Replace or remake ? Considérations sur la notion de « remake » en conservation-restauration
Marie-Hélène Breuil
Le terme remake n’est utilisé que depuis très peu de temps dans les débats sur la conservation-restauration des œuvres contemporaines. Le statut de l’œuvre « refaite » ne semble pas toujours très clair, oscillant entre la copie d’exposition, la duplication et la reconstitution, et dépend de son auteur et du contexte de re-production. Cet article porte sur l’occurrence de ces termes dans les textes fondamentaux de la discipline et sur une étude de cas – la possibilité d’un remake d’une œuvre de Richard Long, White Rock Line – que nous menons au sein du Département conservation-restauration des œuvres sculptées de l’Esba TALM Site de Tours et en partenariat avec le Capc Musée d’art contemporain de Bordeaux.
Le re-enactment : Refaire, rejouer ou répéter l’histoire ?
Aline Caillet
Reconstitution grandeur nature d’événements de l’histoire, le re-enactment est une pratique amateur dont les artistes s’emparent depuis une dizaine d’années pour interroger l’écriture de l’histoire et ses résonances dans le temps vivant. Mais que signifie au juste rejouer l’histoire ? Quel est le modèle dont le re-enactment est la copie ? Entre répétition compulsive et exutoire, le re-enactment s’avance-t-il comme un outil au service de l’histoire ou le symptôme de son impuissance ?
Archéologie d’un scandale : RoS Indexical d’Yvonne Rainer ou Le Sacre du printemps rejoué.
Laurence Corbel
Parmi les nombreuses reprises du Sacre du Printemps, celle que présente Yvonne Rainer en 2007 sous le titre RoS Indexical (Rite of Spring Indexical), est un hommage iconoclaste original. La pièce de Rainer est une chorégraphie palimpseste composée de différentes strates temporelles qui sont autant des jalons de la reconstitution de la mémoire de ce spectacle que des éléments destinés à contextualiser cette pièce. La reprise de Rainer met au jour l’archéologie de ce ballet en reprenant le principe de stratification caractéristique de la mémoire collective. Cet article se propose de montrer comment Rainer, tout en perpétuant la mémoire du Sacre du printemps, tente de réactiver la dimension subversive de cette pièce que l’histoire a quelque peu effacée par le renversement progressif du scandale en mythe.
De Marina Abramović à Philip Auslander : impasses de la répétition dans deux théories contemporaines de la performance
Nicolas Fourgeaud
L’artiste Marina Abramović et le théoricien des médias Philip Auslander considèrent tous deux que la performance est un art inscriptible, que ce soit par la notation ou par le document. Mais ils font reposer leurs démarches respectives sur deux épistémologies apparemment incompatibles : l’artiste, si elle défend le fait de reprendre des œuvres anciennes, favorise la performance en direct, et essaye de neutraliser autant que possible la documentation produite sur son travail ; le théoricien conteste toute spécificité à la performance en direct, et fait du document l’outil principal de constitution d’une action en œuvre de performance. On montre ici comment ces deux positions apparemment incompatibles partagent en fait de nombreux présupposés théoriques.
Pour une anthologie de l’histoire de l’art occidental : entre remakes japonais et mitate, vers un nouveau statut de l’image répétitive dans l’œuvre de Morimura Yasumasa
Déborah Lévy
De l’histoire de l’art européen à la réalisation des autoportraits de Morimura Yasumasa, il n’y a qu’un pas entre ce que nous appelons communément citation et pastiche. Néanmoins, la production de l’artiste chemine entre les concepts du mitate et du remake à partir d’images appartenant à la mémoire collective. Cette approche de l’œuvre de Morimura donne lieu à une nouvelle version de l’image répétée à travers le corps travesti de l’artiste, vecteur d’une japonisation sous-entendue.
Le remake comme pratique communautaire ?
Mickaël Pierson
Le remake est devenu un mode opératoire commun de l’art contemporain. Les artistes réinterprètent souvent le film original avec des acteurs amateurs dans le contexte du quotidien. Plaçant l’amateur au centre du dispositif et faisant se rencontrer des personnes qui n’ont rien en commun, les artistes mettent en avant le caractère communautaire du cinéma. L’essentiel n’est peut-être plus dans le résultat (le film, l’objet d’art), mais tout autant dans les moments d’expérimentation en commun.
Une typologie pragmatique de la reprise des livres d’artiste d’Ed Ruscha
Stéphane Reboul
Nous proposons une typologie des reprises des publications artistiques d’Ed Ruscha à partir des conséquences de leur procès référentiel sur leur fonctionnement et leur usage. Notre hypothèse est que la notion d’exemplification de Nelson Goodman permet d’affiner les différentes directions d’ajustement entre le remake et l’œuvre reprise. Selon le degré de présence ou d’absence de l’œuvre reprise dans le remake, nous envisageons trois entrées principales : son omniprésence, son effacement partiel et sa disparition. Il s’agira de préciser si la reprise est une private joke sur et pour le monde de l’art, qui prolonge son fonctionnement autotélique ; ou bien si elle permet de reconsidérer les rôles du contexte matériel et humain d’une œuvre pour son fonctionnement.
Sherrie Levine : de l’appropriationnisme au simulationnisme
Hélène Trespeuch
En 1977, Sherrie Levine participe à l’exposition fondatrice de l’appropriationnisme qu’organise le critique Douglas Crimp à la galerie Artists Space : « Pictures ». Toutefois, en 1985, l’artiste semble avoir renié ses premières ambitions et elle est bientôt associée à une autre tendance, alors en pleine gloire médiatique, le simulationnisme. Est-ce parce qu’elle a renoué avec la peinture ? Que s’est-il passé ?