Introduction
Écrire le monde en langue française : problématiques et perspectives Lisbeth Verstraete-Hansen Mads Anders Baggesgaard
Le tournant mondial des sciences humaines et sociales, caractérisé par l’attention accrue portée au caractère dynamique et transnational des phénomènes culturels, a profondément modifié le regard porté sur la France, le français et les littératures écrites dans cette langue dont de nombreuses voix ont revendiqué la « dénationalisation 1 ».
Ce changement de regard invite chercheurs et enseignants à s’interroger sur les concepts et les catégories qui sous-tendent et structurent leur approche du littéraire : découpages spatiaux, périodisations, hiérarchies de valeur, processus de canonisation et lectures consacrées. Mais à quel niveau faut-il situer le « mondial » dans le domaine des études littéraires ? S’agit-il d’une perspective de recherche, d’une dynamique d’échanges ou, plutôt, du monde considéré comme référent ou thématique littéraire ? Impossible, pensons-nous, de dissocier ces trois niveaux, les frontières n’étant pas étanches entre eux. Tel est le point de départ de cet ouvrage, né d’un colloque tenu à l’Université d’Aarhus au Danemark où des chercheurs venus de disciplines et d’horizons divers ont confronté leurs analyses et leurs lectures des dynamiques mondiales à l’œuvre dans l’historicisation, la circulation et la production de la littérature écrite en français.
Il est difficile de juxtaposer les mots « littérature », « monde » et « français » sans rappeler le débat particulièrement vif qui s’est joué autour du « Manifeste pour une littérature-monde en français » publié dans Le Monde des livres en mars 2007. Prenant appui à la fois sur des textes de fiction d’auteurs réputés nomades, migrants ou cosmopolites et sur des idées inspirées par les débats sur la world literature, comme l’hybridité, la créolisation et la mobilité, le manifeste s’inscrivait clairement dans le tournant mondial évoqué plus haut pour annoncer la fin de la francophonie et l’avènement d’une littérature-monde en français.
Le manifeste a fait l’objet d’une réception abondante et mitigée, allant d’éloges inconditionnels à des critiques acerbes 2. C’est toutefois moins les positions dans le débat qui nous intéressent ici que le fait que le manifeste illustre, de manière exemplaire, à quel point se mêlent sur ces questions discours académique, critique et proprement créateur, soulignant la pertinence d’aborder textes littéraires et métalittéraires dans un même ouvrage.
Si le manifeste a indiscutablement dynamisé le débat académique sur les présupposés et les méthodes à partir desquels s’élabore un discours savant sur la littérature, en revanche, son analyse du fonctionnement de l’espace littéraire francophone n’a pas vraiment apporté du nouveau ni sur le plan institutionnel ni sur le plan littéraire : les instances de consécration – les jurys des prix littéraires – sur lesquelles s’appuyaient les postulats du manifeste étaient parisiennes, donc centrales, et les auteurs évoqués ou convoqués à titre de signataires bénéficiaient déjà d’une large reconnaissance. Rappelons qu’un signataire comme Édouard Glissant s’était vu décerner le prix Renaudot un demi-siècle auparavant, en 1958, année où, par ailleurs, deux autres écrivains francophones avant la lettre – belges, en l’occurrence – étaient également récompensés : Francis Walder par le prix Goncourt et Françoise Mallet-Joris par le prix Femina. Enfin, l’idée phare du manifeste selon laquelle un basculement de la hiérarchie littéraire avait privé Paris de son statut de centre littéraire incontesté n’est pas tout à fait étrangère à l’idée que l’on voit germer dès 1976 dans la préface à une anthologie didactique mise en chantier par le bureau de la Fédération internationale des professeurs de français. Bien que prudemment placée entre guillemets, l’assemblage « francophonie littéraire » commence à émerger comme manière de parler des littératures écrites en français hors de France :
Si, pendant longtemps, Paris et France ont servi de modèles aux écrivains de langue française, si, de nos jours encore, pas mal d’écrivains et d’artistes de toutes nationalités quittent leur patrie d’origine pour y trouver l’univers mental et le climat stimulant qui leur sont indispensables, il faut néanmoins se rendre compte que le Discours de Rivarol n’est plus de saison […]. En trois générations à peine, l’espace de la langue et de la littérature françaises s’est singulièrement transformé : il s’est surtout élargi et diversifié ; alors que jadis le bassin parisien et les régions romanes de la Suisse et de la Belgique constituaient les principaux carrefours de la création et de la diffusion, à présent, en Afrique comme au Québec, aux Antilles comme au Maghreb, au Liban comme au Vietnam, des écrivains et des éditeurs se sont groupés et produisent des œuvres qui nous dépaysent et nous surprennent autant par leur authenticité que par leur nouveauté 3.
Cette préface est parmi les premiers 4 textes en français à évoquer une « francophonie » littéraire – comprenant la Belgique et la Suisse aussi bien que le Québec et les pays décolonisés – susceptible de remettre en question la hiérarchie culturelle dominante pour « partage[r] avec la France la responsabilité de l’avenir international du français 5 ».
Dans les années suivantes, l’évolution annoncée par la préface de l’anthologie se confirme à travers l’usage de plus en plus fréquent des qualificatifs « francophone » et, à partir des années 1990, « postcolonial », qui, chacun à leur manière, ont permis de dépasser le compartimentage national des études littéraires françaises, soit en élargissant le corpus sur lequel travaillaient critiques et historiens, soit en procédant à des relectures d’œuvres déjà canonisées pour mettre à jour de nouvelles significations.
Ce renouveau des études littéraires françaises s’est fait aussi bien dans les universités européennes – francophones et non francophones – que dans le monde académique anglophone. Cependant, derrière des notions identiques et des interrogations à première vue communes se cachent des compréhensions parfois divergentes des objets d’études concernés. Comme l’a bien montré Pierre Bourdieu dans son étude sur les conditions sociales de la circulation internationale des idées, celles-ci circulent sans leur contexte de départ et se transforment au rythme des appropriations culturelles successives dont elles font l’objet 6. Aussi n’est-il pas étonnant que les études francophones et postcoloniales soient conçues différemment dans chaque pays en raison des traditions nationales et de leur organisation du savoir.
Si la manière dont le paradigme postcolonial a été importé et appliqué en France a fait l’objet de nombre d’études ces dernières années 7, on s’est peut-être un peu moins intéressé, dans une perspective comparatiste, aux éventuels glissements sémantiques et variations référentielles du terme « francophone 8 ». La raison en est sans doute que la genèse et le contexte de départ du terme « francophonie » en tant que concept scientifique est moins facilement localisable que l’origine de la pensée postcoloniale, aussi éclatée soit-elle. Or, nous pensons que le débat sur la mondialité des littératures en français gagne à tenir compte du fait que, dans les universités anglophones, « études postcoloniales » et « études francophones » semblent plus ou moins interchangeables 9, alors que cette adéquation est moins fréquente dans les débats théoriques en français qui souvent englobent aussi bien la francophonie du Nord que celle du Sud 10. Le corpus à partir duquel s’élaborent théorisations et canonisations dans le domaine des études littéraires francophones peut donc varier selon le contexte linguistique ou national.
Si leur corpus peut varier, les études francophones et postcoloniales ont toutefois en commun d’être parties d’une pensée binaire structurant l’espace à explorer en un pôle dominant (centre ou métropole) et un pôle dominé (périphérie ou colonie). Ce binarisme paraît aujourd’hui dépassé, et c’est à partir de là que la notion de mondialité prend tout son intérêt puisqu’elle ne véhicule aucune hypothèse a priori sur la nature des relations interculturelles entre les textes, les institutions et les auteurs étudiés. Dès lors, ne pourrait-on pas penser que le temps est venu de reprendre le débat à nouveaux frais et que les études littéraires francophones, postcoloniales, puis globales sont à considérer comme autant d’étapes dans un processus de décloisonnement de l’objet « littérature en français » qui, petit à petit, voit s’estomper les frontières entre auteurs français et auteurs francophones ? Deux propositions récentes vont clairement dans ce sens.
Pour Michel Beniamino, qui en appelle explicitement à un renouvellement des études francophones, le lien entre le phénomène colonial et la francophonie littéraire est inopérant pour, au moins, deux raisons : premièrement, des écrivains francophones publient depuis longtemps dans des pays qui n’ont jamais été une colonie française, et deuxièmement, l’insécurité linguistique dont un certain courant théorique a fait le signe de reconnaissance de l’écrivain francophone, est observable dans de nombreux textes bien en amont de l’apparition du mot « francophone » sous la plume d’Onésime Reclus à la fin du xixe siècle. Pour Beniamino,
[…] ce que nous appelons « francophonie » ne peut être pensé sans s’inscrire dans une histoire sociopolitique de la langue française et de la littérature qui se produit à l’intérieur de ce système de contraintes, une histoire liée à l’expansion de la langue française et dont fait intégralement partie la « francisation » de la France 11.
Par rapport aux études francophones de la première heure, Beniamino propose donc de tenir compte de la réalité historique de la France, même en remontant jusqu’au Moyen Âge où l’on trouve, déjà, des instances veillant sur le bon usage de la langue, ce qui amène à la prise de conscience d’un écart entre un usage légitime et illégitime de la langue. Cet écart peut provoquer un sentiment d’altérité, terme très présent dans le vocabulaire critique des études postcoloniales et francophones, mais qui serait donc également efficace pour étudier la littérature en français dans la longue durée.
Le concept d’altérité occupe également une place centrale dans l’ouvrage French Global. A New Approach to Literary History rédigé par Christie McDonald et Susan Rubin Suleiman et portant sur les « literary traditions in French, inside and outside the country known today as France 12 ». Pour les deux rédactrices, un des défis posés par cette nouvelle manière de concevoir l’histoire littéraire consiste « to read these works in relation to the globe: as world, as sphere, as a space of encounter with others and with the very idea of otherness 13 ». Le global serait donc ici à considérer comme le contraire du « national » et serait lisible à travers les courants culturels du monde qui traverse la littérature française à partir du Moyen Âge. Par conséquent – à l’instar de Beniamino – le volume fait voler en éclats le cadre temporel qui limitait l’étude des dynamiques « francophones » à la période postcoloniale – au sens chronologique du terme. Le cadre spatial semble toutefois toujours modelé sur l’empire colonial français ce qui exclut d’emblée la francophonie européenne extra-hexagonale de l’espace des rencontres en français. Et ce n’est pas la seule tâche aveugle de l’approche comme le fait remarquer Corinne Blanchaud. Cette dernière considère que l’absence d’attention pour ce qui, dans la configuration littéraire interne, est structurellement comparable aux dynamiques décrites sur le plan global, aboutit à une perspective biaisée qui passe à côté de ce qui constitue la diversité et l’altérité des textes littéraires écrits sur le sol français :
[…] une nouvelle histoire littéraire française devrait également prendre en compte les langues et les cultures des campagnes volontairement étouffées […] par l’État jacobin puis par le monde moderne, et dont la survie – comme, du reste, l’intérêt porté aux littératures francophones – relève de l’exotisme 14.
On est ici devant des conceptions différentes du sens même de francophonie – le monde où l’on parle français – qui ont une profonde influence sur la perception de ce qui constitue la contextualisation pertinente d’une œuvre littéraire et aussi, par conséquent, sur le discours historique sur la ou les littérature(s) en français.
Le présent ouvrage prend acte de ces positions dans la mesure où, dans son questionnement sur la mondialité de la littérature en français, il considère comme digne d’intérêt tout écrivain écrivant en français et dont l’œuvre permet de questionner des relations entre un niveau local et les niveaux supra-locaux auxquels elle s’articule – sans aucun a priori sur ce que représente l’un ou l’autre niveau, les unités pertinentes devant, à chaque fois, être décidées par l’analyse.
Reste à savoir ce qu’il faut entendre, dans une telle perspective, par le mot « monde » et ses dérivés « mondialisation » et « mondialité » ? Dans La Création du monde ou la mondialisation de 2002, le philosophe Jean-Luc Nancy souligne la supériorité du concept français de mondialisation sur le terme anglais de globalisation jugé trop abstrait pour permettre d’évoquer l’idée d’un monde situé et habité, un monde comme « totalité de sens » : « Comment penser, précisément, un monde là où nous ne trouvons plus que globe, univers astral ou terre sans ciel (ou bien, pour citer Rimbaud en le retournant, mer non mêlée au soleil) 15 ? » Pour Nancy, le concept de mondialisation signifie à la fois que le procès historique est complexe et multiple et qu’il participe de plusieurs mondes différents ou même contradictoires qui se construisent principalement à travers l’art qui en fournit « les exemples les plus parlants 16. » Ainsi, la mondialité de la littérature en français pose certes la question du contexte ou de la circulation des œuvres dans le monde, mais aussi la question de la manière dont celles-ci reflètent et représentent le monde et leur monde. C’est pour mieux rendre compte de cet aspect de la mondialisation qui se réfère à l’art, que nous avons opté pour la notion de mondialité 17.
C’est à partir de ces différentes perspectives, souvent entrelacées, que le lecteur trouvera ici des études sur des textes écrits par des auteurs suisses, ivoiriens, franco-américains ou québécois, tout comme il verra la réflexion s’engager en direction d’écrivains hexagonaux. Mais la diversité des dix articles qui constituent le présent ouvrage n’est pas uniquement liée au choix des textes, elle tient aussi aux approches mobilisées relevant de différentes branches des sciences humaines et sociales, comme la rhétorique, la microhistoire, la philosophie et les études subalternistes. En somme, l’ouvrage propose une approche inductive et méthodologique du paysage des études littéraires francophones afin de saisir une évolution en cours.
Sous le titre « Approches théoriques », la première partie est composée de trois articles qui discutent des défis soulevés par la formation, la structure ou la délimitation de l’espace littéraire francophone comme objet de recherche. Dans le premier article, François Provenzano se propose d’illustrer la pertinence, pour les études littéraires francophones, de concepts et de cadres méthodologiques inspirés de l’analyse rhétorique des discours. Évoquant le cas particulier du discours de l’historien de la littérature suisse romande, Gonzague de Reynold, François Provenzano montre comment la « littérature francophone » est un objet qui se dégage pour l’essentiel des grandes topiques selon lesquelles s’organisent les discours qu’on porte à son endroit. La « mondialité », qui fait partie de ces topiques, met l’accent sur son caractère problématique et l’inscrit dans une longue tradition rhétorique et la vaste cartographie par laquelle s’appréhende la chose littéraire.
Anne-Frédérique Schläpfer prend acte de la relativisation des cadres d’analyse traditionnels reposant principalement sur les frontières nationales et linguistiques pour introduire la notion d’échelle dans le débat. En s’appuyant sur les travaux des microhistoriens et anthropologues de la culture, l’article discute la question de la contextualisation pertinente de l’œuvre : comment, en effet, étudier une œuvre dans une perspective mondialisée sans pour autant l’arracher au contexte local ou abandonner l’attention fine au langage ? À travers l’étude du parcours de la romancière romande Catherine Colomb dont les inspirations littéraires ne sont pas exclusivement locales, Anne-Frédérique Schläpfer montre comment une contextualisation « multiple », attentive à la fois aux pratiques littéraires locales et à la circulation internationale de textes et d’écrivains, rend possible une autre histoire des formes et des échanges littéraires.
Après l’illustration de ce que peuvent la rhétorique, l’anthropologie et la microhistoire pour les études francophones, Michał Krzykawski introduit une voix strictement philosophique dans le débat. Précisant d’entrée de jeu qu’il ne s’agit ni de réaffirmer la francophonie comme espace hétérogène spontanément défini comme tel, ni de la critiquer comme un avatar du colonialisme, il se propose de l’appréhender comme un concept qui mérite une interrogation sérieuse sur ses fondements ontologiques. Si Michał Krzykawski prend son point de départ dans le Manifeste pour une littérature-monde, c’est pour mieux récuser son discours sur la diversité, la pluralité, l’hybridité ou la créolité et ainsi ouvrir une interrogation sur les possibilités d’être ensemble dans la langue française afin de voir sous quelle condition et selon quelle loi nous pouvons habiter un(e) oïkos francophone dont la nature est purement langagière.
La deuxième partie intitulée « Circulations » regarde de plus près quelques-unes des institutions et des pratiques qui permettent à la littérature en français de circuler. Emmanuel Fraisse évoque les différents paradoxes qui structurent les « francophonies littéraires » considérées comme un espace linguistique tiraillé entre centralité et pluralité, entre norme et variation, monolinguisme et plurilinguisme. Pareille hétérogénéité affecte la diffusion comme la production littéraire écrite en français ce que l’article met en évidence à travers l’exemple de l’édition qui illustre un des paradoxes liés à la circulation des textes littéraires en français : elle est mondialisée mais se doit, dans l’écrasante majorité des cas, de passer par Paris qui fournit toujours la masse critique et le dispositif éditorial et critique nécessaire au succès à grande échelle.
Nombre des paradoxes ici mis en lumière serviraient à décrire les conditions d’existence de la littérature franco-américaine d’expression française, espace diglossique et « invisible à l’intérieur de la République mondiale des lettres », selon l’expression de Peggy Pacini qui s’intéresse aux paratextes mis en œuvre par deux écrivains franco-américains francophones, Grégoire Chabot et Normand Beaupré. Afin d’analyser les différents types de paratextes comme autant d’invitations à réfléchir sur la transmission de la mémoire culturelle et l’avènement d’une littérature propre, l’article revient sur la construction de l’histoire littéraire discontinue et marginale de la littérature franco-américaine et sur la nécessité de l’usage et de l’enjeu stratégique du paratexte comme lieu d’échange et espace de transaction littéraire et culturel.
La circulation par la littérature – en tant qu’objet culturel – est aussi au centre de l’article suivant où Véronique Magaud se penche sur la place de la littérature dans l’enseignement supérieur hors contexte francophone. Calqués sur ceux de l’Hexagone, les contenus des cours se concentrent souvent sur les œuvres qui participent de la définition d’une identité collective française sans tenir compte des contextes locaux aux enjeux éducatifs différents. L’article propose d’envisager la littérature comme objet culturel/civilisationnel et avance l’argument selon lequel elle a un rôle à jouer comme mode de médiation entre allophones et natifs. La Place d’Annie Ernaux, témoignage des représentations autour de la langue minorée et de la langue dominante dans le contexte français de centralisation linguistique, sert à mettre en évidence cette dynamique de la littérature à travers ses dimensions politiques.
Dans la première partie de l’ouvrage, la mondialité est considérée comme un mode d’étude des objets littéraires dont différentes formes de circulations sont étudiées dans la deuxième partie. La troisième partie intitulée « Vers un imaginaire glocal » envisage la mondialité plutôt comme objet d’étude dans les textes littéraires mêmes.
La relation entre fiction et histoire, discours littéraire et discours historiographique fait l’objet d’une analyse inspirée par les études subalternistes mobilisées par Yves Clavaron pour montrer comment Ahmadou Kourouma, face au « vol de l’histoire » par les puissances coloniales, tente de la relire à partir de points de vue alternatifs pour dévoiler une autre histoire de l’Afrique, qui la replace dans une perspective mondiale et antihégémonique. Dans son roman Monnè, outrages et défis (1990), Kourouma provincialise l’histoire européenne par l’instauration d’un point de vue africain, en s’efforçant de déconstruire les paradigmes de l’historiographie occidentale et en affirmant une histoire africaine par un disc