Taku KUROIWA, Xavier LEROUX, Darwin SMITH
De l’oral à l’oral : réflexions sur la transmission écrite des textes dramatiques
Ce présent travail vise à analyser le processus d’enregistrement du texte dramatique à deux niveaux. Il consiste d’abord en la structuration mentale d’un discours syntaxiquement organisé, le formatage, à l’aide de diverses conventions d’écriture comme la versification. Il procède ensuite d’une notation ou d’une transcription à usage tant théâtral que non-théâtral, la formalisation, dont la logique de travail répond à chaque situation de réalisation matérielle, comme la performance théâtrale, la lecture, la méditation, l’enseignement, etc. Les témoins scriptuaires obtenus se laissent difficilement répartir dans les catégories utilisées jusqu’à présent. La prise en compte de la formalisation et du formatage nous amène à éclairer les irrégularités métriques ou rimiques, insertions et autres procédés d’élaboration comme autant de témoins de la vie performative (ou active) de la manière transmise. L’historiographie du théâtre médiéval s’est longtemps attachée à distinguer les bons des mauvais manuscrits sans tenir compte de la mouvance textuelle inhérente à la transmission des textes. Les critères d’analyse que nous avons tenté d’établir permettent de réévaluer les différents représentants d’une famille en termes, non de qualité, mais de nature et de fonction, afin d’aboutir à une conception globalisante des mécanismes de production mentale et écrite des textes dramatiques.
Manuscrit – théâtre – oral – écrit – transmission – enregistrement – versification – performance
Gabriella PARUSSA
Editer les textes de théâtre en langue française : aperçu historique et perspectives
Cet article propose un aperçu rapide des techniques d’édition qui ont été adoptées pour rendre accessible aux lecteurs les textes du théâtre médiéval en langue française. Le but de cette enquête, menée sur les éditions parues depuis le XVIIIème siècle jusqu’à aujourd’hui, est de présenter et d’illustrer concrètement les principales orientations théoriques et leur application aux textes dramatiques. Les particularités de la transcription et de la transmission de textes liés à la performance vont de pair avec une configuration textuelle qui pose des problèmes spécifiques à l’éditeur ; ces spécificités permettent justement de mettre en évidence les faiblesses des méthodes traditionnelles. L’article se termine avec des considérations sur l’outil informatique et sur la mise en ligne de corpus textuels en particulier, dont on souligne les apports considérables à l’édition et à l’étude des textes. Une vraie réflexion sur les théories et les pratiques éditoriales est donc aujourd’hui plus que jamais nécessaire.
Édition – ecdotique – critique textuelle – théâtre – mise en ligne- informatique – corpus
Corneliu DRAGOMIRESCU
Vers une typologie des images du théâtre médiéval
Les images associées au théâtre médiéval, et notamment celles des manuscrits des pièces de mystères, permettent de poser la question d’une iconographie théâtrale au Moyen Age. Comme les images se rapportent le plus souvent à l’histoire et non pas à la représentation en tant que spectacle, il semble plus juste de parler d’images liées au théâtre. En élargissant le corpus, nous distinguons trois catégories : images liées à un spectacle, image liées à un texte et images donnant une vision idéaliste du théâtre du point de vue de l’homme médiéval. Ces images entretiennent des relations intertextuelles et intervisuelles avec d’autres séries d’images, liées thématiquement, ainsi qu’avec les spectacles eux-mêmes, enrichissant l’acte de réception pour le lecteur/spectateur.
Image – lecture – performance – mystère – manuscrit – intervisualité
Rose-Marie FERRE
L’art et le théâtre au Moyen Age : jalons et perspectives
Il revient à Emile Mâle d’avoir souligné les relations entre les arts figurés et le théâtre. Valorisant certes le document écrit et pensant la production artistique en termes d’ascendance ou de hiérarchie, ce grand penseur a cependant été attentif à l’évolution des idées et à leur transmission. Toutefois, il s’agit dorénavant de dépasser ces raisonnements traditionnels de l’influence de l’art dramatique sur les arts visuels et de favoriser une étude plus attentive des paramètres de la commande artistique. A ce titre, il paraît important de signaler les grandes étapes de la recherche sur ce sujet, longtemps resté problématique parmi les spécialistes. Mais, au-delà de ce bilan, il convient aussi de présenter les nouvelles démarches d’analyse de la création médiévale, davantage tournées vers la pluridisciplinarité et la prise en compte de la réciprocité des divers langages artistiques.
Iconographie – arts – théâtre – historiographie – Emile Mâle
Matthieu BONICEL, Katell LAVEANT
Le théâtre dans la ville : pour une histoire sociale des représentations dramatiques
Pour évaluer à sa juste mesure la place et l’influence du théâtre comme phénomène social à la fin du Moyen Age, il faut opérer un retour aux sources historiques, encore trop rarement étudiées pour cerner les cultures dramatiques. Quelles sources sont disponibles pour contribuer à l’histoire du théâtre, et comment les appréhender ? Nous proposons ici deux cas d’étude. D’abord, l’étude ciblée d’une zone géographique et de ses archives comptables, à travers l’exemple d’Avignon pour la période 1450-1550, permet de mettre en avant la matérialité de la représentation et l’importance du théâtre comme phénomène social dans l’espace municipal. Puis l’étude de la réception d’une représentation théâtre par son public, grâce à l’analyse d’archives judiciaire dans les provinces du Nord, pose la question du rôle du théâtre dans la formation d’une opinion publique pendant la Réforme. On peut ainsi saisir l’ensemble des questions matérielle touchant à la mise en place pratique du cadre de la représentation aussi bien qu’à l’impact symbolique du phénomène performatif dans l’espace urbain francophone des XVème et XVIème siècles, pour aboutir à une meilleure reconnaissance du théâtre médiéval et un nouveau regard sur la société qui en a fait un élément de son fonctionnement.
Théâtre – comptabilité municipale – archives – justice – cérémonies publiques – Provence – Avignon – Nord de la France – Pays-bas
Marie BOUHAIK-GIRONES
Comment faire l’histoire de l’acteur au Moyen Age ?
L’article entend poser les fondements d’une histoire des pratique théâtrales affranchies des cadres de l’histoire littéraire et déliée des limites des problématiques textuelles, où l’acteur est au centre de l’attention. On avance que le silence historiographique sur l’acteur au Moyen Age trouve en partie ses raisons dans la sources de l’un des grands malentendus de l’histoire du théâtre : le paradigme de la naissance de l’acteur professionnel en Italie à la Renaissance. L’enquête en cours ici exposée sur l’organisation des activités théâtrales se déploie sur les fonds comptables, parlementaires et notariés, afin d’envisager l’acteur au travail et étudier les constructions sociales et juridiques de son activité et de son métier face aux pratiques du droit. A travers l’examen de contrats notariés d’association d’acteurs en France et en Italie, on revient notamment sur le statut de preuve que la critique a octroyé à ce type de documents pour appuyer la thèse évolutionniste du “processus de professionnalisation de l’acteur”. L’abandon de la distinction traditionnelle “amateur/professionnel”, catégories inefficaces qui échouent à saisr la grande diversité des pratiques théâtrales comme la discrimination des situations médiévales, s’accompagne d’une proposition de réfléxion sur les points de ruptures entre le théâtre “médiéval” et le théâtre “classique”.
Acteur – archives parisiennes – historiographie – Moyen Age et Renaissance – théâtre
Maëlle RAMAGE
Le notariat, pratique juridique et sociale : les lieux de souscription des actes à Cavaillon au début du XVème siècle
L’historiographie du notariat des vingt dernières années se caractérise par l’observation plus précise de la personne et de l’activité du notaire pour aller vers la compréhension de la société à laquelle il appartient. S’inscrivant dans cette évolution, cet article propose une analyse des déplacements effectués par quelques notaires de Cavaillon au début du XVème siècles dans le but d’instrumenter les actes. Le corpus de l’étude consiste en sept registres écrits par trois notaires entre 1414 et 1417. Il s’agit exclusivement de registres de brèves dans lesquels les notaires consignent au jour le jour tous les actes qu’ils instrumentent, ce qui nous permet de les suivre dans leur activité. Le notaire ne se contente pas, en effet, de donner une force probatoire aux actes en y inscrivant les formules de droit adaptées, mais précise les circonstances, les paroles prononcées et le lieu choisi pour cet échange. L’étude de ces éléments montre que la diversité des lieux de souscription ne découle pas seulement des règles de l’exercice notarial mais aussi de choix de la part des clients. Ici, les déplacements des notaires à la rencontre de leurs clients relèvent d’une logique sociale reposant sur le statut des contractants, sur la portée des actes et la valeur accordée aux lieux.
Notariat – ville- espace urbain – Comtat Venaissin
Guénolé RIDOUX
Vivre une métaphore : écritures anglo-saxonnes du voyage en mer au VIIIème siècle
Revisitant la question des origines du pèlerinage, des publications récentes ont rappelé qu’aux yeux des contemporains les premiers voyages religieux relevaient plutôt de l’expression d’une forme particulière de monachisme que d’une pratique de dévotion caractérisée par des rites et un réseau de destinations fermement instituées. En examinant les sources du corpus “Vies missionnaires”, nous nous efforçons ici de montrer que les voyageurs religieux anglo-saxons des VIIème et VIIIème siècles concevaient encore la peregrinatio pro Deo comme cette recherche d’un renoncement au monde matériel par le mouvement physique réel. La nécessité de justifier cette forme de dévotion, trop proche de l’errance des moins dénoncée par la Règle bénédictine, favorisa le recours au thème littéraire du voyage sur la mer, susceptible de décourager les critiques stigmatisant l’immortalité du genre de vie mené par les moines errants dans le monde séculier. L’aptitude du motif de la traversée maritime à se fondre dans la métaphore du chrétien-voyageur s’ajouta à une lecture “missionaire” de l’histoire du peuple des Angles pour faire d’un voyage maritime initial une condition nécessaire de ce qui pouvait être considéré comme une pérégrination légitime. Ce thème littéraire, délaissé par l’hagiographie continentale au siècle suivant, imprima pourtant sa marque sur l’historiographie, et peut-être aussi sur la littérature, de la Bretagne insulaire.
Grande-Bretagne – Bède le Vénérable – hagiographie – peregrinatio – mer – mission