culturel commun, sans référence à la foi. Une pratique initialement inscrite dans un système de croyance particulier peut progressivement être adoptée au sein des pratiques sociales et culturelles par la société dans son ensemble. Il en est ainsi du calendrier et des fêtes. Un symbole peut être utilisé pour des sens distincts dans divers contextes. Une pratique peut être interprétée différemment selon les individus. Les éléments hétérogènes issus d’idées ou de pratiques d’origines différentes peuvent malgré tout rester en cohésion au nom d’une même tradition, et contribuer à former un réseau de relations pluri-centrées au sein d’un même groupe religieux.

Les sociétés d’Asie de l’Est se caractérisent par la profondeur historique de la pluralité religieuse. De manière générale, elles ne s’identifient pas à une seule tradition religieuse. La tolérance n’est pas exercée par une tradition dominante envers d’autres considérées comme mineures, mais plutôt par la reconnaissance mutuelle des différentes traditions et la recherche d’une coexistence au sein d’une même civilisation. Les frontières entre ces traditions sont poreuses. Conflits et tensions peuvent néanmoins surgir, notamment du fait d’une discrimination par les autorités politiques ou de l’introduction d’une nouvelle religion 16.

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Ce numéro d’Extrême-Orient Extrême-Occident se décline en trois volets. La première partie invite tout d’abord à différentes approches pour observer et analyser la pluralité religieuse. L’article de Vincent Goossaert dresse un état des lieux critique sur les modèles et théories à travers lesquelles a été étudiée la pluralité religieuse chinoise, puis il propose deux grilles d’analyse qui s’appliquent à la vie religieuse collective : l’une procède des différentes trames sociales et l’autre, des cadres rituels. L’auteur suggère que la coexistence des différentes traditions religieuses s’est organisée en Chine à travers certaines formes de pluralité imposées et de règles visant à atténuer la compétition interreligieuse. La compétition a plutôt lieu à l’intérieur d’une tradition donnée, les spécialistes religieux disposant respectivement de leurs propres « paroisses » à l’intérieur desquelles ils exercent une sorte de monopole.

L’article de François Macé retrace ensuite l’évolution du rôle et de la place d’un dieu autochtone, Hachiman, dans l’histoire religieuse et politique du Japon. Cette divinité incarne les rapprochements et tensions entre, d’une part, les croyances indigènes et allogènes et, de l’autre, les mondes religieux et politiques. Dès le début de son histoire au viiie siècle, ce dieu d’origine provinciale se trouve lié au bouddhisme, une religion continentale dont il devient le défenseur. En parallèle, il ne tarde pas à être considéré comme le protecteur de la maison impériale dont la légitimité repose sur l’appartenance à une lignée d’ascendance divine, puis finit au cours des siècles par représenter les clans des guerriers. Le culte de cette divinité continue dans toute cette complexité jusqu’au xixe siècle.

Les articles de la deuxième partie montrent comment des mouvements religieux parviennent à intégrer les différentes représentations du monde et les systèmes symboliques anciens afin d’atténuer les conflits et trouver une solution harmonieuse. L’article de Mai Bui Dieu Linh examine l’effort de réconciliation entre deux groupes chams du Vietnam, longtemps divisés en raison de conflits religieux. Le peuple Cham avait une croyance ancestrale en des divinités de la nature et les esprits des défunts. Les influences indiennes depuis le xe siècle puis l’arrivée de l’islam malais créèrent une scission à l’intérieur de ce peuple qui se divisa en Cham Awal islamisé et Cham Ahiér conservant les croyances anciennes. Une nouvelle cosmologie dualiste intégrant un système symbolique d’origine indienne apparaît toutefois au xviie siècle en vue de réconcilier et unifier les deux groupes.

L’article de Carl Young explore quant à lui l’articulation entre deux mouvements, un ancien et un nouveau, au sein d’une même tradition religieuse. Le Tonghak, ou Savoir oriental, est créé dans un contexte critique sur tous les plans de la société coréenne et face à l’impérialisme étranger au xixe siècle. Farouchement nationaliste et anti-occidental (puis anti-japonais), il se réfère aux Trois Enseignements traditionnels (confucianisme, bouddhisme et taoïsme) et incorpore des pratiques populaires. Il se réorganise ensuite au début du xxe siècle sous une nouvelle appellation, Ch’ŏndogyo (Enseignement de la Voie du Ciel), et se joint aux réformistes afin d’en retirer divers avantages. Dans ses nouvelles œuvres doctrinales, le Ch’ŏndogyo incorpore un condensé des Trois Enseignements et d’autres grands systèmes religieux tels que l’hindouisme, le christianisme et l’islam, attribuant des nouveaux sens aux pratiques empruntées à ces religions et abandonnant certaines pratiques liées à d’anciennes cérémonies folkloriques. Ce faisant, le nouveau mouvement affirme sa double identité de religion autochtone véhiculant l’image d’un nationalisme modéré et de religion ouverte à la modernisation au début de la période coloniale.

Dans la troisième et dernière partie, on trouve les exemples d’une pluralité qu’on pourrait qualifier d’« intérieure ». L’article d’Édouard L’Hérisson met en évidence un particularisme hégémonique au sein d’un mouvement universaliste. Postulant l’existence d’un sentiment religieux universel basé sur la reconnaissance de l’existence de Dieu, le leader du nouveau mouvement Ōmoto a noué des liens avec des groupes aux revendications similaires en Chine, en Corée et en Iran. Cependant, dans son idée fondamentale d’une « même origine de toutes les religions », le shintō représente les racines de l’arbre qui forme ainsi une unité hiérarchisée, liée au contexte particulier de l’ambition impé

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Revue Extrême-Orient - Extrême-Occident
Nombre de pages : 192
Langue : français
Paru le : 22/03/2022
EAN : 9782379242304
CLIL : 4036 Asie
Illustration(s) : Non
Dimensions (Lxl) : 220×155 mm
Version papier
EAN : 9782379242304

Version numérique
EAN : 9782379242335

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